La publication du Dictionnaire critique de l’Union Européenne s’inscrit dans un contexte marqué par la présidence française de l’Union Européenne et l’approche des élections européennes de juin 2009.
Au-delà de ces éléments conjoncturels, l’idée d’un dictionnaire part du constat de la méconnaissance et de l’incompréhension du fonctionnement de l’Union Européenne qui, ont pu conduire aux réactions de rejet comme l’ont montré les referenda de ratification de projet de Constitution en France et aux Pays-Bas.

Le choix de la forme (un dictionnaire) est judicieux à plus d’un titre. Il correspond à l’engouement actuel du grand public pour ce type d’ouvrage. C’est un outil très pratique qui permet d’approfondir de manière ponctuelle sa connaissance tout en permettant une approche graduelle d’une réalité complexe. Il permet de solliciter les apports combinés de plusieurs disciplines (économie, histoire, géographie, géopolitique, science politique, sociologie politique) et de décloisonner ainsi des recherches jusqu’alors essentiellement institutionnelles, juridiques et descriptives.

La pluridisciplinarité est bien la première originalité de cet ambitieux travail collectif : un nombre important de contributeurs (166 exactement) qui interviennent chacun sur leur spécialité, des origines variées (universitaires, institutionnels, administratifs, think tank), des générations différentes et une vingtaine de nationalités. Le regard est donc volontairement pluriel. Ainsi, les notices sur les Etats Membres sont l’occasion d’étudier les différents projets nationaux vis-à-vis de l’Europe ainsi que la perception de l’Union, y compris dans des Etats souvent marginalisés dans les autres études. P. Orcier s’intéresse ainsi au cas de la Lettonie où la reconstruction démocratique a été indissociable de son rapprochement avec l’UE puis de son intégration. N. Bernardie-Tahir se penche, autre exemple, sur la question de l’immigration irrégulière devenue une épine dans le pied de Malte depuis son entrée dans l’UE en 2004.

L’adjectif « critique » associé, dans le titre, à ce « dictionnaire » ne signifie en rien que les études négatives sur l’UE ont été privilégiées. Comme le précise Th. Chopin, directeur des études à la Fondation Robert Schuman, « il s’efforce de faire écho aux débats qu’elle suscite sur la base d’analyses et de positions argumentées » (Avant-propos, p. XVII). C’est pour cette raison que l’optique choisie est résolument problématisée. Les notices ne sont pas simplement factuelles ou descriptives ; elles développent des arguments au service d’une démonstration. Certaines sont même de petits essais comme l’article France sous la plume des cinq coordinateurs.

Les formats des 236 notices sont variables et tiennent compte de l’importance des questions traitées. Chaque notice contient une bibliographie précise sur le sujet (ouvrages ou sites internet) et se termine par des corrélats permettant d’élargir le champ d’investigation.

Plusieurs entrées sont possibles dans ce Dictionnaire :

→Historiques :
– Par étapes historiques (CECA, élargissements successifs …)
– Par acteurs aussi bien les partis politiques que les Etats ou les personnalités historiques (Adenauer,Bech, Spaak …) ou contemporaines (Bolkestein, Delors …)
– par grandes notions (démocratie, droits de l’homme, paix …)

→Géographiques :

– Par territoires (empires, frontières …)
– Par Etats-Membres (les 27 ont une entrée) ou candidats ou ayant signé des accords de voisinage (Ukraine, Biélorussie, Turquie …)
– Par échelle (Berlin, Allemagne, Afrique)

→Institutionnels :
– Par la défense (OTAN, PESC, terrorisme …)
– Par politiques communes (PAC, PESC, PEDS, politique culturelle …)
– Par le système institutionnel en multipliant les angles d’analyse et en faisant une place non négligeable à la sociologie politique (Commissaires/Commission ; Députés européens/Parlement …)
– Par le biais de l’articulation des dimensions européennes aux dimensions nationales (juge national, transposition, directives, européanisation, parlements nationaux …)

→Politiques :
– Par types d’action (vote, influence, lobbying …)
– Par l’opinion (eurobaromètre, europhobie …)
– Par familles politiques (Europe des communistes, Europe des gaullistes, Europe des socialistes …)
– Par courants d’opinion (euroscepticisme, populisme, …)
– Par groupes (intellectuels, femmes, Roms …)

→Par le biais d’entrées insolites et originales (football, humanitaire, symbolique …)

L’objectif reste de « mieux donner à voir et comprendre la construction européenne » (p. XVII).

Les annexes (seize cartes et graphiques en couleurs sur les territoires de l’Europe, la démographie, le budget communautaire par postes ou la géographie de l’euro ; une chronologie très détaillée qui se termine en juin 2008 et des tableaux portant sur les traités communautaires, les présidents et vice-présidents des exécutifs communautaires etc.) complètent ce travail précieux, en abordant des thèmes moins traités dans le dictionnaire (ex. les IDE, le commerce intra-communautaire)

Outil indispensable, mine d’informations rigoureuses, limpides et problématisées, ce Dictionnaire critique de l’Union Européenne permet de butiner au gré de ses envies. Une Bible européenne en quelque sorte, à mettre dans toutes les bibliothèques !

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