« Encore un ouvrage sur les neurosciences et les apprentissages ! » : dès ses premières lignes, Nolwenn Guedin démine le terrain et entend préciser son projet. Elle veut livrer une approche sur le cerveau qui s’enrichit de l’ensemble des connaissances actuelles sur les apprentissages. Elle souligne dès le départ qu’il existe plusieurs mécanismes pour apprendre et que les enseignants disposent d’une liberté pédagogique pour agir au mieux.
Cinq entrées pour mieux comprendre le cerveau
Nolwenn Guedin est professeure des écoles et titulaire d’une thèse en cognition mathématique. Elle aborde cinq domaines, à savoir l’éveil des cinq sens, les émotions, les capacités attentionnelles, la mémorisation et enfin la motivation. Chaque chapitre est construit de la façon suivante : une amorce par un cas concret, une évocation des approches pédagogiques possibles, des éclairages scientifiques, le décryptage d’un neuromythe puis des fiches-outils pour ouvrir des pistes concrètes. Chaque chapitre occupe ainsi de vingt à trente pages en moyenne. L’ouvrage comprend en outre des encarts pour définir des éléments notionnels, quelques schémas ou photographies et une bibliographie.
Les cinq sens
La situation concrète proposée permet de poser la question centrale à savoir : comment stimuler les enfants dans tous les domaines sensoriels, en dépit d’appétences premières manifestement si différentes ? Nolwenn Guedin rappelle d’abord les apports de Friedrich Froebel ou de Maria Montessori. Elle souligne que cette approche sensorielle, que l’on trouve dans les travaux des pédagogues, se retrouve aujourd’hui souvent dans les classes maternelles. Pour la sous-partie sur les éclairages scientifiques, l’auteure passe en revue chacun des sens puis elle se focalise sur le neuromythe qui voudrait que « tout se joue avant 3 ou 6 ans ». La plasticité cérébrale contredit cette idée reçue. La boite à outils offre trois possibilités, dont une qui invite à une exploration pluridisciplinaire de la nature avec les élèves.
Les émotions
Il est difficile de dissocier l’acte pédagogique de l’état émotionnel des élèves quel que soit leur âge. Nolwenn Guedin évoque notamment l’importance des rituels. Elle passe en revue plusieurs auteurs de référence et notamment Célestin Freinet pour qui toutes les productions de l’enfant étaient utiles à son développement. Le simple rituel oral du matin « Quoi de neuf ? » peut, à sa façon, y contribuer. Les fichiers auto- correctifs sont également un procédé intéressant puisqu’ils permettent à l’élève d’avancer à son propre rythme. Plus récemment, on a vu apparaitre les « classes flexibles » qui font que l’enfant peut, par exemple, s’installer où il veut pour travailler dans les différents espaces proposés. Dans les éclairages scientifiques, l’auteure revient sur l’importance de la communication avec autrui ou sur les Cogni ‘classes qui mettent l’accent sur les mécanismes d’apprentissage. En terme de neuromythe, il faut arrêter de penser que la punition puisse faire le moindre bien.
Le contrôle attentionnel
Sur la question de l’attention, après avoir abordé les activités de « vie pratique » à l’école Montessori, l’auteure met l’accent sur l’intérêt de jeux comme « Jacques a dit », ou les Dobble. La sous-partie sur les éclairages scientifiques permet d’évoquer des notions comme la planification, l’inhibition ou le maintien de l’attention en lien avec la mémoire de travail. On peut souligner l’intérêt de la première fiche outil qui propose aux élèves une programmation en sous-tâches, histoire de ne rien oublier à faire dans un exercice. La fiche outil 2 traite elle de l’inhibition en utilisant le jeu comme entrée. En revanche, on peut oublier la brain drain gym car elle n’améliore pas l’attention et la capacité travaillée ne conduit à aucun transfert au fonctionnement général du cerveau.
La mémorisation
Nolwenn Guedin rappelle d’abord les travaux d’Olivier Decroly et le cite : « On ne sait vraiment bien à fond que ce qu’on a compris ». Les chercheurs actuels insistent sur la nécessité d’aller du concret aux concepts. Jérôme Bruner avait déjà dit cela lorsqu’il évoquait trois phases à savoir : agir sur des objets concrets, former des images à partir d’instructions concrètes et enfin adopter des notations symboliques. Ce débat se retrouve aujourd’hui avec la méthode de Singapour pour les mathématiques. On sent également une orientation forte vers ce qu’on nomme globalement « les approches explicites ». En effet, il faut bien mesurer que tout ne peut pas être découvert en permanence par l’élève et que ce type d’approche ne bénéficie qu’aux élèves ayant déjà de bonnes facultés cognitives et d’auto apprentissage. L’auteure s’arrête davantage ici sur les apports des neurosciences en s’appuyant sur les quatre piliers de l’apprentissage popularisés par Stanislas Dehaene. On peut relever que faire pratiquer aux élèves des travaux de groupes est un bon levier pour qu’ils s’engagent ce qui est un des piliers. On sait aussi aujourd’hui que plutôt que de relire sans cesse son cours, le moyen le plus efficace est de se tester. Les fiches outils reviennent sur les jeux de mémorisation qu’on peut utiliser à ces fins avec ses élèves.
La motivation
L’auteure cite à nouveau Olivier Decroly et Célestin Freinet. Le premier avait mis en évidence quatre centres d’intérêt qui correspondent aux besoins naturels de l’enfant à savoir se nourrir, se protéger, se défendre et travailler au sein de la société. L’éclairage scientifique revient sur les notions de motivation intrinsèque et extrinsèque. Le neuromythe est consacré au fait que le numérique motiverait les apprenants. Il faut se méfier du degré de maitrise de l’outil numérique par les jeunes qui manquent parfois de formation pour certains logiciels ou fonctions de base. En revanche il est certain que l’outil informatique est recommandé pour les phases d’entrainement et de test car l’élève n’est pas jugé par la machine. Une des fiches outils présente d’ailleurs deux applications très utiles, « Plickers » et « Anki ».
En conclusion, Nolwenn Guedin relève que « nous assistons à une diffusion de principes pédagogiques qui se révèlent probants à la lumière de véritables démarches scientifiques ». L’ouvrage est donc rapide mais tout enseignant se doit de connaitre les éléments de ces cinq clés et peut aller ensuite plus loin en s’appuyant sur les pistes bibliographiques proposées.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.