Ce livre propose deux conférences prononcées à la BNF en décembre 2018 par Nicholas Herman, intitulée « Le livre en peinture » pour la première, et « Enluminure et illusionnisme » pour la seconde et qui étudient la représentation en peinture du livre à la fin du Moyen-Age et au début de la Renaissance. L’ouvrage s’intéresse plus précisément aux représentations de manuscrits détaillées mais invraisemblables (du point de vue codicologique), qui déclenchent toutefois un « effet de réel ».
Le livre en peinture
L’auteur commence sa démonstration par l’analyse du tableau de Raphaël représentant le pape Léon X où l’on distingue clairement un manuscrit ouvert et donc bien identifié, la Bible Hamilton. Celle-ci donne l’illusion de réalité, car l’artiste a opéré quelques subtiles modifications pour satisfaire les désirs des commanditaires ; ce qui laisse à penser que « la présence de livres dans la peinture relève toujours de la paraphrase ». Dans cette approche de la reproduction de textes calligraphiés à la plume, le peintre propose diverses solutions pour représenter les manuscrits, comme abréger et élargir le texte par exemple. Plutôt que de mettre l’accent sur le rôle du livre, particulièrement dévotionnel, Nicholas Herman veut souligner les stratégies visuelles adoptées par les artistes, amenant à illustrer des significations théologiques complexes. Le livre est dès lors un « attribut éloquent ».
Avant le XVIe siècle, la représentation du livre, comme attribut sacré, ouvert ou fermé, peut contribuer à identifier des figures saintes et donc clarifier l’image peinte qui est donnée à voir. Le développement de l’usage de la peinture à l’huile permettra un meilleur rendu du détail de ces pages incurvées.
L’artiste ne cherche plus à reproduire un véritable manuscrit dans ses moindres détails, il projette des compositions ingénieuses à des fins d’identification de saints, toujours plus nombreux.
La portée symbolique de l’iconographie peut aussi orienter le sens de l’œuvre picturale pour le spectateur. Dans la Madone Durán de Rogier Van der Weyden, l’Enfant parcourt le livre en le feuilletant délibérément à rebours afin de retrouver les prophéties de son propre avènement.
Dans un contexte d’expansion de la classe marchande et de démonstration de piété personnelle, les figures des commanditaires et des donateurs se multiplient dans des scènes sacrées avec des livres enluminés ouverts, pour bien souligner leur comportement de dévotion, comme dans la célèbre mise en abyme de la miniature des Heures de Marie de Bourgogne, où finalement le vraisemblable n’est qu’illusion. La diffusion du modèle de la sacra conversazione au cours du XVe siècle regroupe des figures saintes et favorise aussi la présence de livres dans les peintures. Dans d’autres représentations la Vierge n’est plus solitaire, elle est désormais accompagnée d’une multitude de personnages (voir La Vierge parmi les vierges de Gérard David).
L’auteur s’appuie sur des exemples pris dans les œuvres de Simone Martini, Luca Signorelli, Nicolas Froment, Jean Bourdichon, Jan van Eyck, Quentin Metsys… pour montrer que l’inclusion d’un livre dans une peinture pouvait révéler la sainteté d’un personnage, inciter à la dévotion, ou rappeler la fugacité de la vie.
Enluminure et illusionnisme
Ce chapitre met notamment l’accent sur les motifs floraux dans les marges des manuscrits. Des innovations et l’inventivité picturale se développent entre les scènes principales qui transgressent l’espace du cadre et les bordures, sources de questionnement dans la narration iconographique. Dans cette partie, l’auteur évoque les solutions expérimentées par les enlumineurs.
Le texte de ces conférences est accompagné de 66 illustrations en couleur.