La France à l’époque moderne est la quatrième édition du manuel universitaire rédigé par Guy Saupin, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Nantes, spécialiste du pouvoir urbain en Europe occidentale, et plus particulièrement des villes portuaires européennes et des relations entre les Africains et les Européens dans le monde atlantique, mais également des États et du pluralisme religieux en Europe aux temps modernes. Cet ouvrage, édité aux éditions Armand Colin dans la collection U, se donne pour objectif de « cerner la vraie nature de l’absolutisme français, de sa naissance à sa crise ultime ».
Une organisation thématico-chronologique
Le livre est divisé en onze chapitres que l’on peut organiser en trois parties. Un premier ensemble de quatre chapitres thématiques permet de replacer l’État monarchique dans ses différents environnements qu’ils soient d’ordre géographique, économique, social et religieux. Une deuxième partie présente la culture politique de la monarchie ainsi que l’organisation de l’État royal, son évolution et les contestations auxquelles il a dû faire face. Enfin, une dernière partie regroupe trois chapitres organisés chronologiquement qui « dégagent (…) les caractéristiques essentielles de chaque siècle ». Un ensemble de synthèses vient conclure l’ouvrage. Dans ce dernier ensemble, l’auteur approfondit certains points importants à ses yeux, qu’il s’agisse de concepts comme celui de « tyrannicide » à la page 216, ou de thèmes comme « la crise démographique » à la page 207 ou encore d’évènements particuliers tels que « la Saint Barthélemy, 1572 » ou « la journée des Dupes » respectivement aux pages 222 et 223. On trouve à la fin de l’ouvrage un glossaire qui contient également des fiches biographiques, une chronologie de 1515 jusqu’en 1788, une bibliographie sommaire regroupant des instruments de travail, des manuels et des ouvrages thématiques sur la France moderne.
Un portrait de la France à l’époque moderne
G. Saupin débute ce livre en dressant un portrait de la France à l’époque moderne. Il présente ainsi tour à tour la géographie, l’économie, la société et la place du christianisme. Il rappelle que la position stratégique et la particularité de la démographie française font de cette monarchie l’une des grandes puissances des temps modernes. Grâce aux conquêtes militaires, mais aussi en prenant en compte l’agrandissement du domaine royal, le royaume est un espace qui connaît une extension sur l’ensemble de la période. La France est cependant loin d’être un territoire homogène et les différences provinciales sont notables. Cela s’explique en partie par les particularismes des différents territoires, bien qu’il ne faille pas négliger la difficile circulation dans l’ensemble du royaume, en partie due à l’état de la voirie.
L’agriculture et plus particulièrement la céréaliculture, fournit l’essentiel de la richesse du royaume, mais les évolutions des techniques du monde agricole sont lentes. G. Saupin rappelle que le royaume de France ne connaît pas de révolution agricole, car les changements sont très inégaux d’une province à l’autre. L’activité manufacturière voit se développer une proto-industrialisation, principalement dans le domaine textile. C’est toutefois le commerce international qui tire l’économie française en avant grâce au commerce colonial. De ce tableau, il en résulte une stagnation des prix entre 1570 et 1720.
Une société
G. Saupin insiste sur l’existence de deux frontières majeures au sein de la société française d’Ancien Régime. La première « sépare la noblesse de la roture » alors que la seconde trace une limite entre les élites et le peuple. Malgré tout, la monarchie permet une mobilité sociale qui autorise la bourgeoisie à accéder aux offices royaux de types vénaux. Ainsi, certains bourgeois parviennent à entrer dans la noblesse, qui incarne le sommet de la pyramide sociale. Cela a pour conséquence une constante redéfinition de celle-ci.
Au cours de la période, s’affrontent dans toute l’Europe deux cultures politiques : la monarchie tempérée qui « associe souveraineté collective, limites externes et pratiques de concertation », et l’absolutisme qui « récuse tout contrôle au nom d’une souveraineté monopolisée par la personne royale ». La monarchie française est celle qui va le plus loin dans la logique absolutiste, au point de ne pas parvenir à s’adapter à un autre modèle défendu par les philosophes des Lumières aux XVIIIe siècle. Toutefois, c’est la noblesse qui connaît la plus grande mutation politique en passant du « devoir de révolte » pour défendre ses libertés à la collaboration active et volontaire avec l’État absolutiste pour la protection de ses intérêts.
La construction de l’absolutisme
G. Saupin explique qu’au début du XVIe siècle, l’État moderne en construction prend la forme d’une monarchie tempérée. Néanmoins, pendant la première moitié du siècle, le roi affirme son autorité sur le royaume. Cette affirmation passe par le renforcement de l’appareil d’État dans les domaines du gouvernement royal, de la finance et du système judiciaire, mais également par un contrôle d’Église d’État. Ces transformations semblent être acceptées par les trois ordres. En effet, le clergé français soutient la lutte contre les hérésies, et la noblesse est séduite par les entreprises guerrières du roi. Cependant, les guerres civiles et de religions viennent ternir ce tableau au cours de la seconde moitié du XVIe siècle. En effet, si les guerres sont avant tout un affrontement sur le pluralisme religieux, se développe en arrière plan un débat fondamental sur la nature de l’État monarchique.
Au début du XVIIe siècle, avec la fin de la grande crise du siècle précédent et la restauration imposée par Henri IV, la monarchie se fixe l’objectif de renforcer son autorité dans une perspective absolutiste. Toutefois, l’auteur ne peut que constater les contrastes de la première moitié du XVIIe siècle où le projet d’absolutisme se heurte de plein fouet aux contestations de la noblesse dès 1610. Les cardinaux-ministres, Richelieu et Mazarin, posent néanmoins les bases sur lesquelles le jeune roi Louis XIV affirme son pouvoir. Le règne du Roi Soleil marque l’apogée de l’absolutisme en France mais également en Europe, où le royaume de France apparaît comme un État fort géré par un roi autoritaire.
Une période complexe pour la France et la monarchie française
Le XVIIIe siècle est une période difficile pour la monarchie française, et plus particulièrement sa deuxième moitié qui se termine par une révolution en 1789. Dès la mort de Louis XIV, Philippe d’Orléans organise la régence. Celle-ci, bien qu’éphémère, se construit en réaction à l’absolutisme royal. La France connaît alors une forte croissance économique qui s’explique par la vivacité du commerce extérieur et colonial grâce au maintien de la paix internationale souhaité par le gouvernement du cardinal Fleury. À partir de 1750, les défaites militaires, les problèmes financiers, la crise janséniste et l’opposition parlementaire mettent en difficulté la monarchie de Louis XV. Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le pouvoir royal n’arrive pas à faire accepter les réformes par les différents groupes sociaux, ce qui creuse la dette financière de l’État et met un terme à la monarchie absolue.
Un manuel sur la France à l’époque moderne d’une grande utilité
Pour terminer, ce court manuel de 240 pages est parfait comme point d’entrée pour les étudiants de premier cycle. Les chapitres sont concis (moins d’une vingtaine de pages chacun) et l’organisation thématique de l’ouvrage tout comme le découpage en de nombreux sous-titres facilitent son utilisation. Les professeurs d’histoire-géographie du secondaire y trouveront également leur compte pour remettre à niveau leurs connaissances, ou pour y puiser l’un des nombreux documents (textes, tableaux, schémas) qui viennent illustrer les propos de l’auteur.