Pour démarrer ce compte-rendu, il est souhaitable de citer directement le dos de cet ouvrage. Il permet de comprendre dans quel état d’esprit se sont placés les différents auteurs et le contexte dans lequel est publié ce livre. « Depuis une quinzaine d’années, des historiens de ce pays  (la Pologne) ont montré combien il était difficile aux Juifs qui tentaient d’échapper aux tueurs de trouver appui auprès des populations locales ». Autre extrait: « sur place, malgré les embûches et les intimidations, les historiens travaillent, publient, organisent des colloques, forment des étudiants ».

Ce livre est donc la retranscription par écrit d’un colloque organisé en février 2019 par l’EHESS. Ce colloque a défrayé la chronique et est sorti de son carcan, très spécialisé, pour de mauvaises raisons. S’il aurait fallu, dans un monde idéal, mettre en avant la qualité des travaux et des interventions, il n’est apparu aux yeux du grand public qu’en raison des violences qui l’ont émaillé. Ce colloque réunissait les meilleurs spécialistes du sujet, Français, Américains et Polonais bien entendu. Mais il a été la cible de groupuscules polonais, vraisemblablement pilotés par le gouvernement nationaliste en place, qui sont venus perturbés par des cris, des menaces, des insultes, les intervenants et ce, avec pour « argument », que ce colloque serait « anti-polonais ».

Cette violence s’inscrit dans une volonté politique de réécriture, en cours, de l’histoire par le parti au pouvoir depuis 2015, Droit et Justice. Ce parti conservateur, traditionaliste, eurosceptique voire europhobe, a pour « ambition » de réécrire cette page sombre de l’histoire polonaise et des Juifs de Pologne, pour mettre en avant le fait que les Polonais ont été des victimes de l’Allemagne nazie et aussi de l’URSS, n’ont pas collaboré à la Shoah et ont été en première ligne de la Résistance contre le IIIe Reich. Ce discours est aujourd’hui présent dans les médias publics et/ou proches du pouvoir, qui ont été eux aussi extrêmement virulents contre la tenue de ce colloque, mais surtout il s’entend de plus en plus dans les bouches des guides d’Auschwitz-Birkenau. Le directeur du Musée, sous pression, essaie tant bien que mal de résister à tout cela, mais les discours changent et il faut parfois insister lourdement pour que les guides polonais du musée acceptent de parler, et parfois de reconnaître, l’implication de la population polonaise dans la Shoah, soit directement, soit par indifférence.

Face à cela, des historiens, plus que courageux quand ils sont Polonais, renouvellent l’historiographie sur le sujet depuis maintenant une vingtaine d’années. Ce livre est découpé en 3 parties. Un prologue découpée en 3 chapitres, fait le point sur l’historiographie polonaise sur le thème. Une première partie, subdivisée en 8 chapitres, aborde le sort des Juifs en Pologne entre le début du XXe siècle et la Seconde guerre mondiale. La dernière partie, composée de 9 chapitres, évoque différents thèmes à l’aube de leur renouvellement historiographie. il est à noter que le dernier chapitre, rédigé par Sidi N’Diaye, est un peu différent car il sort de ce sujet et de cet autocentrisme (mot utilisé sans aucune connotation négative) pour montrer un lien pertinent entre génocide des Juifs en Pologne et génocide au Rwanda.

Ce livre vise plusieurs lectorats. Tout d’abord, il se veut une « réponse aux perturbations du colloque » pour reprendre les termes du dossier de presse. Ensuite, il s’adresse aux historiens et érudits de la Seconde Guerre mondiale qui y trouveront une mise à jour exceptionnelle sur ce thème des Juifs en Pologne. Enfin, la première partie peut toucher et sensibiliser le plus grand nombre, ce grand public qui n’aura retenu que les violences du colloque sans en véritablement comprendre les enjeux, de part la plus grande largesse des sujets évoqués.