A la charnière de la mondialisation et de l’agriculture, Jean Pierre Charvet propose une analyse croisée de ces deux phénomènes dans la Documentation Photographique de septembre – octobre 2007. Ce thème intéressera tous les candidats aux concours (CAPES, agrégation, Ulm) où ces questions sont au programme. La question agricole prend tout son poids aussi dans la réflexion menée autour des ressources en énergie (cf. le thème du FIG 2007 : La planète en mal d’énergie). La voie des biocarburants, si elle est une alternative aux énergies fossiles, pose la question de savoir si « le monde sera capable de nourrir le monde », si les produits agricoles servent à autre chose.
Jean-Paul Charvet est professeur de géographie rurale à l’université de Paris X – Nanterre. Il y dirige un laboratoire de recherche sur l’aménagement des espaces ruraux et périurbains. Il est également consultant auprès de différents organismes agricoles ou para-agricoles. Il a publié, entre autres, un outil bien pratique et disponible dans de nombreux CDI : L’alimentation dans le monde, mieux nourrir la planète, Larousse, collection Petite Encyclopédie, 128 p. 2004.
Une agriculture mondialisée de longue date
L’agriculture est le premier secteur économique à être entré dans la mondialisation. Née au Proche Orient, elle s’est ensuite diffusée dans le bassin méditerranéen. Les échanges de produits agricoles changent d’échelle avec les Grandes Découvertes, même si les marchands musulmans avaient déjà mis en contact Europe et Asie par le biais des produits qu’ils rapportaient avec leurs caravanes. La Révolution Industrielle permet à de vastes espaces agricoles de se tourner vers des marchés mondiaux. Le développement d’industries agro-alimentaires date des années 1950. L’agriculture actuelle n’est plus qu’un maillon du système agro – alimentaire. Il faut entendre par là la façon dont les hommes s’organisent pour consommer et produire leur nourriture. Quatre stades graduels sont distingués : allant du système agricole (auto consommation) au système agro tertiaire (50% de la consommation alimentaire se fait à domicile, 50% hors du foyer – les produits parcourent de fortes distances : food miles). Voir page 47 : la carte du chemin parcouru par un pot de yaourt à la fraise, vendu en Allemagne.
Toutefois, si les agriculteurs subissent d’une manière ou d’une autre la mondialisation (au travers de la fixation des prix mondiaux ou des politiques agricoles), la situation de ceux-ci à l’échelle mondiale est très différente. Sur les 1,3 milliard d’agriculteurs mondiaux, seuls 30 millions possèdent une moto – mécanisation. JP Charvet constate aussi que les produits agricoles qui circulent autour de la planète sont de plus en plus transformés. Les légumes et les fruits supplantent les céréales, ce qui se traduit par une envolée des food miles.
La recherche de solutions aux besoins croissants
Face aux besoins croissants, des solutions sont mises en œuvre avec des réussites plus ou moins importantes : le productivisme, la révolution verte montrent leurs limites. Les agriculteurs s’acheminent vers une agriculture plus durable, raisonnée voire biologique. Pour l’auteur, peu de choses sont à espérer du côté du biologique. Ce type d’agriculture a des rendements trop aléatoires. Beaucoup de paysans du Sud pratiquent ce type d’agriculture (sans être répertoriés dans les statistiques comme agriculture biologique) à défaut d’avoir les moyens d’utiliser des engrais chimiques. Les OGM, décriés en Europe, se diffusent et semblent avoir la faveur de l’auteur (même si le document de la page 28 : un tableau qui compare agriculture biologique et OGM, est moins catégorique que le texte du Le Point Sur). La mise en place de filières plus courtes devrait permettre une meilleure rémunération des agriculteurs. Cela se traduit à la fois dans les pays du Nord et les pays du Sud (essor du vivrier marchand, développement du commerce équitable). La mise en place de labels, d’appellations d’origine contrôlée constituent une des voies possibles vers une répartition plus équitable des bénéfices des filières agro – alimentaires.
Exploiter le corpus de documents en classe
Les documents qui accompagnent la présentation de Jean Paul Charvet peuvent être massivement utilisés en classe, tant au collège qu’au lycée. Voici quelques exemples que m’a inspiré la lecture de la partie Thèmes et Documents :
De nombreuses cartes, élaborées par l’atelier cartographique de Sciences Po et disponibles en transparent, ont retenu mon attention. Ainsi, la carte du nombre de personnes sous alimentées (valeur absolue) montre quelque chose que l’on a tendance à oublier : l’Asie (Inde et Chine) abrite les 2 grands foyers de population sous-alimentées. La carte du nombre de personnes sous alimentées (valeur relative) fait apparaître la mauvaise posture de l’Afrique. La juxtaposition des 2 cartes permet de montrer aux élèves l’importance de la nature des chiffres dans la lecture d’une carte.
Dans le cadre de l’éducation à la santé et du thème de la mondialisation, la comparaison de la carte des personnes sous-alimentées (850 millions) et de celle présentant les personnes souffrant d’obésité (1 milliard) amène à revenir sur ce problème qui touchent les pays développés mais aussi du Sud (Amérique Latine, Proche Orient). De même, les photographies des familles posant en présence des provisions de la semaine permettent de relativiser l’uniformisation des régimes alimentaires. On voit ainsi le poids important des céréales dans les menus. Aussi, on comprend mieux que la production de biocarburants pose problème. Pour faire le plein d’un 4 x 4 en éthanol, il faut 200 kg de maïs, soit assez de calories pour nourrir une personne pendant 1 an, sans compter que pour produire ce carburant, il est nécessaire de consommer des énergies fossiles. De telles considérations amènent à relativiser la place future que pourront tenir ces nouvelles énergies.
Il est possible d’utiliser avec profit d’autres doubles pages pour des études de cas sur la mondialisation : Doux, Monsanto – Cargill, par exemple. Le corpus de documents permet de brosser de nombreux aspects des programmes de première, terminale, quatrième et troisième : la place de l’agriculture française dans la mondialisation, la place de la PAC, le marché du blé, du sucre…
On l’aura compris : ce numéro de la Documentation Photographique est un outil indispensable pour les petits comme pour les grands.
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