La tradition de la Petite Galerie du Musée du Louvre depuis plusieurs années, est d’inviter un art à dialoguer avec les œuvres. Du 26 septembre 2018 au 1er juillet 2019, le Musée convie le neuvième art, « la Bande dessinée » pour une exposition intitulée « L’archéologie en bulles ». L’idée est de mettre en valeur deux disciplines qui procèdent de démarches scientifiques communes dans leur processus de création ou de découverte. L’influence des histoires archéologiques et des œuvres muséales sur les fictions dessinées est parfaitement montrée. La Petite Galerie destine ses expositions au jeune public et elle propose une large gamme d’activités pour les scolaires à découvrir sur le site dédié.

Le catalogue de cette exposition est codirigé par Jean-Luc Martinez, agrégé d’histoire, membre de l’école d’Athènes, ancien directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, aujourd’hui président-directeur du musée du Louvre et Fabrice Douar, responsable éditorial Bandes Dessinées au même musée et commissaire de plusieurs expositions. Cet ouvrage s’articule, comme l’exposition éponyme, autour de 4 thèmes : Partir, Découvrir, Classer et Interpréter. S’y ajoute une dernière partie réservée à l’aventure archéologique au cœur des collections avec une évocation des archéologues liés au musée.

Toujours sur le départ, artistes et archéologues utilisent des carnets de croquis, de relevés de fouilles ou des dessins préparatoires. Ils fixent ainsi des sites, des objets et des personnages, sources d’inspiration pour les bédéistes qui mettent en scène des reporters, des détectives ou des aventuriers, tel Martin Mystère, détective de l’impossible sous la plume de Giancarlo Alessandrini et Alfredo Castelli. Dans leurs albums sont reprises des planches issues de l’ouvrage publié à l’occasion de l’expédition d’Égypte par Bonaparte en 1798. Les aquarelles ou les dessins des artistes effectuant le grand Tour au XIXème siècle et les orientalistes inspirent également le neuvième art.

La bande dessinée reprend largement la sidération provoquée par les découvertes de trésors archéologiques. Les histoires sont jalonnées de péripéties où le héros s’engouffre dans des caches ou des souterrains où sont enfouis des trésors. Le trésor de Tôd trouvé à Thèbes par l’archéologue Bisson de La Roque (1885- 1958) constitué d’objets en argent, métal rare en Égypte ou le trésor romain de Boscoreale près de Pompéi ont inspiré les dessinateurs.

Classer pour comprendre est la mise au point scientifique nécessaire à toute archéologie scientifique. Les objets sont répertoriés selon une typologie professionnelle. Les fouilles, au XXe siècle, sont effectuées niveau par niveau. Ce classement permet de distinguer les phases successives de l’occupation humaine. Ce catalogue reproduit l’admirable stratigraphie du site de Suse en Iran, une reconstitution de 6 000 ans d’histoire. Les auteurs de l’ouvrage rappellent les strates que composent les planches des bandes dessinées évocatrices du temps qui passe ou de l’évolution de l’histoire.

Puis vient le temps de l’interprétation. La confrontation des objets et de documents contemporains permet des hypothèses confirmées ou infirmées par d’autres découvertes. Ce catalogue met en relation des objets célèbres du musée, le couteau de l’embaumeur Mimmesout du Nouvel Empire ou ce cercueil de chat et sa momie, offrandes à Bastet et sources d’inspiration pour Nicolas de Crécy dans son album Période glaciaire de 2005.

La bande dessinée explore toutes les civilisations et beaucoup de périodes historiques. Deux tendances existent chez les auteurs : un besoin de fidélité historique par souci de cohérence du récit ou une volonté de transfigurer le réel privilégiant la science-fiction ou l’uchronie. Les dessinateurs convoquent des lieux de rêve comme le Colisée ou la Tour de Babel peinte par Bruegel représentée par Usamaru Furuya dans « le Monde des fournis » : l’âge de déraison.

Une dernière partie de l’ouvrage met en regard des dessins de BD et des œuvres majeures du patrimoine du Louvre, la Victoire de Samothrace, le Palais de Darius, ou le Scribe « accroupi »…

Magnifiquement illustré, ce catalogue d’exposition se destine aux plus jeunes comme à leurs ainés. Il invite à la lecture et à  l’interprétation des albums, ce qui nous incite à réfléchir à l’utilisation de ce médium en classe au collège comme au lycée.