Le Débarquement est une des grandes journées de l’histoire. Il est aussi, et sans doute pour cette même raison, victime de mythes qui l’enveloppent. Olivier Wieviorka, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et auteur notamment de «  L’histoire totale de la Seconde Guerre mondiale » en 2023, s’arrête dans cet ouvrage sur cet évènement clé. On a, par exemple, trop longtemps parlé de la volonté absolue de se battre de la part des soldats étatsuniens pour la démocratie alors que plusieurs chiffres contredisent cette image. C’est d’abord une opération guerrière plutôt qu’une croisade et elle ne fut pas que succès.

Une approche par plusieurs médias

Olivier Wieviorka précise bien que le texte de cet ouvrage a été largement repris de son ouvrage de 2007, qui a certes été complété, mais sans que cela apporte de changements majeurs selon les propres mots de l’auteur. Il souligne que l’infographie est utilisée pour présenter de manière frappante des réalités parfois difficiles à transcrire en discours. On peut admettre ce point de vue, mais résumer l’ouvrage par l’infographie dans son titre, alors qu’il offre de très nombreuses photographies, est un peu étrange.

Veillée d’armes

L’ouvrage commence par faire le point de la situation au 1 er juin 1944 où on remarque que 60 % des divisions allemandes combattent alors sur le front de l’Est. Si le Débarquement se pare rétrospectivement du charme de l’évidence, ni sa conception, ni sa réalisation ne s’imposaient aux yeux de certains dirigeants alliés, à commencer par Churchill. Ce dernier plaidait pour une stratégie méditerranéenne et pour affronter l’Allemagne d’abord sur ses points faibles. Parmi les premières infographies, une montre la manne américaine vers l’URSS à savoir notamment 400 000 Jeeps ou encore 4,5 millions de tonnes de denrées alimentaires. Par ailleurs, entre décembre 1943 et mai 1944, deux divisions débarquèrent tous les mois ainsi que six millions de tonnes de matériel.

Le plan

Une infographie détaille le déploiement des troupes au sol le 6 juin 1944. Il faut bien mesurer aussi que chaque arme fixait ses conditions : la marine exigeait des vents de surface inférieur à 8 à 12 miles par heure sur rivage tandis que l’aviation demandait un plafond de 1 000 pieds pour ses chasseurs. L’historien Terry Coop résume par la formule : « chacun exprimait sa confiance dans la réussite de l’opération ; chacun craignait qu’elle échoue ». Eisenhower eut, entre autres mérites, celui d’arriver à faire fonctionner ensemble des chefs militaires sourcilleux de leurs prérogatives. Il était un brillant logisticien, mais pas un homme de terrain.

Entrainements et bombardements

Les Etats-Unis ont construit un centre dans le Devon pour entrainer les soldats à débarquer et à s’emparer de positions fortifiées. Le Jour J, 76 200 tonnes de bombes avaient été larguées dont 71 000 tombèrent sur les centres ferroviaires. 503 000 tonnes de bombes tombèrent sur l’hexagone en 1944. Pour égarer les Allemands sur le lieu du Débarquement, les Alliés construisirent de faux navires, de faux tanks. Le livre détaille aussi les défenses allemandes disposées pour enrayer le Débarquement des Alliés, dont celles qui furent surnommées  « les asperges de Rommel ».

Une entrée pour les acteurs du Débarquement

Plusieurs portraits parsèment l’ouvrage avec les incontournables comme Churchill, Staline, Roosevelt, Hitler ou De Gaulle. Un portrait du personnage est proposé page de gauche, avant des éléments de biographie à droite avec des citations du personnage concerné. Parmi les autres acteurs qui ont droit à une entrée, on peut citer Rommel ou encore Montgomery ou Gerd Von Rundstedt, chef du haut commandement de l’Ouest.

Ils arrivent

Les soldats reçoivent dix comprimés contre le mal de mer et un bon repas avant de débarquer. Embarquer d’abord autant d’hommes avant de les faire débarquer nécessita un mécanisme d’horloger. Là où l’infographie permet effectivement de montrer facilement ce qui serait fastidieux à décrire, c’est comme à la page 102 avec la composition d’une barque d’assaut. Alors que les Etats-majors avaient prévu 25 000 victimes à l’issue du premier jour du Débarquement, il y en eut en réalité 10 000. Beaucoup de soldats périrent noyés et majoritairement provenant des Etats-Unis. Globalement donc, le Débarquement ne fut pas un bain de sang, sauf à Omaha surnommée « bloody Omaha ». Il faut également mesurer le fait que le Débarquement ne constituait qu’une condition nécessaire, et non suffisante, de la réussite d’Overlord. Du côté allemand, un tel front réclamait quotidiennement 1 000 tonnes de munitions et autant de carburant ainsi que 250 tonnes de vivres que l’intendance ne pouvait plus assurer. Du côté des Alliés, les progrès de la médecine évitèrent que les maladies ou les blessures débouchent inéluctablement sur la mort.

Percée

La dernière partie détaille les différentes opérations et les avancées plus ou moins rapides après le Débarquement. On trouvera ainsi une approche de l’opération Cobra mais aussi une carte sur la Libération de la France du 6 juin 1944 au 2 février 1945. La Normandie reçut une pluie de bombes. 20 000 Normands, dont 14 000 en Basse Normandie, décèdèrent sous les bombes dont la moitié en raison de la campagne menée entre le 6 et le 15 juin. Plusieurs villes furent détruites comme Saint-Lô à près de 77 %. Plusieurs pages sont évidemment consacrées au rôle de la résistance et à la France martyre. Le livre évoque enfin la libération particulière de Paris et dans un chapitre intitulé « postérités » dresse le bilan détaillé du Débarquement et de la bataille de Normandie.

Cet ouvrage offre donc une synthèse très visuelle et très complète sur cet évènement majeur. Les photographies nombreuses qui parsèment l’ouvrage humanisent ce qui aurait paru un peu froid uniquement traité par de l’infographie.