Les blocages des politiques publiques de la maîtrise du foncier au service de l’environnement peuvent s’expliquer par les résistances au changement, mais aussi par la variété des outils juridiques en matière de gestion foncière.
Les auteurs étudient les différents mécanismes du droit et les différents acteurs de cette question. Pour une protection efficace des milieux naturels, la coordination des intérêts et des acteurs, au niveau territorial, est indispensable.
L’ouvrage coordonné par Amandine Montagut et Yves Montouroy est le fruit des journées d’études interdisciplinaires : droit, sociologie… du programme FUSEAU.
L’approche choisie privilégie l’étude de la construction sociales des problèmes qui sont alors des « lieux d’expression et d’affrontement de systèmes de représentation » (p. 12). L’action publique est analysée à différentes échelles comme le montrent les différentes contributions.
Restauration écologique des milieux aquatiques
Cette première contribution collective s’intéresse aux démarches de restauration écologique des cours d’eau, dans le cadre d’un programme national, l’étude porte sur le Cher, la Dronne, la Dordogne et la Reyssouze.
Les auteurs analysent les actions foncières dans le contexte d’une restauration longitudinale du cours d’eau : nature juridique du foncier (domaine public ou privé), jeu des acteurs. L’étude montre la nécessité de définir une nouvelle norme juridique : « espace fluvial domanial » indispensable à une restauration de la continuité écologique du cours d’eau. La négociation est la stratégie à mettre en œuvre pour la mobilisation du foncier et peut, au-delà du jeu des acteurs locaux, déboucher sur une contractualisation.
La SAFER
En matière de foncier rural, la SAFERSociété d’aménagement foncier et d’établissement rural est une société de droit privé exerçant une mission d’intérêt général. Elle observe les transactions foncières de biens ruraux. Elle est composée de représentants du monde agricole. Plus récemment, les Safer se sont ouvertes à des représentants des collectivités locales et des associations de protection de l’environnement. La composition joue sur l’orientation de leur action.
L’étude porte sur le cas du Pas-de-Calais où l’activité agricole est concurrencée dans les usages du sol, même si la SAUSurface agricole utile occupe 68 % des surfaces contre 50 % à l’échelle nationale. La pression sur le foncier entraîne une augmentation du prix de l’hectare, ce qui a un impact sur la transmission des exploitations agricoles.
Les conflits d’usage portent sur l’extension des carrières de granulats. L’article montre la mise en place de contrat de partenariat pour réguler les conflits.
L’article de Ronan Crézé étudie, aussi, la position de la Safer face aux zones naturelles. La préservation de l’environnement est perçu comme une contrainte supplémentaire sur l’activité agricole. Les auteurs constatent une mise en œuvre difficile de la compensation environnementale dans les projets qui mobilisent du foncier, la réglementation de 1976 ayant été complétée par la loi sur la biodiversité, en 2016.
Documents d’urbanisme et protection de l’environnement
Dans le cadre de la loi SRU (2000) qui impose 25 % de logements sociaux, quelles sont les contraintes en matière d’environnement, notamment le zéro artificialisation des sols ?
L’auteur, Norbert Foulquier montre que le contrôle est en principe possible au moment de l’élaboration des documents d’urbanisme : PLU, PCAETPlan Climat Air Énergie Territorial. Elle devient très difficile pendant l’exécution du plan.
Droit de l’urbanisme et gestion foncière en faveur de l’environnement
L’analyse est poursuivie dans la contribution de Frédéric Rolin qui s’appuie sur le rapport de France stratégie de 2019
« Afin de réduire l’impact des nouvelles constructions sur l’artificialisation, les outils réglementaires sont les plus susceptibles d’avoir un effet de grande ampleur. Un ajustement des outils fiscaux pour éviter les incitations à l’artificialisation pourrait utilement les compléter. » (p. 70)
Comment rendre la ville attractive tout en respectant le zéro artificialisation des sols ? Comment permettre l’étalement urbain et les activités économiques sans empiéter sur l’espace agricole ?
Pour l’auteur, le système persuasif ne permet pas la protection de l’environnement comme le montre les exemples cités. Il est malgré tout assez optimiste en montrant quelques dispositifs contraints efficaces comme l’interdiction de construire à moins de 50 m d’un massif forestier, en Île-de-France.
L’évaluation stratégique environnementale
Tristan Aoustin analyse un outil peu employé : les ZDUCZone de droits d’usage collectifs, droits reconnus au profit des communautés d’habitants qui vivent traditionnellement de la forêt comme les communautés amérindiennes de Guyane – Voir : Atlas cartographique des Zones de droits d’usage collectifs en Guyane, ONF/IRD – un article : « ZDUC : une recherche-action avec les communautés Palikur pour une gestion participative et concertée des espaces forestiers en Guyane », en matière de planification de projet. Il décrit la théorie bilan/coût, les avantages et les limites de la déclaration d’utilité publique.
L’auteur montre l’intérêt de la prise en compte, par les pouvoirs publics locaux, des projets de territoire alternatifs pour une meilleure protection de l’environnement surtout si les aspects économiques et sociaux ne sont pas oubliés comme dans ces exemples en Guyane.
Mécanisme REDD+ et droits fonciers
En République démocratique du Congo, des projets de réduction des émissions de GES dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD), dans la communauté de Maï-NdombéCentre ouest du pays permettent, à Hervé Mbaya-Mumpunga, d’analyser les mécanismes du dispositifs REED+Sur un autre exemple : Les relations Nord-Sud pour atténuer le changement climatique, Moïse Tsayem Demaze, L’Harmattan, 2015, financé par la Banque mondiale et l’ONU.
Si les procédures sont conditionnées au respect des droits des communautés locales, des ONG, comme FERN dénoncent des projets qui ne protège ni le climat, ni la forêt et qui sont néfastes pour les populations. Il semble que la situation s’améliore depuis la mise en place d’une information des communautés locales.
Toutefois, les restrictions aux droits de prélèvement de bois et de chasse, même pour des usages non-commerciaux, affectent les moyens de subsistances des populations. Une adhésion communautaire est un préalable indispensable.
La promotion de l’agroforesterie est une alternative à l’agriculture sur brûlis, mais ces pratiques, en relation avec les droits d’usages des terres, ne sont pas toujours compatibles avec le droit traditionnel.
Dans cette région, la production de charbon de bois est une réelle menace sur la forêt. Les politiques foncières et climatiques sont liées. Une gouvernance communautaire, bien préparée, est une piste de résolution du problème.
Quelle place pour l’obligation réelle environnementale ?
L’article de Fabienne Labelle est consacré aux clauses notariées qui participent à la préservation de l’environnement : l’ORE et à sa place dans le droit français. L’obligation réelle environnementale est un dispositif foncier de protection de l’environnement. Cet outil peut intéresser en particulier les propriétaires de biens immobiliers, les collectivités publiques, les établissements publics, les associations de protection de l’environnement mais aussi beaucoup d’autres acteursFiche de synthèse élaborée par le Ministère de la transition écologique et solidaire et le Cerema ..
Cette obligation vise au maintien, la conservation et la gestion ou à la restauration d’éléments de la biodiversité. Elle introduit en droit la notion de compensation, en cas de destruction.
Les servitudes administratives
Rémi Radiguet montre comment ces servitudes peuvent des outils de correction socialement acceptable du droit de propriété privé. La protection de l’environnement est une valeur qui vient, parfois, en contradiction du droit de propriété. La puissance publique dispose d’un panel d’outils fonciers, notamment la servitude administrative de protection des milieux naturels, annexées ou non aux PLU. L’auteur montre l’exclusion du propriétaire de l’élaboration de ces servitudes et de la gestion environnementale de son bien. Il décrit la situation dans le cadre des Parcs nationaux et des réserves naturelles. Il évoque les mesures d’indemnisation possible et l’évolution du droit vers la notion de rémunération des fonctions environnementales d’un bien qui devrait contribuer à une meilleure acceptabilité des servitudes administratives de la protection de l’environnement.
Cet ouvrage, consacré à la place de la nature dans l’action publique et les pratiques foncières, est un peu technique.