Lucien Bayrou est l’un des meilleurs spécialistes de l’architecture militaire méridionale de saint Louis à Louis XIV. Il publie ici un ouvrage de référence qui fait la synthèse de ses travaux sur les fortifications médiévales du Languedoc.

 

Lucien Bayrou : un infatigable chercheur

L’auteur est architecte des bâtiments de France honoraire. Il a exercé longtemps dans les Pyrénées-Orientales et a profité de sa récente retraite pour publier ce bel ouvrage, fruit de presque quarante ans de recherches. Lucien Bayrou est l’un des pionniers de la recherche archéologique sur les châteaux du Languedoc. Au début des années 1970 les vestiges de Montségur ou de Peyrepertuse passent pour des constructions réalisés par des cathares, ruinées pendant la croisade des Albigeois. Par ses recherches il a montré que ces vestiges sont pour l’essentiel des forteresses royales. Infatigable chercheur, il a accompli un travail considérable de relevés de sites, dans la lignée d’un Viollet-le-Duc. La majorité des plans des « châteaux cathares » publiés notamment dans les guides touristiques sont repris de ses travaux. Mais aussi des recherches archéologiques rigoureuses, particulièrement au château de Peyrepertuse. Il a notamment participé aux fouilles de la ville antique de Xanthos en Turquie, réalisé des sondages archéologiques sur les châteaux de Termes, Puylaurens et Sabarda. Il a dirigé pendant de longues années le chantier de fouille de Peyrepertuse auquel j’ai eu le plaisir de participer et qui a donné lieu à la publication de l’ouvrage collectif Peyrepertuse, forteresse royale, Carcassonne : CAML, 2000. À travers ses recherches il s’est intéressé aux techniques de construction de ces forteresses, sujet de sa thèse soutenue en 1978, à leur histoire, à la vie quotidienne de ces lieux. C’est également l’un des membres fondateurs du Centre d’archéologie médiévale du Languedoc, association basé à Carcassonne qui a édité la majorité de ses travaux. Élargissant ses problématiques, il a dirigé un projet collectif de recherche sur la frontière séparant le Languedoc du Roussillon entre 1258 (traité de Corbeil) et 1659 (Traité des Pyrénées).

Une collection de référence

Languedoc-Roussillon gothique est publié par les éditions Picard. Cette maison d’édition, fondée en 1869, est bien connue pour ses ouvrages de référence, notamment en archéologie et en Histoire. Le présent ouvrage s’inscrit dans la collection Les monuments de la France gothique qui compte déjà quatorze ouvrages consacrés à l’architecture religieuse, civile ou militaire de différentes régions. Il fait suite à l’ouvrage de Françoise Robin, Midi gothique, de Béziers à Avignon. Le sous-titre de l’ouvrage de Lucien Bayrou : L’architecture militaire de Carcassonne à Perpignan, en précise le champ thématique et spatial. Il étudie l’architecture fortifiée médiévale à travers les exemples de l’âge d’or des châteaux et forteresses de la partie méridionale de la sénéchaussée de Carcassonne La sénéchaussée de Carcassonne est une circonscription administrative créée par le roi de France à la suite de la croisade des Albigeois pour gérer les domaines confisqués au comte de Toulouse et au vicomte de Carcassonne en Languedoc. depuis Capestang (Hérault) au Nord, jusqu’au Roussillon et la Cerdagne au Sud ainsi que les sites ariégeois de Lagarde, Montségur et Roquefixade à l’Ouest. C’est une synthèse mise à jour de ses précédents ouvrages, enrichie de ses travaux inédits sur les résidences des archevêques de Narbonne.

Autour de la frontière

L’ouvrage est organisé en trois parties. La première présente le cadre spatial et chronologique. Du traité de Corbeil (1258) au traité des Pyrénées (1659) la région étudiée forme la frontière entre la France et l’Aragon. Dans un temps relativement court, entre le milieu du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle les deux royaumes vont ériger un réseau de grandes forteresses tant pour garder la frontière que pour contrôler leur territoire respectif. Parallèlement de grands feudataires comme l’archevêque de Narbonne se font construire des châteaux tenant à la fois de la fortification militaire et de la résidence seigneuriale. Les bourgs et villages se fortifient aussi. Dans cette partie Lucien Bayrou s’intéresse aussi à l’organisation des chantiers et aux constructeurs à partir de l’exemple de Peyrepertuse.

Dans une deuxième partie Lucien Bayrou étudie la construction des forteresses par une étude en parallèle de la sénéchaussée de Carcassonne, d’une part et des comtés de Roussillon et Cerdagne, d’autre part. Il passe en revue les différents types d’ouvrages : murs, tours, ouvertures, citernes, chapelles, charpentes, décors… On remarquera, à titre de curiosité, un dispositif défensif qui porte le nom étrange de « Haha ».

Les châteaux cathares et les autres…

La troisième partie réunit 32 monographies de sites choisis parmi les plus représentatifs. Aux côtés de « châteaux cathares » célèbres comme Montségur ou Quéribus qui illustre la couverture, ainsi que des citadelles de Perpignan et Carcassonne, l’auteur fait découvrir quelques sites remarquables et pourtant totalement ignorés comme le château d’Auriac ou le moulin fortifié de Canet d’AudeOn regrettera seulement pour les monographies l’absence de quelques mises à jour. Les dernières découvertes des archéologues de Termes n’ont pas été reportées sur le plan du château. Et l’auteur ne semble pas avoir exploité les dernières recherches historiques que j’ai publiées sur Termes, Auriac et Aguilar dans les volumes de la collection Vilatge al Pais consacrés aux cantons de Tuchan et Mouthoumet.. L’étude des différents sites est aussi l’occasion de montrer l’évolution des techniques de la fortification avec la prise en compte de l’artillerie à la fin du Moyen Âge. C’est pourquoi la dernière monographie est consacrée à la forteresse de Salses, construite à la fin du XVe et marquant le début des fortifications bastionnées qui s’imposent à l’Époque moderne.

Des bibliographies organisées par ordre chronologique complètent chaque partie et chaque monographie. Un glossaire, une table des illustrations et un index des noms de lieux terminent l’ouvrage.

Un ouvrage de référence

Languedoc-Roussillon gothique est un ouvrage de référence digne de figurer dans les meilleures bibliothèques. Il invite à la découverte de nouveaux sites et à lire l’ensemble des travaux de l’auteur. On regrettera seulement son prix élevé (48 euros) qui est cependant justifié par sa qualité intellectuelle et matérielleL’ouvrage, de finition soignée, est imprimé sur papier glacé. Il possède une reliure toile et une jaquette couleur..

Gauthier Langlois

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