Citant Goethe en quatrième de couverture « Comme la belle France serait plus heureuse si, au lieu d’avoir un centre, elle en avait dix, dispensant autour d’eux la lumière et la richesse », Loeiz Laurent, expert multicasquette des découpages territoriaux, se replonge avec inquiétude dans le débat sur la refonte des niveaux administratifs.

L’auteur établit d’abord quelques constats. Le premier graphique (p 15) est à ne pas lire trop vite puisqu’il évoque l’émiettement des circonscriptions d’Etat, à savoir leur trop grand nombre…avec des courbes décroissantes…

En vis-à-vis de cet émiettement spontané, il est surtout question de montrer que les découpages sont imposés et qu’il semble vain de vouloir les supprimer de manière autoritaire.

Pensés d’abord de manière géométrique par le topographe du Roi, Robert de Hesseln, les départements auraient été découpés suivant le tracés des provinces pour faciliter des partages de dettes et sont surtout trop étriqués. D’après Daniel Behar, « en Ile de France, ils fonctionnent comme des quartiers, dans le Sud-Ouest, ils fonctionnent comme des régions ».

Loeiz Laurent s’interroge également sur la pertinence des nouveaux outils en gestation. On parle de « métropoles » qui auraient des compétences départementales mais se pose la question des seuils (à partir de quel poids démographique ne peut-on plus y prétendre ?) et celle de la multipolarité. On évoque aussi des « communes nouvelles » mais avec la fausse bonne idée déjà usée que les intercommunalités deviendraient les communes de demain.

Ensuite, l’auteur tente de dessiner des espaces pertinents. Trois axes lui semblent opportuns : des régions plus grandes, des départements plus petits et des communes plus structurantes.

Les conditions sont bien de donner de réelles responsabilités à ces niveaux et surtout de laisser émaner des regroupements volontaires. Comme il l’a été montré avec les « pays », la Bretagne fait encore figure de précurseur et se déclare favorable à un élargissement de ses contours régionaux.

En fin d’ouvrage, Loeiz Laurent confirme l’idée que ces changements ne se feront pas par décret et doivent bien être l’œuvre d’une génération. Le schéma (p 147) illustre bien le fait que la transition des espaces de pouvoir se fait de manière conflictuelle entre les différentes générations de société.

Gardés pour la conclusion, l’exposé des enjeux montre qu’ils sont très nombreux : résorber le chômage, orienter les jeunes, maintenir les services en zone rurale et même réenchanter la citoyenneté.

Après « Vivre au pays » en 1977 et « La fin des départements. Le recours aux pays » en 2002, Loeiz Laurent apporte, avec cet ouvrage, un nouveau plaidoyer sur ces questions hélas très empêtrées dans le paradoxe de l’immobilisme et de la volonté de réformer à tout prix par le haut.

Les Clionautes © Xavier Leroux