La Venise des Doges, par Amable de Fournoux, éditions Tallandier, janvier 2012.

Le pari de l’auteur est de raconter presque 1000 ans d’histoire de Venise, en sélectionnant 16 Doges sur les 120 qui se sont succédé de 810 à 1797, jusqu’à ce que Napoléon Bonaparte détruise l’indépendance de Venise… Ce pari est réussi et le livre sérieux se lit comme un roman…

Quatre Doges paraissent les plus importants…

Le premier Doge véritable, et non mythique, est donc Agnello Partecipazio, un résistant qui refuse de mettre Venise sous la coupe de Charlemagne. En effet en 805, un «parti franc» a voulu collaborer avec l’empereur franc (couronné empereur le 25/12 800). Victorieux en 810, Agnello sera doge de 810 à 827. Charlemagne doit alors renoncer à ses prétentions sur la Vénétie.

Le Doge le plus connu est Enrico Dandolo, de 1192 à 1205, le vieux doge aveugle et rusé qui détourne la croisade de 1204 vers Constantinople et qui à plus de 80 ans réalise un superbe «hold-up» politique qui choquera la papauté mais qui avantagera lourdement Venise, contre sa concurrente maritime de toujours: Gênes, qui perd l’accès à la Mer Noire…

Un des Doges les plus surprenants est Marino Falier, de 1354 à 1355, qui finira décapité car il a voulu assassiner les Membres du Grand Conseil et devenir le«Seigneur héréditaire de Venise». Le 15 avril, le complot est dénoncé par un traître et le 16 Falier est consigné dans ses appartements. A l’aube du 17, il reconnaît sa culpabilité et à l’unanimité des votants, il est condamné à avoir la tête tranchée.

Le doge de l’apogée est Leonardo Loredan, de 1501 à 1521, en pleine Renaissance, qui devra combattre contre toute l’Europe (France, Pape et Empereur). Mais son retournement d’alliance avec François Ier et la victoire de Marignan en 1515, lui permet de récupérer la quasi-totalité des territoires perdus et de finir sur un beau succès politique et territorial.

Le dernier Doge (le 120ème) est Lodovico Manin, de 1789 à 1797. En avril 1797, Bonaparte annonce qu’il sera «un Attila pour Venise». Le 9 mai il lance un ultimatum, et le 12 mai le doge doit abdiquer, lâché par les siens (512 voix contre lui, 20 pour et 5 abstentions). Le 15 mai 1797, les Français entrent à Venise et la République n’est plus…

A la fin du livre, on trouve la liste des grandes familles qui ont eu beaucoup de Doges, comme les Contarini (8), les Mocenigo (7), les Partecipazio (6) ou les Candiano (5); ce qui prouve qu’on est face à un régime républicain mais oligarchique.

D’autre part, un abrégé de la vie des 120 Doges permet de bien se repérer et donne les événements essentiels. Enfin, on trouve les institutions de Venise comme le Petit conseil (7 membres), le Grand Conseil (1000 à 2000 membres); et le Conseil des Dix. Le mécanisme complexe de l’élection du Doge est aussi expliqué, il va d’un seul tour à 68 tours de scrutin suivant les élections…

A travers 16 Doges et en 564 pages, on a une synthèse de l’Histoire de Venise agréable à lire et bien argumentée. C’est un vrai succès, qui sait combiner aux anecdotes l’analyse des grandes phases politiques et militaires de la cité lagunaire.

Bravo et bonne lecture !

Marc de Velder