Voici venu le temps de « La Revue dessinée » pour l’été : elle parle de justice opaque à travers le cas peu connu des tribunaux d’arbitrage ou de justice demandée avec les crimes commis en Syrie. Sans y voir aucun opportunisme puisque le reportage était prévu depuis longtemps, vous trouverez également une enquête sur la collapsologie.

Crimes et châtiments 

Après neuf ans de guerre en Syrie, quelle est la situation ? Un quart de la population vit à l’étranger et le conflit aurait déjà fait plus de 350 000 morts. Le reportage est consacré à celles et ceux qui se sont lancés dans un combat contre l’impunité du gouvernement syrien. Il change de couleur de fond selon que l’on se situe hier en Syrie ou aujourd’hui en Europe. On suit d’abord Anwar Al-Bunni, un célèbre avocat qui a lui- même passé sept ans en prison. Il collecte des témoignages pour documenter les crimes commis par le régime. Aujourd’hui, ce sont plus de trois millions de documents qui ont été récoltés et tous doivent être vérifiés et notamment ceux qui portent témoignage des conditions de traitement dans les prisons. L’étape suivante c’est de se tourner vers la justice internationale mais c’est un véritable chemin de patience. Pour arriver à faire condamner des responsables, l’entrée choisie par les avocats est celle de la compétence universelle des Etats. En effet, cette clause permet à un Etat de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis hors de son territoire, quelles que soient la nationalité et la résidence du criminel. On estime que plus de 1000 anciennes petites mains du régime syrien vivraient aujourd’hui en Europe. 

Instruction, verbe aller, cinéma et photographie : des rubriques toujours variées 

« La sémantique c’est élastique » éclaire le lecteur sur la complexité de conjugaison du verbe aller. Les irrégularités s’expliquent par une étymologie des plus complexes. « Aller » se conjugue avec trois radicaux différents qui viennent de trois verbes latins. « Instantané » s’arrête sur cet étonnant cliché pris au moment de la tentative de coup d’Etat en Espagne en février 1981. On y voit le lieutenant-colonel Tejero, armé, au perchoir de l’Assemblée. Les députés seront finalement libérés après une prise d’otage de dix-sept heures. « La revue des cinés » évoque le film « Rolling Thunder revue » que Martin Scorsese a consacré à Bob Dylan. C’est un film étrange, à cheval entre le documentaire et la fiction, qui raconte une tournée du chanteur dans les années 70. Il reste difficile de démêler le vrai du faux dans cet objet non identifié. « Au nom de la loi » retrace l’histoire de l’instruction obligatoire. On pense automatiquement à la loi de 1882 mais on peut remonter plus loin. On peut citer comme étapes Charlemagne ou encore Louis XIV et l’ordonnance de  1698 qui dit que les parents doivent envoyer leurs enfants dans des écoles paroissiales. Dépassant le strict cadre juridique, le reportage insiste sur le discours autour de l’éducation qui dit sans cesse qu’il faut réformer et que le niveau baisse. 

Justices

Claire Alet et Pierre Lecrenier proposent un reportage sur un sujet qui parait très aride au premier abord mais qui se révèle passionnant et effrayant. Il s’agit des tribunaux d’arbitrage, une sorte de justice sur mesure où les multinationales peuvent imposer leur loi aux Etats. Après un rapide historique, on découvre que ce système a véritablement pris son envol dans les années 1950 dans un contexte de décolonisation. Il s’agissait alors pour les entreprises d’être dédommagées au moment où les Etats, nouvellement indépendants, nationalisaient souvent leurs ressources naturelles. On a vu se développer des TBI ou traités bilatéraux d’investissement. Une carte repère quelques exemples puis le reportage détaille un cas lié aux conséquences de l’accident de Fukushima. L’Allemagne a annoncé sa sortie accélérée du nucléaire mais le pays s’est trouvé confronté au groupe Vattenfall spécialisé dans l’énergie. Il faut noter que si un Etat est condamné à payer des pénalités, cela revient à faire payer l’amende par de l’argent public. La menace du tribunal d’arbitrage suffit parfois à régler en amont des conflits entre entreprises et Etats. Le reportage précise également que l’Argentine est le pays le plus visé et le secteur de l’énergie le plus concerné par ce type de procédure.

Dans « Le revers de la médaille », Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Vincent Sorel mettent le projecteur sur la pédocriminalité dans le sport. Le témoignage récent de Sarah Abitbol a levé le voile sur des pratiques cachées depuis des années. Des clubs, des fédérations ou des services de l’Etat peuvent être responsables de ces dérives. Le reportage évoque plusieurs cas et notamment celui d’un entraineur de judo en France. Condamné en 2007, il a pourtant retrouvé un poste où il est en contact avec des jeunes. L’article L 212-9 du code du sport est pourtant clair mais la réalité est toute autre et, en plus, on constate que dans une affaire sur deux l’agresseur récidive.

Les rentiers de l’asphalte

Isabelle Jarhjaille et Tristan Fillaire démontent le business des sociétés d’autoroutes. Ils retracent notamment le combat de Marc Péré pour que ces équipements profitent à tous gratuitement. Cependant aujourd’hui l’Etat est pieds et poings liés jusqu’en 2036 avec les grands groupes propriétaires de ces infrastructures. Un rapide historique rappelle que les péages devaient à terme être supprimés et on attend toujours que cela devienne une réalité. En 2005, l’Etat a vendu les autoroutes au moment où elles commençaient à générer des bénéfices ! Trois groupes se partagent aujourd’hui la manne, car c’est bien le mot qui s’impose, puisque certains avancent une marge nette de 35 %. Ce chiffre est contesté par les principaux intéressés. Le reportage évoque aussi les ravages de la télé assistance pour celles et ceux qui travaillent à ces postes.  

La fin d’un monde

Cette plongée permet d’en savoir plus sur la collapsologie, terme inventé par Pablo Servigne en lien avec un livre de Jared Diamond en 2005.  On peut remonter plus loin pour trouver les racines d’un tel mouvement. On suit David Manise, instructeur de survie en milieu naturel ou hostile, qui est une figure du mouvement de la survie. La collapsologie est parfois poussée à l’extrême, voire à la caricature sur les réseaux sociaux,  mais le  mouvement cherche aussi à attirer l’attention sur les conséquences de certains modes de vie. On rencontre ensuite une personne  qui stocke chez elle de la nourriture mais aussi un certain nombre d’équipements afin d’être autonome en cas de crise. Parmi les principes d’organisation d’un tel mouvement, on peut signaler les « BAD » ou base autonome durable avec un exemple dans la Drôme. Le reportage se termine en évoquant le mouvement « Extinction rébellion » qui porte une critique radicale du capitalisme.

Pour septembre 2020, « La Revue Dessinée » annonce un reportage sur la sécurité sociale, un autre sur les marchands d’art et un intitulé «Obéissance sur ordonnance » consacré à l’école.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes