Cet ouvrage collectif a été réalisé à l’occasion de l’exposition L’aventure Champollion. Dans le secret des hiéroglyphes présentée à la BNF d’avril à juillet 2022. Il regroupe pas moins de 16 auteurs, dont de grands spécialistes de l’Égypte ancienne, du XIXème siècle ainsi que des conservateurs (Ola el Aguizy, Ghuslaine Alleaume, Guillemette Andreu-Lanoë, Sylvie Aubenas, Fabien Bièvre-Perrin, Vincent Chollier, Guillaume Delaunay, Vanessa Desclaux, Jean-Charles Ducène, Éric Gady, Karine Madrigal, Chloé Perrot, Stéphane Polis, Claude Rilly, Charles-Eloi Vial et Hélène Virenque).

L’exposition et l’ouvrage célèbrent le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion, ainsi que la naissance d’une nouvelle science, l’Égyptologie.

 

Introduction par Guillemette Andreu-Lanoë, Vanessa Desclaux et Hélène Virenque

En introduction, les trois commissaires de l’exposition précisent leur objectif : montrer l’actualité de la démarche du savant et son influence jusqu’à nos jours, grâce à l’étude des manuscrits de Champollion. L’exposition et l’ouvrage ont ainsi à cœur d’explorer des thématiques liées aux étapes du déchiffrement d’une écriture, et de nous initier à la « méthode Champollion ». Méthode encore utilisée par nos archéologues contemporains, améliorée bien sûr grâce aux progrès technologiques.

Le jeune homme a compris avant les autres savants de son temps que l’Égypte ancienne était une grande civilisation, et que dévoiler son histoire à travers le déchiffrement de son écriture représentait un réel intérêt scientifique pour appréhender l’Antiquité. L’inventeur de l’Égyptologie a inspiré dès son époque, et continue à inspirer.

 

L’Égypte au temps de Champollion par Ghislaine Alleaume

Ce chapitre nous apprend à la fois le contexte particulier de l’expédition de Champollion, ainsi que ses conséquences essentielles sur le développement de l’égyptologie au moment de sa naissance :

Ghislaine Alleaume, historienne de l’Égypte moderne, nous peint la situation géopolitique de l’Égypte au moment de sa découverte par Champollion en 1828. Champollion arrive ainsi dans une Égypte qui vient de renouer avec les conquêtes, instiguées par Muhammad Ali et poursuivies par ses fils. C’est une Égypte en profonde mutation (politique, institutionnelle …) qui l’accueille, mais aussi une Égypte placée au cœur de la « Question d’Orient » des Européens.

L’expédition de Champollion se fait dans un contexte tendu mais elle reçoit le soutien des experts européens présents au service du pacha, et de Muhammad Ali lui-même qui s’intéresse à l’égyptologie. Le travail de Champollion donne une grande valeur diplomatique aux monuments égyptiens, provoquant un engouement pour le commerce des antiquités. Champollion se fait aussi protecteur du patrimoine égyptien, œuvrant pour éviter les destructions.

 

Jean-François Champollion : un homme des Lumières par Karine Madrigal

Champollion, « enfant de la Révolution », est un homme des Lumières selon Karine Madrigal. Elle nous fait découvrir l’histoire de la famille Champollion, en particulier la jeunesse et la formation des deux frères savants, entre légende familiale et études érudites. On y découvre l’appétence du cadet de la famille pour l’apprentissage des langues, y compris le Chinois, jugé proche des Hiéroglyphes à l’époque.

Les frères Champollion connaissent, comme beaucoup d’hommes des Lumières, l’exil lors du retour à la monarchie de Louis XVIII.

En digne homme des Lumières, Champollion a à cœur de rendre accessible à tous sa découverte, et donc de transmettre son savoir grâce à une exposition pédagogique des Antiquités et grâce aux cours qu’il dispense au Collège de France.

Grâce à une présentation complète, de sa jeunesse grenobloise à sa vie parisienne, nous découvrons ainsi un personnage empli d’humanisme, et pas seulement le célèbre génie de la Pierre de Rosette.

 

Jacques-Joseph Champollion-Figeac par Charles-Éloi Vial

Charles-Éloi Vial nous présente dans ce court chapitre la carrière de cet autodidacte, entre ascension et chute, mais dont le rôle est essentiel pour comprendre « Champollion le Jeune ».

 

Les hiéroglyphes en Égypte médiévale par Jean- Charles Ducène

Avec les changements culturels et linguistiques de la fin de l’Antiquité et du Moyen-Âge, la connaissance des hiéroglyphes disparait progressivement, malgré la visibilité de cet écrit sur les monuments égyptiens : Jean-Charles Ducène s’appuie sur des chroniques médiévales pour montrer les connaissances, ou plutôt les croyances de l’époque concernant la fonction et la signification des hiéroglyphes. Le hiéroglyphe est considéré comme une écriture magique, « talismanique », durant plusieurs siècles.

 

Des hiéroglyphes aux « hiéroglyphiques ». L’écriture égyptienne dans l’iconologie par Chloé Perrot

Chloé  Perrot s’intéresse à la représentation des hiéroglyphes dans l’imaginaire de l’Europe moderne, vus comme allégoriques, comme on peut le comprendre grâce à l’ouvrage Iconologia de Cesare Ripa, publié en 1598. Cette époque ne permet pas le déchiffrement des hiéroglyphes, l’iconologie étant investie de l’espoir de former un mode de communication universel.

 

Jean-François Champollion. Un déchiffrement modèle par Stéphane Polis

Stéphane Poli nous montre que si de nombreuses écritures ont été déchiffrées à la suite des hiéroglyphes, c’est bien Champollion qui fut le fondateur de la science du déchiffrement des langues inconnues. Stéphane Polis s’intéresse dans ce chapitre aux étapes logiques qui permirent le déchiffrement. D’abord, le contexte a un rôle évident : Champollion vit à une époque où les regards se tournent vers l’Égypte, avec l’afflux de nombreuses sources primaires égyptiennes en Europe. Aussi, l’auteur nous parle des « contraintes interprétatives » qu’offre la Pierre de Rosette à Champollion. L’intérêt du savant pour la langue copte, qu’il considère comme « la langue égyptienne mêlée de quelques locutions grecques », est aussi un élément essentiel dans la réussite du déchiffrement. Enfin, la parfaite connaissance de l’Égypte et de sa culture par Champollion est le quatrième pilier du déchiffrement, explicité par Stéphane Polis.

De plus, nous voyons comment Champollion a su s’affranchir de la vision symbolique traditionnelle prédominante de cette écriture de manière rationnelle.

Les étapes du déchiffrement à proprement parlé nous sont expliquées à l’aide de sources précieuses que sont les correspondances et écrits de Champollion.

 

Jean-François Champollion, notes sur les couleurs appliquées aux caractères sculptés en grand du règne animal et végétal, manuscrit de la Grammaire égyptienne, 1830-1832.

BNF, Manuscrits, NAF 20320, f. 9

 

C’est en quelque sorte un système, une méthode modèle que crée ainsi Champollion, qu’il applique ensuite à toutes les sources qu’il étudie.

 

Un déchiffrement en cours : le méroïtique par Claude Rilly

Claude Rilly s’intéresse à un aspect du travail de Champollion moins spectaculaire que le déchiffrement des hiéroglyphes, mais encore plus important : le décryptage de la langue égyptienne antique. Le mérotoïque, parlé dans le Soudan Antique et connu par plusieurs milliers de textes, ne dispose pas comme l’égyptien de bilingues (ou de communautés lettrées suffisantes) pour être connu. Le travail doit donc passer par l’utilisation de langues apparentées.

 

Champollion dans la vallée du Nil. L’expédition franco-toscane de 1828-1829 par  Hélène Virenque

Hélène Virenque nous explique le projet de Champollion en 1827 : il se lance dans la préparation d’un « voyage scientifique et littéraire en Égypte » afin de compléter les travaux des savants de la Commission d’Égypte. Nous pouvons suivre l’organisation et le déroulement de l’expédition dans ce chapitre. Champollion en profite pour compléter son Dictionnaire hiéroglyphique ou sa chronologie des dynasties. Ses relevés sont transcrits dans ce chapitre.

 

« Pour copier les millions et millions d’hiéroglyphes » par Sylvie Aubenas

L’invention de la photographie au XIXe siècle a permis de conserver les hiéroglyphes, mais aussi les monuments, égyptiens, de manière définitive et totalement fidèle. Les « savants photographes » se sont intéressés l’ensemble de la civilisation égyptienne antique.

 

Exposer, enseigner, missionner. Premières institutions liées à l’égyptologie en France, 1795-1877 par Éric Gady

Éric Gady s’intéresse aux étapes qui ont abouti à la mise en place des premières institutions égyptologiques en France. L’auteur nous montre le rôle déterminant de la période révolutionnaire dans la création des premiers musées archéologiques, et en particulier la Bibliothèque nationale en tant que pionnier avec la découverte de Champollion. Le Louvre quant à lui devient en 1827 LE musée égyptien de Paris.

Éric Gady nous présente le rôle prépondérant de Champollion dans la mise en place de ces institutions. Celui-ci meurt vite et sans successeur direct, mais les institutions d’égyptologie sont bien en place.

 

Quand Champollion découvre les collections d’antiquités égyptiennes de la Bibliothèque par Vanessa Desclaux

Vanessa Desclaux nous donne à voir le muséum des Antiques, ouvert en 1795, fréquenté par Champollion, et ses œuvres. « La bibliothèque » comprend de nombreuses œuvres égyptiennes, utiles au travail de l’égyptologue. Ce chapitre vient en quelque sorte en complément avec le précédent : ainsi, on y vit la concurrence progressive que représente le Louvre pour la Bibliothèque en ce qui concerne l’égyptologie.

 

Les frères Champollion à la Bibliothèque par Vanessa Desclaux

Vanessa Desclaux nous montre dans ce chapitre la place prégnante de la Bibliothèque (royale, impériale puis à nouveau royale) dans la vie des deux frères Champollion et dans l’orientalisme en général. Le cadet reprenant le flambeau après le décès prématuré du grand frère.

Ainsi, l’auteur nous montre l’importance des papiers Champollion dans l’histoire des archives orientalistes de la Bibliothèque nationale.

 

Champollion et l’art égyptien par Guillemette Andreu-Lanoë

L’apport de Champollion pour la connaissance de la civilisation égyptienne fut considéré comme un exploit. Le déchiffrement est une étape vers la découverte de l’univers égyptien, même si la mort prématurée de Champollion l’a empêché de mener son projet à son terme.

Cependant, Champollion a permis d’affirmer l’antériorité et l’indépendance de l’art égyptien vis-à-vis de l’art grec.

Nous voyons dans ce chapitre comment Champollion étudie d’abord l’art statuaire égyptien, puis les papyrus avec par exemple la mention dans ses notes d’une caricature égyptienne. Champollion est admiratif de l’art et de l’architecture égyptienne. C’est avec enthousiasme qu’il mène ses recherches en Égypte, et qu’il réunit des milliers d’œuvres égyptiennes en tant que conservateur du musée au Louvre. Il a cherché à y réunir une véritable « encyclopédie » égyptienne. Il s’est donné une mission pédagogique, ouvrant les collections au public. Il ne fut pas seulement le déchiffreur de hiéroglyphes, mais ce fut le premier historien de l’art égyptien.

 

Que reste-t-il de Champollion en Égypte ? par Ola el Aguizy

Ola el Aguizy revient sur le rôle moteur de Champollion dans la préservation du patrimoine de l’Égypte dès le début du XIXème siècle, par ses incitations auprès du pouvoir local.

Champollion, surnommé « l’Égyptien », a créé la première « grammaire de la langue égyptienne ancienne ». Nous voyons dans ce chapitre en quoi ce fut une œuvre monumentale.

La mémoire de Champollion reste vive en Égypte, avec par exemple la rue « Champollion » au Caire.

 

Gérard Macé, Le Dernier des Égyptiens par Guillaume Delaunay

Guillaume Delaunay revient sur Le Dernier des Égyptiens de Gérard Macé, publié en 1988, qui a reçu le prix France Culture en 1989. Le texte poético-critique qui se veut un déchiffrement de Champollion lui-même a plu et a surpris. Macé a cherché à s’approcher au plus près de Champollion, ne se focalisant pas sur le déchiffreur de génie mais sur l’homme lui-même.

 

Champollion et la figure du déchiffreur dans la culture pop par Fabien Bièvre-Perrin et Vincent Chollier

Domaine en vogue, la pop culture fait en quelque sorte exception à l’engouement Champollion. S’il apparait dans Assassin’s Creed Unity (2014), le déchiffreur de génie est peu représenté dans la pop culture. Par contre, Vincent Chollier voit de nombreux héritiers de Champollion dans des personnages tels que Daniel Jackson (Stargate), Lara Croft (Tomb Raider), …

Vincent Chollier nous montre également de quelles façons les personnages de traducteurs dans la pop culture s’inspirent de la figure de Champollion, qui fournit un modèle et une méthode.

 

L’ouvrage se termine par une abondante bibliographie, précédée par une chronologie détaillée de la vie de Champollion, et par une liste non moins détaillée des nombreuses œuvres présentées dans l’ouvrage.

 

Cet ouvrage est richement illustré, à la fois des représentations des « papiers de Champollion » et d’œuvres égyptiennes originales, conservées à la BNF. Ce Livre permet de poursuivre et de diffuser les découvertes de l’exposition. Il balaye un vaste champ sur la figure de Champollion.