La revue Politique Américaine consacre sa livraison de l’été-automne 2008 aux élections américaines. Nulle volonté là d’être les premiers à commenter l’élection historique de Barack Obama, car il est précisé dès l’introduction que le numéro était bouclé avant les résultats. Quelques auteurs doivent donc se livrer à des contorsions et parsemer leurs analyses de « peut-être »… Le numéro s’intitule « L’Amérique face à elle-même », sous-entendu confrontée à certaines de ses références intérieures.

La couverture met en avant trois communications : l’ombre de Roosevelt, primaires et financement et le mythe La Fayette. La revue est composée de six articles, d’un point de vue et de deux compte-rendus de lecture. Le premier thème traité permet de s’interroger sur les références politiques utilisées aux Etats-Unis. Deux articles sont ainsi consacrés à la figure de Roosevelt et tendent à montrer qu’une grande partie de ce qu’est l’Amérique aujourd’hui a germé à ce moment là. Réalisme et progressisme seraient ainsi les matrices sur lesquelles ont prospéré les Etats-Unis au XX ème siècle. Si la figure de Roosevelt réapparait aussi aujourd’hui, c’est que, selon Yannick Mireur, les années Clinton ont été marquées par beaucoup d’approximation, comme si les Etats-Unis n’avaient alors pas su quoi faire de leur nouvelle hyperpuissance. Ils doivent donc redéfinir leur rapport au capitalisme et au rôle extérieur assigné à leur pays. On signalera également une mise au point très éclairante sur la question de l’argent.


Désigner et financer

Dans le cadre du programme de terminale, lorsque l’on présente le modèle américain, on pourra se servir de l’article sur les primaires et le « paradoxe de la démocratisation ». Frédérick Douzet resitue cette procédure dans un temps long et l’on découvre, ou redécouvre, qu’elle n’est nullement en place depuis des lustres. Tout au départ, c’était l’élite des partis qui désignait les candidats. Ensuite, les primaires connurent un destin parfois cahotiques, mais au lendemain de 1968 elles s’imposèrent. L’auteur insiste sur le système des démocrates, mais celui-ci a été largement commenté dans les médias, à savoir l’existence de super-délégués. D’autres aspects ont aussi été expliqués comme l’importance du financement public pour la campagne de Barack Obama.
A titre d’anecdote on pourra s’appuyer sur ce que Frédérick Douzet évoque des caucus, sortes de variantes des primaires : « Les militants et électeurs locaux se réunissent par bureau de vote pour choisir les délégués qui les représenteront au niveau du comté. Le vote se déroule à un horaire précis et pendant une durée très limitée » et il faut donc mobiliser ses partisans. L’auteur revient aussi sur le rôle d’internet et rappelle utilement qu’ Obama n’a pas été le premier à s’en servir, mais que cela avait été aussi une des racines de l’émergence d’Howard Dean lors des primaires de 2004.
En théorie, les grands électeurs avaient été institués comme une sorte de filtre aux réactions de la base. Mais finalement c’est bien la démocratisation qui l’emporte, car les super-délégués se sont ralliés à l’enthousiasme que soulevait la campagne d’Obama, validant ainsi le choix du plus grand nombre. Pour étayer le cours sur les Etats-Unis, et notamment le poids de l’argent, signalons que François Vergniolle de Chantal note que le montant total des contributions reçues par les candidats aux présidentielles est passé de 331 millions de dollars en 1992 à 880 en 2004.

La part de l’histoire

Ici, il s’agit de dissiper ce mythe d’amitié indéfectible qui régirait les rapports entre la France et les Etats-Unis depuis la guerre d’Indépendance de ces derniers. Claude Moisy rappelle tout d’abord que l’intervention française en Amérique à la fin du XVIIIème siècle est d’abord liée à des considérations géostratégiques. Il souligne néanmoins qu’un mythe ne peut exister qu’ à partir d’un noyau de vérité : certes il y eut intervention de la Fayette mais il n’était pas le premier et d’autres aventuriers français avaient été auparavant froidement accueillis. « Il y eut d’une part un mouvement idéaliste mineur…et d’autre part une décision réaliste majeure par laquelle la France envoya ses vaisseaux ». Claude Moisy retrace ensuite les relations franco américaines à travers quelques moments forts du XX ème siècle. Ainsi le slogan de Wilson pour la campagne de 1916 était « he kept us out of war » ! : on est bien loin alors d’un engagement et c’est bien la guerre sous-marine qui décidera les Etats-Unis à entrer en guerre. L’article souligne enfin que ce genre de mythe explique que les Etats-Unis soient plus critiques envers la France qu’envers l’Allemagne alors que les deux pays s’opposaient à l’intervention en Irak. Croire à une amitié évidente ne peut que renforcer les rancoeurs lorsque le désaccord apparaît.

Au total, cette jeune revue née en 2005 permet de suivre l’actualité des Etats-Unis et son rythme de parution permet de ne pas être uniquement dans l’urgence ou dans la compilation d’articles de quotidiens. A 20 euros le numéro, elle reste néanmoins chère pour un particulier.

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