Alors que Donald Trump vient de quitter la Maison Blanche, ce roman graphique, inspiré d’une enquête du Washington Post, retrace l’ingérence russe supposée dans la campagne présidentielle de 2016 ainsi qu’une éventuelle entrave à la justice par Donald Trump. Organisé autour d’une introduction, de six parties et d’un épilogue, il livre un récit haletant et souvent hallucinant sur la présidence Trump. 

Le rapport Mueller

On trouve d’abord un exposé des faits. Robert Mueller, procureur spécial, a enquêté durant deux ans, ce qui a abouti à la rédaction d’un rapport de 448 pages. Ce rapport est un document qui offre avec une grande précision le quotidien à la Maison Blanche sous l’administration Trump. Il établit que l’influence des Russes a été « généralisé et systématique » mais qu’aucun élément factuel ne permet d’affirmer que Trump ou son équipe de campagne ont conspiré avec le Kremlin. L’auteur précise également que « les dialogues […] sont également issus du rapport, qui dévoile des SMS, des notes confidentielles et des entretiens avec des témoins directs de l’affaire russe. Les illustrations d’événements publics sont basées sur des photos de presse de l’époque. Les tweets du président ont été reproduits tels quels ». Avant d’entrer dans le vif du sujet, l’auteur présente en quelques lignes les différents protagonistes avec une rapide biographie de quelques lignes.

« Ce truc avec la Russie est loin d’être réglé »

Tout commence en décembre 2016 avec la révélation du rôle qu’aurait joué la Russie dans la campagne présidentielle américaine. On se situe alors dans un moment particulier car bien qu’élu, Trump n’est pas encore entré en fonction. De façon étrange, la Russie ne répond pas aux accusations d’Obama. Cela peut sans doute s’expliquer par le fait que Michael Flynn, futur conseiller à la Sécurité nationale, s’est entretenu auparavant avec l’ambassadeur russe à Washington. Flynn est entendu par des agents du FBI et de forts soupçons peuvent alors peser sur son indépendance vis- à-vis de la Russie. Tout est fait pour éteindre le feu mais sans grand succès. On voit les pressions qu’exerce Trump sur James Comey, le directeur du FBI, pour que l’enquête sur Flynn s’arrête maintenant que ce dernier a démissionné. K.T. Mc Farland, son ancienne collaboratrice, est aussi poussée dehors. 

Trump vire le directeur du FBI

Auditionné en mai, James Comey va contre l’histoire que Trump voudrait entendre et déclare que le FBI enquête bien sur la Russie et l’élection de 2016. Le président décide de limoger le directeur du FBI, prérogative qui lui appartient, mais qui n’a été utilisée qu’une fois dans l’histoire américaine. Cette décision divise l’équipe de Trump. Après plusieurs manoeuvres, la Maison Blanche annonce dans un communiqué que Trump a renvoyé Comey sur recommandation du ministère de la Justice. Face au tollé, Trump décide de faire endosser la responsabilité de cette décision à Rod Rosenstein, le numéro 2 du ministère de la Justice puisque Jeff Sessions, le numéro 1,  s’est refusé à superviser l’enquête.

Le procureur met la pression à Donald Trump

Rod Rosenstein décide donc de nommer un procureur spécial pour reprendre le contrôle de l’enquête et la mettre hors de portée du ministère, mais aussi surtout hors du président des États-Unis. Il confie cette mission à Robert Mueller, un ancien directeur du FBI unanimement respecté. Trump essaye de torpiller, sans succès, cette nomination qui l’inquiète. Un article du « Washington Post » dénonce ces pressions. Le président se déchaîne alors à coups de tweets, parlant d’une véritable « chasse aux sorcières » contre lui. 

Un fidèle au secours du président

Ayant échoué à obtenir la destitution du procureur Mueller, Trump cherche d’autres moyens de le déstabiliser. Il écrit une déclaration qui doit être lue par Jeff Sessions où il revient sur sa décision de ne pas superviser l’enquête. Ce tour de passe passe permettrait aussi que les faits reprochés de 2016 ne soient plus examinés par Mueller. Mais Sessions esquive le rendez-vous prévu. De nouvelles révélations du « Washington Post » montrent que, contrairement à ses déclarations, Sessions avait discuté, avant la campagne de 2016, avec l’ambassadeur de Russie.  

Je vais devoir me passer de lui

Au début de l’année 2018, le « Washington Post » révèle que Donald Trump a voulu renvoyer le procureur Mueller mais qu’il s’est ravisé quand son conseiller juridique, Mc Gahn, a menacé de démissionner. Trump réfute cette version des faits et attend de Mc Gahn qu’il change sa version des faits mais l’homme résiste toujours. L’attention du président se déplace alors sur d’autres protagonistes de l’affaire.

Trump s’en prend aux témoins

Le vent tourne pour Michael Flynn, l’ancien conseiller à la sécurité nationale. Encensé au moment de sa démission par Donald Trump, il indique cette fois vouloir collaborer avec le procureur Mueller. Il plaide d’ailleurs coupable de fausses déclarations au FBI.  De manière habile, le président fait miroiter une grâce, histoire de l’inciter à ne pas trop en dire. Ensuite, c’est notamment au tour de Paul Manafort, l’ancien directeur de campagne de Trump, d’être mis en accusation pour une affaire de fraude fiscale en lien avec des politiciens pro-russes. Le livre reproduit certains tweets de soutien du président où il n’hésite pas à dire que Paul Manafort a été plus maltraité qu’Al Capone. Michael Cohen, l’avocat du président depuis plus de dix ans, inquiète également Trump. Michael Cohen a notamment négocié avec une star du X pour qu’elle ne dise rien de sa relation avec Trump avant l’élection. L’avocat va jusqu’à dire qu’il l’a payée sur ses deniers personnels. Trump assure de son soutien ce fidèle qui finit, lui aussi, par se retourner contre son ancien client. En août 2018, Manafort est reconnu coupable de huit chefs d’accusation et, peu après, c’est Michael Cohen qui dit avoir détourné de l’argent pour payer le silence de la star du porno. Il affirme surtout que Trump était au courant. En décembre 2018, Cohen est condamné à trois ans de prison. Avant de partir pour la prison, il brosse un portrait au vitriol du locataire de la Maison Blanche. Mueller met finalement en cause ou fait condamner six proches de Trump pour différents motifs, mais aucun n’a été accusé de conspiration avec la Russie dans le cadre de la campagne présidentielle de 2016.

Epilogue

Dans l’épilogue et uniquement sous forme d’écrit l’auteur fait le bilan de cette affaire. Pendant deux ans Robert Mueller a cherché à savoir si le président Trump a enfreint la loi. « Un président accusé d’infraction à la loi ne peut donc être poursuivi qu’après sa destitution par le Congrès. Respectant ces avis, et par souci d’équité, Mueller a choisi de ne pas dire s’il disposait de preuves suffisantes pour inculper Donald Trump. Mais à la différence d’un procureur traditionnel, Mueller a choisi de rendre publics les nombreux éléments rassemblés dans le cadre de son enquête ». On le sait, Donald Trump est sorti politiquement victorieux de l’enquête russe, mais cette affaire a révélé un mode de fonctionnement de la part du président qui interroge sur ses rapports avec la vérité et la démocratie.

Jean-Pierre Costille