Le déclin de l’Empire romain, petit ouvrage paru dans la collection Que sais-je ? aux Presses universitaires de France, a été rédigé par Joël Schmidt, écrivain, journaliste mais aussi historien en particulier de l’antiquité romaine. Cet auteur est notamment connu pour avoir rédigé plusieurs ouvrages sur la mythologie greco-romaine. Au travers de cette synthèse, divisée en sept chapitres, il nous invite à comprendre ce que fut la fin de l’Empire romain.
L’auteur commence par montrer que le déclin de l’empire est à recontextualiser dans le règne de quelques hommes. Ce sont Marc-Aurèle et Commode qui sont visés ici, car le premier, s’il fut un très grand empereur, aux prises avec les premières invasions barbares, fut peu lucide sur le choix de son entourage, et par conséquent sur le choix de son successeur. Le second, qui laisse le souvenir d’un empereur cruel, délaissa le pouvoir à des courtisans, préférant s’adonner à d’autres activités que la gouvernance de l’empire.
L’auteur poursuit sa réflexion en démontrant que la crise du IIIe siècle est en fait une accumulation de différentes crises, climatique, démographique, des élites, économique, sociale, militaire et intellectuelle qui secouèrent l’empire au point de laisser penser que Rome entrait alors dans une phase de déclin irréversible.
Par conséquent et à partir du IIIe siècle, l’empire romain semble menacé à la fois à ses frontières mais aussi dans son fonctionnement interne. L’auteur met en évidence une concurrence naissante entre les parties occidentale et orientale de l’empire. Désormais beaucoup d’empereurs sont orientaux, mais certains sont véritablement incompétents pour diriger l’empire : c’est notamment le cas de Valérien qui fut prisonnier des Perses, une première dans l’histoire impériale de Rome. C’est également dans cet Orient que les premiers chrétiens posèrent quelques difficultés au pouvoir impérial, pour deux raisons essentielles : ils ne reconnaissaient pas le culte impérial et refusaient de s’engager dans l’armée. Certains empereurs tentèrent de trouver des solutions pour sortir d’une crise institutionnelle au moment où une partie du peuple romain ne voyait plus chez eux que des personnes incompétentes à diriger l’empire. C’est le cas d’Aurélien qui chercha à contrer la progression du nombre de chrétiens en introduisant le culte de Mithra et en le mettant en concurrence avec le Dieu unique des chrétiens. Aurélien permit ainsi à ses soldats d’espérer une vie éternelle après la mort. Dioclétien quant à lui tenta l’expérience originale de la Tétrarchie, qui divisa l’empire en quatre régions, chacune dirigée par un empereur. Cependant, ce nouveau système institutionnel montra ses limites car les jalousies envenimèrent les relations entre les différents empereurs.
Pour l’auteur, le règne de Constantin ouvre une période de renouveau. En 313, l’édit de Milan consacra la reconnaissance du christianisme dans tout l’empire. Cette décision fit suite à l’épisode de la vision du Chrisme apparu en songe à Constantin la veille de la bataille décisive contre Maxence au bord du Tibre. C’est aussi sous son règne que fut fondée au Levant une nouvelle Rome, Constantinople, pour faire face aux différentes difficultés que connaissait la partie orientale de l’empire. Enfin, le règne de Constantin permit une renaissance intellectuelle et artistique. Malgré tout, moins d’un demi-siècle plus tard, l’empereur Julien permit le retour du culte des anciens dieux. Il pensait que le paganisme comportait des éléments fédérateurs, car les barbares christianisés avaient adopté l’hérésie arienne. Julien se demanda d’ailleurs si les anciens dieux n’étaient pas en train de se venger et de provoquer des calamités sur l’ensemble de l’empire. Toutefois, cet épisode fut assez court, car dès le règne de Théodose, le christianisme devint religion d’État. Le sac de Rome en 410 par Alaric, roi des Wisigoths, semble marquer de prime abord un tournant dans le déclin de Rome. La ville n’avait pas été assiégée depuis Brennus et l’épisode des oies du Capitole en 389 avant notre ère. Toutefois, l’auteur se demande si les contemporains eurent conscience du déclin de la ville de Rome, alors même que l’empereur Honorius la quittait pour s’installer à Ravenne qu’il trouvait alors plus sécurisante. Dans un poème rédigé par le Gaulois Rutilius Namatianus au moment même du sac de Rome en 410, l’idée de déclin ou de chute de Rome n’est pas abordée. De même, lorsque Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont, fit l’éloge de Majorien en 467, il ne percevait pas le déclin de la ville, mais la considérait comme une ville éternelle. Toutefois, il avait conscience que la ville connaissait des difficultés notamment dans le panégyrique qu’il écrivit pour Avitius, empereur en 455 qui n’a régné que deux années.
Le chapitre suivant insiste sur un empire romain qui peu à peu se transforma en un empire chrétien. Saint Augustin pensait que Dieu avait envoyé des barbares comme les Wisigoths d’Alaric pour purifier la ville de Rome. Pour l’auteur, Saint Augustin avait compris qu’il vivait une époque de changements et qu’un nouveau monde était en train d’éclore, mais encore une fois dans les structures de l’Empire romain. Le christianisme passait donc pour être le protecteur de la civilisation romaine. Les deux universalismes, de la ville et du christianisme, se sont donc confondus après une période d’opposition, Romains et Chrétiens sont devenus des synonymes. Le Pape Léon Ier, au milieu du Ve siècle, estimait que Rome continuait de diriger le monde mais désormais par l’intermédiaire du christianisme. Cette même idée fut reprise au VIe siècle par Grégoire Ier. Pour eux, il n’y eut donc pas de chute de Rome mais une continuité.
Enfin et avant de conclure son ouvrage, l’auteur présente les héritages de la civilisation romaine dans différents domaines, que ce soit au travers du latin, du syncrétisme avec le culte des saints, de droit romain, de modèle familial, des sciences, des lettres, etc. Il montre également la persistance de cet empire romain au travers d’entités politiques comme l’Empire romain d’Orient ou encore le Saint-Empire germanique mais aussi sous des aspects culturels comme la Renaissance italienne ou encore l’apparition de la mode « romaine » pendant la Révolution française.
Pour terminer, ce petit ouvrage, relativement aisé à lire, permet de comprendre de façon simple et synthétique le déclin de Rome et d’en appréhender les causes.