Dans ce deuxième volume du manhua (en quatre volets) Le fils de Taïwan, on retrouve Kunlin Tsai durant ses dix années de sa détention sur « l’île Verte ».

Arrêté durant la Terreur blanche en septembre 1950 pour avoir simplement fait partie d’un club de lecture, il est condamné, après des aveux obtenus sous la torture, pour « participation à une organisation subversive » et « distribution de tracts pour des traîtres (il s’agit du chef d’inculpation officiel. Le fils de Taïwan, dont le premier tome a déjà été chroniqué, a une dimension biographique et présente le parcours de vie de Kunlin Tsai) ».

Après avoir été interné dans différents lieux immondes de détention, Kunlin Tsai rejoint le « Centre de formation de l’île Verte ». Plus grand camp de concentration de prisonniers politiques de Taïwan, le camp fut utilisé jusqu’en 1965. Les prisonniers y étaient divisés en trois brigades, également subdivisées en quatre escadrons. Les détenus envoyés sur l’île Verte étaient victimes de sévices fréquents, obligés de travailler dans différents secteurs (Kunlin Tsai se retrouve ainsi maçon, ramasseur de pierres, rattaché à l’entretien du potager ou encore cuisinier) et « rééduqués ».

Les séances de « rééducation morale » comprennent (p.81) « des leçons sur « le testament du père de la patrie », les discours du chef d’État Tchang Kaï-Chek, l’histoire des invasions russes en Chine, « la politique terrienne atroce des bandits communistes », « Le décret de Déduction des loyers des métayers » ainsi que les cours de critique de Mao Zedong ».

Pour survivre, le héros se nourrit de l’exemple que lui fournissent des déportés comme la danseuse Juiyueh Tsai ou le romancier Yang Kuei, de l’amitié qui lui offre d’autres détenus et des quelques livres qu’il est autorisé à lire.

Album aux couleurs sombres, en écho évident à l’absence de liberté du personnage, ce nouveau tome du Fils de Taïwan est une franche réussite qui parvient, sans aucun pathos et avec une très grande force, à présenter la résistance morale d’un homme confronté à un jugement inique et à un régime totalitaire.

En attendant la suite, avec impatience.

Grégoire Masson