Ce livre sur l’univers de Tolkien est au coeur d’une riche actualité en cette année 2019. Tout d’abord, la sortie d’un film éponyme en juin 2019 avec Nicholas Holt dans le rôle de l’écrivain. Le succès public n’a pas été forcément au rendez-vous, et ce, de manière surprenante à la vue de la qualité du film. Ce film sortait pourtant quelque temps après l’annonce par Amazon d’une série sur l’univers de la Terre du Milieu sur Amazon Prime Video. Mais cela n’a pas suscité un formidable déplacement dans les salles. Enfin, et surtout, ce livre sort en parallèle de l’exposition que consacre le BNF à l’auteur et intitulée « Tolkien, voyage en Terre du Milieu ». Ouverte du 22 octobre au 16 février 2020, cette exposition propose, selon le site de la BNF, » une exposition d’envergure consacrée à l’œuvre protéiforme de J.R.R. Tolkien, brillant professeur d’Oxford et créateur de mondes, qui continue à vivre dans l’imaginaire d’un très large public. Les quelques 300 pièces exposées mettent en lumière à la fois l’homme et son œuvre. Pour la première fois en France, de nombreux manuscrits et dessins originaux de Tolkien sont présentés. Parallèlement, une sélection de pièces d’exception issues pour la plupart des collections de la BnF fournit un contexte pour cette création artistique et littéraire ».
Rudolf Simek est un philologue autrichien, spécialiste de littérature germanique et de mythologie scandinave. Professeur à l’université de Bonn, il a déjà publié de nombreux ouvrages sur les vikings, sur l’Edda de Snorri, source principale de connaissances sur la mythologie nordique médiévale et est notamment l’auteur d’un Dictionnaire de la mythologie germano-scandinave en 2 tomes.
Dans ce livre, Simek s’attaque à l’ensemble de l’oeuvre de J.R.R. Tolkien, massive et incomplète puisqu’il reste de nombreux textes inachevés sur cet univers, malgré le travail de reprise par son fils, Christopher, à sa mort en 1973. Si le grand public a en tête d’abord les trilogies du Seigneur des anneaux et du Hobbit, en raison de leur adaptation inoubliable par Peter Jackson, Simek inclut dans son travail d’analyse le très dense et complexe Silmarillion, cosmogénèse de l’univers de la Terre du Milieu et véritable pierre angulaire de cet monde. Le Silmarillion est une oeuvre d’une richesse incroyable et il fourmille de nombreuses références à cette mythologie nordique dont Tolkien s’est inspirée.
Simek découpe son livre en 10 chapitres thématiques, tous complétés d’extraits de sources médiévales nordiques et/ou d’illustrations. Tolkien y est mis en avant pour la profondeur, souvent insoupçonnée de son travail. Par exemple, le travail des sources, Tolkien étant médiéviste et ayant une fascination pour la mythologie scandinave. Autre exemple, encore plus frappant, le travail des langues. Tolkien était philologue reconnu avant d’être un romancier. Pour son univers, il a crée pour chaque race, pour chaque peuple, un système complet de langue avec sa grammaire, sa syntaxe, sa prononciation, son écriture. De même, ce travail de langue transparaît à travers le choix des noms de village, de cours d’eau, de montagnes… Un immense effort intellectuel que beaucoup ignore, malgré le travail, il faut le noter, de précision et d’hommage visible dans les DVD bonus des deux trilogies de Peter Jackson. Ce dernier a essayé d’être le plus respectueux, notamment avec ses équipes graphiques, de ce travail titanesque. Enfin, entre autres éléments d’inspiration que Simek nous fait découvrir, l’ensemble du bestiaire mythologique et médiéval, qui sont un élément de transmission au plus grand nombre de cette culture.
Plusieurs conseils à la conclusion de ce compte-rendu: lire ce livre, très clair et accessible, et le compléter par la lecture du Hors-Série n° 17 de Lire magazine consacré à Tolkien. Ensuite, se rendre à l’exposition de la BNF. Enfin, voir ou revoir les trilogies de Peter Jackson avec tout cela en tête pour (re)découvrir et (ré)apprécier la densité de ces oeuvres et la complexité de mettre tout cela en image.