L’excellente collection des dossiers d’archéologie propose un hors-série sur les édifices et l’univers du spectacle dans le monde romain.
Le présent numéro débute par une interview de Claire Iselin, directrice de Lugdunum-Musée et théâtres romains, une exposition intitulée « Spectaculaire ! Le divertissement chez les Romains » étant présentée à Lyon. Tirant profit de la parure monumentale de la ville (théâtre, odéon et amphithéâtre), l’exposition propose au visiteur une « plongée » dans le monde du spectacle romain, notamment à l’aide de « boîtes immersives » où sont projetées des reconstitutions en trois dimensions. Claire Iselin (p.6) indique que « trois grands édifices et leurs spectacles sont traités dans l’exposition : l’amphithéâtre, avec les chasses et les combats de gladiateurs ; le cirque, avec les courses de chars, qui étaient peut-être les spectacles les plus populaires, comparables au monde du football contemporain ; le théâtre, avec la comédie et la tragédie ». L’exposition est aussi marquée du souhait de faire le lien entre monde antique et monde contemporain.
Sylvain Forichon (« Les spectacles de l’antiquité romaine et leurs édifices ») précise qu’il existe « approximativement » six grands types de spectacles durant l’antiquité romaine (courses de chars, représentations scéniques, jeux du cirque, venationes (chasses), compétitions gymniques et spectacles aquatiques) et que cinq grands types de bâtiments étaient destinés aux spectacles ( cirque, théâtre, amphithéâtre, stade et odéon). L’auteur indique, en outre (p.12) que « les jeux du cirque et les jeux scéniques devaient permettre d’assurer la pax deorum (la paix avec les dieux), garante de la prospérité de Rome et de son Empire » et que « les spectacles permettaient aussi (et surtout!) à ceux qui les organisaient (…) d’asseoir leur popularité auprès des foules ».
Michèle Villetard (« Le théâtre romain. Spectacles, édifices et usages ») évoque l’architecture des théâtres romains, les différences régionales dans l’agencement de ces édifices dans les différentes régions de l’Empire et le « goût du théâtre » au sein des populations du monde romain. L’auteure écrit (p.15) que « ni théâtre politique comme en Grèce classique, où étaient posés les grands problèmes de la cité, ni théâtre centré sur un texte, le spectacle théâtral romain prend place dans les jeux scéniques, ludi scaenici, à initiative publique selon le calendrier officiel annuel ou à initiative privée ; ils consistent en un rituel codifié et musical, offert aux dieux pour obtenir leur bienveillance et aux hommes pour leur divertissement dans le temps de l’otium (repos loin des affaires) ».
Nuria Nin (« Une découverte spectaculaire. Le théâtre romain d’Aix-en-Provence ») relate la mise au jour du théâtre d’Aix-en-Provence, un édifice de cent mètres de diamètre, et son réemploi à des fins d’habitations.
Fabricia Fauquet (« Le cirque et son architecture ») évoque l’architecture de ces édifices extraordinaires que sont les cirques (« une cinquantaine seulement de cirques sont attestés et localisés à ce jour dans tout l’Empire romain » précise l’auteure page 25), le déroulement des courses de char et la passion romaine pour ces dernières.
Jean-Claude Golvin (« L’amphithéâtre. Une invention architecturale romaine ») s’intéresse aux principes architectoniques de l’amphithéâtre. Il écrit (p.35) que « le véritable amphithéâtre elliptique est un édifice occidental et une invention romaine. Il a été conçu pour répondre aux besoins de spectacles qui n’existaient pas précédemment dans le monde grec, mais ils s’y sont répandus en entraînant l’adaptation d’anciens théâtres ou la conception d’édifices mixtes nouveaux ».
Christophe Belliard, Coralie Garcia Bay et Anne-Marie Jouquand (« Des gladiateurs à Poitiers ») s’intéressent à l’imposant amphithéâtre de Limonum (Poitiers), l’un des plus grands de la province d’Aquitaine. Ils mentionnent également la mise au jour de trois casques en fer de gladiateurs en 1998 et d’un manche de canif en bronze représentant un retiarius et un secutor.
Djamilla Fellague (« Quoi de neuf sur les édifices de spectacle de Lugdunum ? ») évoque le renouvellement des connaissances sur les édifices de spectacle de Lyon notamment par l’utilisation des archives, l’analyse des vestiges et celle d’artefacts.
Un intéressant porte-folio présente de nombreux artefacts en lien avec la gladiature, des pages 44 à 49.
Sophie Madeleine (« De la musique pendant les combats. L’orgue hydraulique à l’amphithéâtre ») propose un article sur les orgues hydrauliques, leur principe de fonctionnement et leur utilisation durant les spectacles.
Hélène Ménard (« Le spectacle de la justice. Quand les criminels étaient exécutés dans l’arène ») se penche sur le sort des condamnés mis à mort dans l’arène en étant dévorés par des animaux, ce triste sort étant réservé aux « couches inférieures » de la société.
Anne Berlan-Bajard (« Les naumachies et autres spectacles aquatiques du monde romain ») évoque les naumachies, c’est à dire les reconstitutions de combats navals, spectacle inventé par César. L’empereur Claude organisa une naumachie engageant 19000 hommes et 50 navires et les sources ne mentionnent plus de naumachie après le règne de Trajan. Le goût pour les spectacles aquatiques se maintient toutefois jusqu’à la fin de l’Empire romain.
Jean-Paul Thuillier (« Folles passions au cirque ») note qu’à de rares exceptions près, « tous les Romains éprouvaient (…) une passion dévorante, sans limites pour les jeux du cirque et les courses de chars en particulier (p.61) ». Les supporters contemporains de clubs de football n’ont rien à envier à ceux des factions de courses de chars durant l’antiquité romaine nous fait comprendre l’auteur…
Emmanuelle Rosso et Alexandre Vincent (« A l’écoute du théâtre (vraiment) antique d’Orange ») évoquent une expérience archéoacoustique menée sur le théâtre d’Orange. Entre autres conclusions, les auteurs de l’article indiquent que « plus le théâtre était plein, meilleure était la perception de la voix (p.67) ».
Enfin, Armande Cernuschi, Gaëlle Desgouttes et Marie-Hélène Garelli (« Comment retrouver les spectacles d’hier ? L’exemple de la pantomime ») s’intéressent à la pantomime, spectacle dont la place est importante au sein des arts dramatiques à Rome. Les auteures mentionnent également la réalisation d’un costume de pantomime issue d’un travail de restitution et la réalisation d’un spectacle à partir du mythe d’Arachné.
Un numéro des dossiers d’archéologie pouvant constituer un précieux auxiliaire dans le cadre de séquences consacrées au monde romain.
Grégoire Masson