Le dernier opus à la collection La ville en débat vient de paraître !
Cette collection lancée en 2008 par Jacques Donzelot, sociologue spécialiste reconnu de la question urbaine, s’enrichit d’un volume qui retiendra l’attention de tous ceux qui s’intéressent à la question de l’étalement urbain et aux phénomènes d’exclusion au sein de la ville. il est question ici d’émiettement et de clubbisation, deux idées développées par Eric Charmes, dans ce texte synthétique issu d’une habilitation à diriger des recherches. Cette réflexion s’inscrit dans la durée puisqu’il a précédemment publié en 2005 chez L’Harmattan La vie périurbaine face à la menace des gated communities. Il élargit ici le propos puisque les gated communities sont un phénomène très minoritaire en France. Il s’intéresse aux outils de sélection locale mis en œuvre par les communes.
« La périurbanisation peut être décrite comme un émiettement de la ville ».
Pour traiter de ce sujet, il est nécessaire de revenir sur la définition du périurbain par l’INSEE. L’auteur estime qu’elle est trop restrictive. Elle ne retient que les communes qui envoient au moins 40% de leurs actifs dans une autre commune. Eric Charmes propose de considérer comme périurbains tous ceux qui habitent un village mais travaillent dans une métropole. Il met en garde contre le danger d’émiettement que constituent toutes les « formes d’exclusivisme local ». Si le phénomène des gated communities est anecdotique en France, en revanche, les règlements d’urbanisme mis en œuvre par les communes pour empêcher l’installation de nouvelles populations font légion. L’émiettement caractérise le tissu périurbain. L’émiettement politique (différence territoriale des pouvoirs métropolitains en matière d’urbanisme), paysager (avec la fragmentation du tissu bâti) et émiettement social sont le terreau de la clubbisation. Eric Charmes s’inspire du modèle dit « de Tiebout » (1956) qui équivaut à dire que les habitants choisissent leur commune de résidence en fonction des services proposés et non de son affirmation identitaire. Cette interprétation s’oppose à celle de celle de M. Hirschhorn et de J.M Berthelot (Mobilités et ancrages. Vers un nouveau mode de spatialisation. L’Harmattan, 1996).
Clubbisation
La clubbisation se traduit par le fait que les communes périurbaines développent des stratégies visant à éviter l’installation de telle ou telle population. Pour rendre compte de ce phénomène de fermeture, il s’agit de décrypter les outils de la sélection locale en œuvre dans des communes de moins de 2000 habitants : ne pas construire de logements sociaux, autoriser des permis de construire sur de grandes parcelles, malthusianisme foncier (qui consiste à geler l’urbanisation d’espaces). La question de l’exclusivisme scolaire est d’ailleurs fortement bien développée par l’auteur. Un sujet passionnant pour les enseignants que nous sommes ! Les stratégies mises en œuvre par les communes pour éviter d’être rattachées à un collège « mal noté » sont multiples. Les pressions sur les conseils généraux sont importantes, quitte à faire faire aux élèves un trajet en car démesuré, sans compter ce que cela coûte à la collectivité ! Le sujet est tellement brûlant que l’auteur est obligé aujourd’hui de modifier les noms des communes du Lyonnais pour présenter le sujet !
Mettre en place un gouvernement métropolitain
La clubbisation est la conséquence d’une culture de la mobilité. « L’horizon quotidien des périurbains ne se borne pas à leur commune mais est métropolitain. » C’est parce que les habitants d’une commune peuvent profiter des équipements d’une commune voisine (piscine), que leur commune d’origine peut se dispenser de s’équiper d’infrastructures qui pèseraient sur son budget. Eric Charmes estime que la fiscalité locale n’est pas adaptée à l’aire urbaine. « Les gouvernements locaux n’ont pas été pensés pour les bassins de vie contemporains. » Tous les espaces qu’ils soient clubbisés ou pas interagissent au sein de l’aire urbaine. L’auteur milite pour un véritable gouvernement intercommunal, même s’il convient que cela relève de l’utopie. Dans les faits, avec la mobilité résidentielle et quotidienne, il est possible pour les habitants d’échapper à la solidarité sociale en s’installant dans des communes n’accueillant pas de ménages pauvres. En France, le phénomène est moins marqué qu’aux Etats-Unis puisque, chez nous, la solidarité nationale existe encore. Malgré tout, l’exemple développé de Verquigneul et de sa dé fusion avec Béthune illustre parfaitement une volonté de sécession au niveau de la fiscalité locale. De même, si les lois de 1982 et de 1999 sur l’intercommunalité visent à permettre aux communes périurbaines d’intégrer un gouvernement métropolitain, elles « ont été détournées au profit de la clubbisation résidentielle » par le biais des communautés de communes périurbaines. On constate que les communes riches tendent à se mettre ensemble et que les communes pauvres du périurbain lointain sont contraintes de s’associer. On est donc loin d’un gouvernement métropolitain !
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes