À la lumière de l’historiographie récente, la société d’Ancien Régime, étudiée ici du XVIe au XVIIIe siècle, se révèle plurielle et travaillée par des dynamiques profondes.

Ce volume de la Documentation photographique s’attache à restituer sa complexité et les mobilités qui participent à ses évolutions, sans omettre les contraintes conjoncturelles –environnementales, économiques, politiques –, les conceptions religieuses et les imaginaires sociaux, qui pèsent sur le destin des individus et des groupes.

 

Les auteurs

Isabelle Brian est professeure d’histoire moderne à l’université de Lorraine et membre du CRULH.

Anne Conchon est professeur d’histoire moderne à l’université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne et membre de l’IDHE.S.

 

Contenu de l’ouvrage

Les auteurs ont choisi de traiter la société d’Ancien Régime à travers quatre thématiques :
– les âges de la vie
– les catégories et hiérarchies sociales
– travail, métiers et professions
– ordres et désordres

Les auteurs ont commencé par faire un point historiographique sur la société d’ancien régime. Elles soulignent que deux prises de position se font face dans les années 1960 : d’un côté la conception d’un ordre social d’Ancien Régime fondé sur la considération accordée par les contemporains à certaines fonctions (Roland Mousnier) ; de l’autre côté une forme de réalité socio-économique correspondant à des « facteurs objectifs » tels que la richesse et la place dans la production des biens matériels ou la capacité à les consommer (Ernest Labrousse).
S’en suit un changement d’échelle dans l’étude des individus et de leur environnement, la dimension sociale des pratiques culturelles (ex : la pratique de la lecture), l’enrichissement d’une approche sociale de l’histoire des institutions politiques qui amène à reconsidérer les positions sociales dans leurs pratiques quotidiennes et non plus seulement dans leur appartenance à un ordre social.

 

Les âges de la vie

Les enfants, et en particulier les nourrissons, sont traités dans cette partie avec la nourrice. Nous apprenons que quasi tous les nouveaux-nés étaient pendant un certain temps placés chez une nourrice pour, comme l’indique son nom, les nourrir. Il est également question par ce biais de la mortalité infantile, de la contamination des nourrissons par la nourriture, l’utilisation de bouillies mais également le lait animal donné à l’aide d’un biberon non stérilisé et pire, avec un tissu pour permettre à l’enfant de téter mais ce tissu était un nid à microbes et sources de beaucoup de maladies causant la mort.
Dans cette partie sont également abordés le cas des enfants abandonnés et recueillis par des ordres religieux et ou des familles paysannes.

L’éducation et les apprentissages sont ensuite développés. Les enfants ont la plupart accès à une petite école mais leur gestion diffère selon la région : dans le Nord de la France, les clercs sont les maîtres et sont choisis par les autorités ecclésiastique tandis que dans le Midi ce sont des communautés d’habitants qui nomment les maîtres.
Il existe des écoles payantes mais aussi gratuites lorsqu’elles sont tenues par des religieux, car ils ont fait voeu de pauvreté. Ils apprennent à lire, à écrire et à compter. Cependant, si les familles ont besoin que leur enfant travaille il quitte alors l’école avant de maîtriser la lecture ; mais pour ceux qui peuvent poursuivre leurs apprentissages ils acquièrent les rudiments du calcul.

Le statut des femmes est lié à leur statut matrimonial : célibataire, épouse, veuve ou séparée. Le mariage concerne la majorité des femmes.
Elles sont sous la tutelle de leur père puis de leur mari et ne peuvent agir en justice ni disposer de leurs biens sans autorisation de ceux-ci. Cependant, il s’avère qu’il y ait une différence entre l’aspect juridique et les pratiques qui révèlent une capacité des femmes à agir et à entreprendre. En cas de décès du père ou du mari, elles peuvent récupérer leurs biens ; ainsi cela permet une survie économique durant un certain temps. Dans le cas d’un veuvage, elles ont la responsabilité d’assurer l’avenir des enfants et la gestion des biens familiaux.

Le grand âge est semble-t-il difficilement atteignable sous l’Ancien Régime pour les populations les plus pauvres. Cependant, la place de plus en plus importante des personnes âgées permet une prise de conscience dans la société pour les aider ; d’autant que leur situation est très variable selon leur condition physique, leur niveau de fortune et de leur situation familiale. Les parents âgés habitent fréquemment avec leurs enfants ou près de chez eux. Cependant, certains monastères servent d’ultime refuge, notamment aux femmes, pour finir leur vie de manière assez satisfaisante dans la mesure où la longévité des religieux et religieuses est remarquable (ex: en Bourgogne, 40% d’entre eux meurent à plus de 60 ans à la fin du XVIIe siècle contre 62% au XVIIIe siècle).
Le cas des anciens soldats est souligné : en reconnaissance de leurs sacrifices (car souvent ils sont infirmes à cause de leurs blessures), Louis XIV fonde les Invalides en 1670 destiné à accueillir les plus affaiblis.

Santé et beauté du corps : praticiens, patients, clients. Dans cette partie nous apprenons qu’afin de contre-carrer les charlatans, le Collège royal de pharmacie créé en 1777 a permis d’officialiser la distinction entre épiciers et apothicaires. Dès lors, les pharmaciens rattachés aux corps de la médecine ont pu jouir seuls du monopole de la vente des médicaments. La professionnalisation de la sphère médicale se précise avec les spécialités, c’est le cas avec la création en 1699 d’un Corps d’Experts pour les dents, autrement dit les dentistes. La branche obstétrique permet de diminuer la mortalité infantile ; les années 1760 ont vu apparaître la formation effective des sages-femmes.
L’hygiène corporelle est davantage prise en compte au cours du XVIIIe siècle tout comme les cosmétiques (baumes, pommades, savonnettes, eaux de sentir, maquillage…).

Alliance, transmission, succession. Quelque soit sa place dans la société d’Ancien Régime, l’alliance est une affaire sérieuse et est mûrement réfléchie. On ne se marie pas avec n’importe qui. Il y a ainsi toujours un contrat de mariage pour que les règles de transmissions de biens et de successions soient claires pour tout le monde, y compris les nuances comme le fait de devoir habiter avec sa belle-famille afin d’en recevoir tout l’héritage une fois venue l’heure de la succession. Ainsi, chaque mariage est véritablement une alliance avec des partages de terres, de richesses et d’un nom à transmettre et dont il faut faire honneur.

 

Catégories et hiérarchies sociales

Les hommes et femmes d’Église ne représentent qu’environ 120 000 personnes au XVIIIe siècle, soit 0,5% de la population. Mais le clergé représente le premier ordre du royaume et concentre une part très importante de la propriété foncière (entre 6 et 10 % des terres) dont elle tire ses principaux revenus. L’Eglise est divisée en deux clergés : régulier et séculier. Le premier correspond à la vie monastique ou en couvent, avec l’obéissance de la règle de son fondateur. Ces hommes et ces femmes sont séparés des laïcs suite à leurs voeux solennels prononcés à l’entrée en religion et qui impliquent la mort civile. Au sein de cet ordre, les abbés et les abbesses sont issus de la haute noblesse tandis que les autres sont issus de milieux plus modestes. En revanche, au XVIIe siècle notamment, ils sont élargis leur mode d’action en prêtant assistance aux laïcs (pauvres ou malades) ou en les éduquant (ex: jésuites). Ils se distinguent donc des religieux appartenant à l’ordre séculier car ils vivent parmi la population. Ils dispensent les sacrements aux fidèles et veillent à leur instruction religieuse.

La noblesse est le deuxième ordre du royaume (1 à 2% de la population). La noblesse d’épée et la noblesse de robe constituent « les noblesses » mais il n’est pas rare de trouver parmi celle d’épée de petits nobles vivant tout juste des revenus de leurs terres. Nous apprenons dans cette partie que les nobles peuvent être maîtres de forges ou maîtres verriers mais ce sont les seules activités manuelles possibles. Cependant dans certaines villes portuaires, ils ont l’autorisation de pratiquer le commerce de gros, notamment en cas de difficultés financières. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la noblesse englobe l’élite de la société en élargissant l’anoblissement à des médecins, des artistes et des entrepreneurs.

La population urbaine s’accroît plus par la migration que par la natalité, et contribue aux dynamiques des sociétés urbaines sous l’Ancien Régime. Il y a des catégories très diverses : officiers, marchands, artisans, marginaux, etc. La ville est souvent dirigée par un nombre d’individus ou de familles qui forment l’élite urbaine. Certains ont le titre de bourgeois qui est donné à certaines conditions selon les villes. C’est un statut juridique apparu au XIIe siècle qui s’obtient le plus souvent après plusieurs années de résidence dans la ville et à la condition d’y posséder un immeuble. Le statut de bourgeois donne droit à des exemptions fiscales (taille, aides et droits d’entrée), à des privilèges politiques (membre de la milice) et à des avantages honorifiques.

Le monde rural : dépendances et solidarités. Les habitants des campagnes constituent l’immense majorité de la société (85-90%).
Ce monde reste dominé par le curé et le seigneur qui forment la notabilité villageoise. Les paysans constituent une part importante de cette ruralité. Les plus pauvres d’entre eux doivent compléter leurs revenus en étant ouvrier agricole ou bien en trouvant d’autres tâches comme voiturier. Le fonctionnement de la communauté leur permet de garantir leurs droits vis-à-vis du seigneur : les assemblées sont chargées de la collecte de l’impôt, de l’entretien des troupes stationnées, de la nomination du maître d’école, de la gestion de l’assolement, l’accès aux communaux pour y prendre du bois de chauffage…

Les étrangers sont les personnes nées en dehors du royaume et qui ne sont pas sujet du roi. Le roi peut accorder des lettres de naturalité qui permettent à un étranger de bénéficier de divers avantages, notamment le droit de léguer ses biens à des héritiers « régnicoles » (nés dans le royaume et sujets du roi). La politique royale est assez favorable à l’accueil de marchands, négociants et manufacturiers utiles au développement économique du royaume, tandis que les armées font appel à des mercenaires étrangers pour renforcer les troupes.

 

Travail, métiers et professions

Les sociétés face à leur environnement comme étant une ressource et un risque. Les ressources sont gérées pour en assurer la valorisation et la reproduction mais sont sources de conflits. Par exemple, les forêts sont exploitées par les communautés villageoises mais aussi par les les entreprises, la construction navale et l’approvisionnement urbain. L’eau, source essentielle, se dégrade au XVIIIe siècle avec la multiplication des activités économiques dépendantes de la ressource aquatique (blanchisseuses, tanneurs) et l’augmentation des rejets.

Les domestiques ont renoncé à leur liberté pour se mettre au service d’un maître ; comme son nom l’indique : il appartient à la maison. Ce « métier » se professionnalise à la fin du XVIIe siècle par la création de bureaux de placement permettant de centraliser les propositions et les demandes de places.

Marchands et négociants sillonnent les routes d’Europe. Les colporteurs proposent aux paysans des marchandises de toutes sortes et se distinguent physiquement par leurs vêtements qui tranchent avec les tenues plus raffinées des vendeuses et vendeuses des villes. Les fils de marchands vont parfaire leur apprentissage chez d’autres marchands en Europe et contribuent ainsi aux réseaux de générations en générations. Le terme « shopping » apparaît au XVIIIe siècle pour désigner l’acte d’achat mais surtout le loisir de « faire les boutiques » sans pour autant acheter.

Les serviteurs de l’État peuvent obtenir une promotion sociale car la détention d’un office donne un rang social. Durant un certain temps les offices pouvaient s’acheter, mais par soucis de limiter le favoritisme ou le jeu des recommandations abusives, nombreux ont été soumis à un concours et à un examen destiné à reconnaître leurs aptitudes.

Cavaliers, fantassins et matelots forment une armée et une flotte permanentes. Leur recrutement et la formation des officiers destinés à les encadrer ont abouti à la constitution d’un monde militaire se distinguant du reste de la société par son organisation et son fonctionnement.

Le monde des artistes (musiciens, peintres, comédiens…) est assez difficile. Ils sont nombreux à tenter de vivre de leur pratique et sont parfois attachés à des cours princières. Au XVIIe siècle sont créées de nombreuses académies royales : française, de peinture, de danse et de musique. Dans le domaine des arts du spectacle, des institutions sont créées telles que la Comédie-Française et l’Opéra.

 

Ordres et désordres

Les liens sociaux : crédit, attachement et dispute. Il s’avère que les prêts n’étaient pas seulement en argent, ils l’étaient beaucoup en matériels de travail ou pour se loger. La sociabilité se fait beaucoup dans les cabarets, guinguettes, tavernes. Au XVIIIe siècle le café se développe et accueille surtout la société aisée.

Les minorités religieuses sont les protestants et les juifs, ils ne disposent pas des mêmes droits que les catholiques. Suite à la révocation de l’Edit de Nantes en 1685,  environ 250 000 protestants partent aux Provinces-Unies, en Angleterre, en Suisse et dans les pays germaniques. Ceux qui restent se rassemblent ponctuellement et secrètement car leur pratique est illégale. En 1787, l’édit de tolérance permit aux 600 000 protestants de recouvrer un état civil mais ils n’ont pu exercer leur culte uniquement dans un cadre privé.

Pauvres : entre exclusion et réinsertion sociale. Le monde de la pauvreté présente des profils divers et une grande diversité de situations : veuves, malades, infirmes, orphelins, travailleurs sans emploi, vagabonds… La charité joue un rôle central par des legs et l’aumône.

Les sociétés au-delà des mers. A partir du XVIe siècle, des sujets français s’implantent à l’étranger ou colonisent des territoires en Amérique et dans les Mascareignes (île Maurice et La Réunion). Il s’agit d’une politique de peuplement : Québec est fondé en 1608 par seulement 28 colons. La plupart d’entre eux s’installent sur place et ne reviennent pas en métropole.

Marginalités. Beaucoup d’individus ont des comportements non-conformes aux normes sociales et à la moralité collective. Ils font donc l’objet d’un contrôle étroit voire de répressions. Il est question ici des mendiants et vagabonds mais également des bohémiens, sorciers, charlatans, prostituées, voleurs, brigands et faux-monnayeurs.
Les voleurs se distinguent des brigands dans la mesure où ces derniers agissent en bandes organisées dans les campagnes.

Les contestations sociales sont nombreuses et prennent différentes formes : résistance passive, soulèvements armés, recours aux tribunaux… Il y a un accroissement des révoltes à la fin du règne de Louis XIV et dans les quatre dernières décennies de l’Ancien Régime. Les motifs principaux de révoltes sont les contestations de la pression ou des innovations fiscales. Dans cette partie plusieurs révoltes sont citées du XVIe au XVIIIe siècle.

 

A la fin du numéro, les sources et les ressources utilisées sont citées pour chaque partie développée. Il y a également des ressources en ligne, des oeuvres littéraires, des BD ainsi que des films et téléfilms.
Je me permettrais juste une petite remarque concernant le choix de la couleur du titre : le jaune rend peu lisible le mot « régime » de loin et c’est dommage. Un jaune plus foncé ou du marron pour être en accord avec le tableau choisi en guise de couverture aurait été plus judicieux. Cela n’enlève bien sûr en rien la qualité du contenu qui peut servir tout aussi bien aux étudiants, aux candidats aux concours ou encore aux enseignants pour expliquer certains points importants du programme en 5e et en 4e.