Dans la recension des deux premiers volumes, on avait déjà dit tout le bien que l’on pensait de la série qui s’ouvre dans la collection « Dupuis Jeunesse » : Le Fil de l’Histoire racontée par Ariane et Nino. Un autre ouvrage a paru en même temps, consacré aux Gaulois, qui vient compléter ce qui peut constituer une petite encyclopédie historique à l’usage des enfants de plus de huit ansEn réalité, l’intérêt commence avant, si j’en juge par l’expérience de mes enfants. Le seul critère qui vaille est celui de la curiosité..

Comme d’habitude, avec cette série, on entre dans le récit par un prétexte : ici, Ariane et Nino vont à la recherche de leurs ancêtres, motivés par la découverte d’une photographie de leur arrière-grand-père. Les auteurs ne se contentent pas des clichés. Ils amènent à comprendre pourquoi il y a différentes appellations pour qualifier les peuples gaulois (Celtes, Galates, et donc Gaulois), les raisons de la victoire romaine, l’assimilation qui conduit à l’émergence d’une civilisation gallo-romaine… La redécouverte du Gaulois à partir du XVIIIe s. et surtout au XIXe s. est abordée, pour des motifs nationalistes. On ne cache rien du peu de connaissances que l’on a des Gaulois avant l’intrusion romaine, et de l’importance de l’apport de l’archéologie pour pouvoir se départir de la vision subjective induite par les textes grecs et romains. Ainsi, le jeune lecteur apprendra également que la société gauloise n’est pas formée que de combattants, que la paysannerie et l’artisanat utilisent des techniques très en avance, ce qui fait des Gaulois des producteurs dont le travail est recherché par d’autres peuples, ce qui induit d’importantes relations commerciales. Pour autant, leur héritage culturel reste prégnant, au travers d’outils encore en usage (la faux, etc.), des toponymes et d’une part du vocabulaire employé aujourd’hui. Surtout, Ariane et Nino finissent par arriver à l’idée selon laquelle l’identité française ne repose pas sur des ancêtres uniques, les Gaulois, mais sur ce qu’ont légué une multitude de peuples : ce sont des migrants successifs qui ont fabriqué la France.

L’ouvrage se conclut par un petit dossier documentaire, qui comprend des biographies (Brennos, Ambiorix, Diviciacos, Vercingétorix), un point sur la guerre des Gaules, un croquis cartographique (avec les frontières actuelles) permettrant de situer quelques peuples, une chronologie. Enfin, les auteurs tordent le cou à quelques légendes : le coq gaulois, des casques ailés, l’ascendance troyenne…

On le voit, le récit s’appuie sur les principaux apports de l’historiographie. L’album apporte les éléments nécessaires pour que de jeunes lecteurs puissent avoir un recul critique vis-à-vis des représentations telles que celles que l’on voit dans Astérix. Cependant, les dessins ne présentent pas toujours le même souci, ce qui risque d’amoindrir (très relativement) les intentions du scénario. On voit ainsi un Vercingétorix semblable à sa statue d’Alésia ; Brennos est affublé d’un casque tel qu’on en voit sur les paquets de Gauloises (on parle des cigarettes). La moustache est de rigueur, alors que la numismatique montre au contraire des chefs imberbes, semblables aux souverains grecs : cela ne prouve rien, sinon les relations entre les peuples gaulois et le monde grec.

Il n’en reste pas moins que cet album confirme à quel point la série doit figurer dans les bibliothèques scolaires, à disposition des jeunes élèves. Sous une forme attrayante (et réussie), elle sera un appui solide sur lequel pourra se bâtir une véritable culture historique et se développer le sens critique. On avait oublié de dire que cette série vient compléter les intentions de L’Histoire dessinée de la France, chez un autre éditeur, chacune s’adressant à un public différent. On ne soulignera jamais assez le bien-fondé de ces deux initiatives, qui visent à mettre à disposition du plus grand nombre les apports historiographiques les plus récents : c’est l’une des conditions essentielles de la construction d’un citoyen autonome et critique.

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Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes