En 1934, Xavier de HauteclocqueOui, c’est le cousin germain de qui vous savez… est journaliste et travaille pour Gringoire. Fondé en 1928, il se situe clairement à droite, et a adopté une forme pamphlétaire nettement assumée. 1934 le voit progressivement basculé du côté de l’extrême droite et de l’anti-parlementarisme, avant de devenir une chambre d’écho pour les idées fascistes et antisémites. Voilà pour situer la feuille.

Xavier de Hauteclocque peut, dans ce cadre-là, paraître assez original. Il est devenu l’un des observateurs les plus avertis des premiers temps de l’Allemagne nazie. À l’approche des élections législatives du 12 novembre 1933, le directeur de Gringoire lui demande de retourner «ausculter» le pays, comme il dit, six mois après son retour. Xavier de Hauteclocque cherche à interroger ses relations habituelles. Au passage, il note l’absence des clochards et des prostituées dans les rues. Ses contacts ne lui cachent pas que les prisons sont pleines, que soixante-huit camps ont été ouverts. Xavier de Hauteclocque relève la propagande faite autour d’une revanche sur la première guerre mondiale, la manipulation de la foule par Hitler et ses relais. Surtout, il sent la violence latente, et la peur consécutive : beaucoup de ses connaissances ne répondent pas à ses sollicitations ; on finit par lui signaler que certains ont eu à pâtir de ses articles. La rencontre avec un professeur de français ne manque pas de l’intriguer : attaché aux valeurs de la démocratie, celui-là en est venu à exprimer son attachement à l’idéologie nazie, comme pour mieux s’en convaincre. À un autre moment, on lui raconte comment des enfants ont été brisés pour se fondre avec les autres au sein des Jeunesses hitlériennes. Mais l’attraction idéologique traverse aussi les frontières : l’un de ses amis suédois n’hésite pas à en parler comme «une belle ambition». Cependant, c’est grâce à lui que Xavier de Hauteclocque approche un Juif qui a été arrêté, emprisonné, enfermé un mois au camp d’Oranienburg, avant d’être relâché. L’Allemagne est devenue le pays «des hommes-machines».

Le 3 avril 1935, Xavier de Hauteclocque meurt, empoisonné par les nazis. Il venait de faire paraître son livre La Tragédie brune, dont on trouvera la première partie en fin de volume.

Le propos de Thomas Cadène est bien servi par le dessin de Christophe Gaultier. Ses personnages sont marqués par un trait assez appuyé, ce qui donne un aspect assez irréel à sa restitution des personnages et des paysages. Tout comme l’avènement du nazisme apparaît à Xavier de Hauteclocque.

L’album est un de ceux qui doivent figurer dans les bibliothèques des établissements scolaires. Il permettra de relativiser fortement l’idée selon laquelle on-ne-savait-pas dans la France de l’avant-guerre. Ne savaient pas ceux qui ne voulaient pas voir, entendre et lire…


Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes