S’inscrivant dans le cadre de la Collection « Archéologie de la France » soutenue par l’INRAP, ce joli petit volume cosigné par deux archéologues qui enseignent également à l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne se présente comme un véritable guide de la France protohistorique. Il formule avec rigueur et précision un solide panorama d’histoire globale, combinant les questionnements les plus actuels avec les facettes variées d’une fertile pluridisciplinarité.
Un prologue historiographique récapitulant les grandes évolutions de l’histoire des Celtes souligne dès l’abord la volonté des auteurs de diffuser une vision renouvelée d’un sujet resté très longtemps imprégné, de façon plus ou moins larvée, par les préjugés antiques à l’encontre des rustiques et inquiétants barbares gaulois. Or, la démarche suivie par ce livre a justement pour objet de réhabiliter la complexité sociale et l’ingéniosité culturelle des sociétés celtes. Déconstruisant la notion conventionnelle d’âge du Fer, elle adopte pour ligne directrice les conditions d’émergence de la ville et l’état.
On s’immerge avec beaucoup d’intérêt dans cette synthèse à la fois dense et concise, attentive aux derniers acquis archéologiques et prenant acte des avancées problématiques les plus récentes. Le propos embrasse une large séquence chronologique d’un millénaire et demi allant de l’âge du Bronze à la conquête romaine. Le découpage global en séquences chronologiques est riche en analyses thématiques sur l’organisation sociale et spatiale, l’évolution technologique et les références culturelles, en mettant en évidence des continuités sous-estimées. Dans cette logique, l’attention principale revient à l’émergence du fait urbain associé à la construction étatique. Les structures princières hallstattiennes en constituent une première forme éphémère, avant que la construction des oppida au IIe siècle ne consolide définitivement la polarisation hiérarchisée de l’espace, tout en rendant la Gaule perméable à l’emprise romaine. De façon plus générique, il en ressort une convaincante démonstration de la longue mémoire historique reflétée par la géographie.
L’agrément de lecture de ce petit ouvrage est facilité par une mise en page élégante. On ne peut qu’apprécier l’apport des nombreux éléments d’illustration proposés, qui associent un répertoire cartographique soigneux à une iconographie de qualité. Le propos est par ailleurs régulièrement éclairé par des encarts insérés au fil du texte, qui présentent des mise au point claires et concises sur les sites archéologiques les plus remarquables (Vix, Lattes, Paule, Bibracte, etc.) et les thématiques essentielles (religion, anthropologie, sociologie, technologie, systèmes agricoles).
Conviant à une séduisante et stimulante exploration des racines lointaines de la France, la démarche englobante adoptée par les auteurs assure un dépaysant voyage intellectuel qui fait largement justice des clichés réducteurs, belliqueux ou bons enfants, dans lesquels on a longtemps contenu le monde méconnu des Celtes. Par-delà le vivier des étudiants auxquels il semble plus particulièrement destiné, la densité de ce bon outil d’initiation exigeante séduira légitimement le grand public averti, pourvu qu’il soit soucieux d’élargir ses horizons et disposé à remettre en cause ses… “Celtitudes”.
Guillaume Lévêque © Clionautes.