L’histoire de la France à la coupe du monde de football est marquée par de nombreux événements marquants. Au-delà du drame collectif qu’a représenté Séville 82, de son opposé total qu’a été la victoire à l’édition de 1998, la France a laissé une empreinte encore plus profonde et parfois méconnue. A l’origine de ce tournoi, un Français Jules Rimet, ancien président de la FIFA, qui a donné son nom au trophée donné au vainqueur jusqu’au troisième sacre du Brésil en 1970. C’est aussi la France qui a inauguré la première édition en 1930. Dans ce match face au Mexique, disputé sous la neige à Montevidéo, c’est un Français, Lucien Laurent, qui marque l’Histoire en devenant le premier buteur de la compétition.

Pourquoi démarrer ce compte-rendu par cela? Tout simplement parce que le capitaine de cette équipe de France, c’est Alexandre Villaplane, l’homme au centre de cet ouvrage. C’est un personnage incontournable du football français de cette époque, un homme qui fait parler dans la presse, tant par son talent que par ses aventures hors football, et donc qui alimente les gazettes. C’est aujourd’hui un homme qui a complètement disparu des archives du football français.

Alexandre Villaplane est un enfant de l’Algérie française. Il est remarqué à son adolescence pour ses talents de footballeurs et finit par être envoyé en métropole, d’abord à Sète, puis à Vergèze, avant d’écumer de nombreux autres clubs, plus ou moins performants, dans un championnat de France de football qui se professionnalise lentement à cette époque. Fin des années 20, malgré un rendement de moins en moins régulier et performant, il est intégré à l’équipe de France et en devient le capitaine. C’est lui qui mènera la « fantastique » préparation de cette équipe à la coupe du monde, sur les transats du bateau qui vogue vers l’Uruguay. Une préparation fantasque à l’image de cet homme, dont l’histoire a été narrée à de multiples reprises.

Si ce livre est si passionnant, c’est tout simplement parce que nous sommes entraînés dans un destin que rien, absolument rien, ne prédestinait à finir dans l’épouvantable et le tragique. C’est un garçon talentueux et charismatique, peu travailleur, amateur de femmes, de sorties et d’alcool, dont la vie semble lui échapper au fil des années. Sans que rien, jamais, ne laisse envisager de tels bouleversement une fois la guerre éclatée et la France défaite.

Luc Briand nous décrit de manière très vivante ce parcours marqué par des addictions aux jeux et aux courses hippiques, cette fascination pour le monde du petit banditisme. Monde qui va le trouver une fois Alexandre Villaplane endetté. Attiré par l’argent, fasciné par la notoriété, Alexandre Villaplane succombe aux paris truqués, à l’amateurisme marron que pratiquent de nombreux clubs à l’époque. Cet amateurisme marron est une des manières dont les clubs de l’époque, censés être amateurs, payent leurs joueurs stars pour s’assurer leurs services. Villaplane, malheureusement pour lui, tient un bar ou devient croupier. Autant de risques de céder à la tentation.

Ce qui fascine le plus est évidemment, c’est le basculement entre le milieu du petit voire moyen banditisme à la Gestapo et à sa naturalisation allemande. Cet engrange paraît tellement surréaliste… Il semble être une affaire plus de circonstances que de convictions. Du trafic d’or sous l’occupation aux massacres de maquisards, la vie d’Alexandre Villaplane est celle d’une fuite en avant continue, d’une recherche de la survie et de la magouille permanente.

L’ouvrage ne cherche pas à réhabiliter un tel personnage. C’est le récit d’un parcours de vie hors du commun, parfaitement raconté et mis en scène. L’auteur s’est appuyé sur des archives solides, notamment l’interview d’un jeune résistant que Villaplane a tenu en joue en 44, mais aussi les archives de la police judiciaire à Paris. Le livre se dévore car il est à l’image de la folle chevauchée de son antagoniste principal. Pour compléter sa lecture, il est vivement conseillé d’écouter en podcast l’interview passionnante qu’a donnée Luc Briand à l’After Foot, émission de la radio RMC.

Présentation du livre sur le site de l’éditeur 

« Le football des années 1920 a un nom : celui d’Alexandre Villaplane, un gamin des quartiers populaires d’Alger que l’« amateurisme marron », le faux amateurisme, a happé et conduit vers la gloire en métropole. Shooteur de classe, inventeur de gestes techniques audacieux, le jeune joueur régale le public français, qui se masse bientôt dans les stades pour le voir évoluer avec les plus grands clubs du moment, puis dans l’équipe de France dont, en 1930, il devient capitaine lors de la première Coupe du monde de l’histoire. Après cette consécration vient la dérive d’un homme seul et avide d’argent vers les bas-fonds et les trafics minables. Puis la chute et l’ignominie lorsque, pendant l’Occupation, il rejoint la Gestapo française de la rue Lauriston. Devenu allemand, il achève son parcours comme officier nazi, traître et tortionnaire de ses anciens compatriotes. Il sera exécuté à la Libération. Alexandre Villaplane est la légende noire du football français. »

Présentation de l’auteur dans le dossier de presse

Luc Briand est magistrat. Il a publié « La revanche de la guillotine, l’affaire Carein » chez Plein Jour en 2018, largement salué dans la presse.