Sur les traces de Clovis

Imprimée en Lettonie et publiée par un éditeur monégasque (le groupe Elidia qui possède aussi les Éditions du Rocher), cette bande dessinée s’avère être un produit mondialisé à lui tout seul. Son sujet reste pourtant un classique de l’histoire de la France, le règne de Clovis.

Sans être explicitement mentionnée, cette bande dessinée de la maison d’édition Plein Vent se destine principalement aux enfants à travers des couleurs vives, un scénario très (trop ?) simple et d’importantes ellipses narratives.

Le scénario est signé par Coline Dupuy, scénariste en 2013 d’une bande dessinée sur le vendéen Cathelineau. Le dessinateur Andrea Mutti est accompagnée par Christian Lerolle, en charge des couleurs.

De l’histoire à la fiction

L’intrigue débute par l’enterrement de Childéric, roi des Francs saliens jusqu’en 481. Clovis est alors amené à prendre sa suite. Débute alors son éducation avec le maître Eleuthéros, venu de Gaule pour officier comme précepteur. L’épisode du vase de Soissons, la fuite de Syagrius chez les Wisigoths et les relations avec l’évêque de Reims forment le premier tiers du récit.

Vint ensuite la rencontre de Clovis avec Théodechilde à la page 17 : est-on encore dans une représentation qui se veut historique ? Le lecteur peut se poser légitimement la question dans cet épisode dont la crédibilité est proche de zéro sur le plan scientifique. Le dialogue est retranscrit dans les lignes ci-dessous.

Le château d’Albâtre est devenu mon nouveau palais. Un matin d’été…

[Clovis se baigne dans son château]

Clovis : « Que faites-vous ici ? »

Une jeune femme vêtue de rose : « Je viens des confins du pays de votre mère… »

Clovis : « Qui êtes-vous ?

La jeune femme : « Je m’appelle Théodechilde. Je suis une princesse de l’autre branche des Francs, sur le Rhin. Je connais votre rêve de réaliser l’unité des Saliens et des Rhénans ».

Clovis : « Qui vous a dépêchée à Soissons ? »

Théodechilde : « Personne ».

Clovis : « Qu’attendez-vous de moi ? »

Théodechilde : « Votre bague, votre main, votre lit ».

Clovis – Le premier Royaume, Plein Vent, Dupuy & Mutti, 2021, page 17

A la lecture de cette page, on peut dire que l’approche est plus que directe au VIe siècle ! Nulle trace de cette femme dans les manuels de premier cycle sur le Haut Moyen-Age.

Clovis rencontre ensuite celle qui deviendra de manière posthume Sainte Geneviève, quelques heures avant son décès en 502. La date précise de sa mort est d’ailleurs toujours discutée par les historiens. Le face à face avec le roi wisigoth Alaric est également un symbole des libertés prises avec la réalité : à la fin de la bataille de Vouillé, la hache de Clovis tournoie dans les airs et se loge directement dans l’épaule gauche d’Alaric (II, ce que ne mentionne pas le texte), qui s’écroule dans les bras de son fils en plein milieu du champ de bataille. La dernière vignette de la page 41 insiste alors sur la mansuétude du roi des Francs saliens, qui décide d’épargner le fils d’Alaric, vraisemblablement Geisalic. Le récit se termine par le baptême de Clovis (pages 43-44), puis sa confession sur son lit de mort en 511. Notons d’ailleurs que d’une vignette à l’autre, à la page 46, la longueur de la chevelure de Clovis n’est plus la même…

La déception parcourt le lecteur en refermant le livre. Qu’en retenir ? Quelques définitions expliquées en note de bas de page tout au plus et des épisodes un peu oubliés du roman national. L’absence de transition entre les évènements est préjudiciable. Raconter Clovis en 48 pages n’est pas une tâche facile tant les informations des chroniqueurs médiévaux sont minces. Mais il est possible de rendre ces évènements vivants par une habile sélection comme en témoigne l’ouvrage de l’historien Bruno Dumézil sur le baptême de Clovis.

Cet opus constitue donc un agréable divertissement, à condition de le considérer comme tel. D’ailleurs, la quatrième de couverture ne s’en cache pas en précisant qu’il s’agit d’une adaptation du « Mystère de Clovis » de Philippe de Villiers. Une fiction surmontée d’un vernis historique.

Source : Extrait tiré de la bande dessinée « Clovis – le premier royaume » publié chez Plein Vent/Editions du Rocher, Mai 2021, page 3

En conclusion, cette bande dessinée constitue donc un support utile pour aborder de manière le règne de Clovis à l’école primaire ou en collège. Les lecteurs un peu plus âgés devront toutefois faire preuve d’esprit critique vis-à-vis des choix narratifs (sur la place accordée au baptême). Les professeurs désirant aller plus loin dans la préparation d’une séance de cours se reporteront sur le livre de Laurent Théis dédié à Clovis venant de reparaître aux éditions du CNRS.

A noter que les éditions Plein Vent prévoient de publier une bande dessinée du même style consacrée à Jeanne d’Arc en novembre 2021, puis une seconde sur le parcours d’Henri de La Rochejacquelein, l’un des chefs vendéens durant la guerre de Vendée, à l’automne 2021.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes