« Un écosystème de compétences multiples », voilà comment Daniel Ergmann présente le marché de l’art (in Les ventes publiques en France. Rapport d’activités 2006). C’est par cette citation que Jean-Marie Schmitt entame ce volume des Etudes de la documentation française en s’interrogeant sur l’opportunité du singulier pour désigner une activité fragmentée et diverse aux territoires dilatés dans le cadre des industries culturelles.

L’objectif de ce volume est de montrer le fonctionnement de cet écosystème complexe qu’est le marché de l’art français, intégré dans l’Union européenne et dans le cadre de la mondialisation. La France se classe parmi les puissances moyennes, y compris en matière culturelle. Force est de constater que si elle a été le centre mondial de la création artistique jusqu’à la moitié du XXème siècle, elle ne l’est plus. On assiste à un effritement relatif du marché français au profit d’une internationalisation du marché après la seconde guerre mondiale. Malgré tout, le pays dispose de ressources et de savoir-faire qu’il doit valoriser. Le potentiel créatif français demeure important même si les artistes français sont trop souvent boudés. Le marché intérieur doit faire l’objet de toutes les attentions car c’est là que se trouve un potentiel de croissance.

La surexploitation médiatique de certaines ventes aux enchères (cf. vente de la collection Berger Saint Laurent en 2009) est sans commune mesure avec le volume des transitions opérées. Tenir la comptabilité des ventes n’est d’ailleurs pas aisé en raison de la multiplication des lieux de vente : ventes aux enchères, galeries, salons, foires, dépôt-vente, brocantes… sans compter les ventes de particuliers à particuliers. Schmitt se risque à une évaluation : entre 3 et 5 milliards d’euros pour ce qui est du marché français (contre 30 à 43 milliards d’euros pour le marché mondial).

Le commerce d’art est un élément de l’attractivité des territoires et de la notoriété des métropoles. Les enjeux symboliques sont importants. Ce n’est pas un phénomène récent : cf. circulation des reliques au Moyen Age, le pillage des biens culturels par les armées, le mécénat… Aujourd’hui l’appropriation d’œuvres d’art est l’une des manifestations de la réussite. Vanité, consommation ostentatoire, signe d’une sociabilisation culturelle sont exploités par les vendeurs. La modeste place de la France tient au fait que jusqu’en 2000, les ventes aux enchères avaient le monopole. Cela limitait les initiatives. Les marchés américain, russe, anglais et chinois viennent le concurrencer de manière significative. Le marché de l’art est passé d’une internationalisation à la mondialisation, qui se traduit aussi par des ventes croissantes sur internet d’œuvres d’art de valeur relativement faible (voir le site : http://www.artprice.com ). Cela a accompagné le passage des beaux arts aux biens culturels (regroupant plus de 200 catégories, voir à ce sujet le site du CVV : http://www.conseildesventes.fr/ ), considérés comme les traces matérielles de la diversité culturelle. Evolution dont témoigne la photographie passée désormais au rang des Beaux Arts.

Jean-Marie Schmitt est juriste. Il a créé avec Françoise Schmitt l’Institut d’études supérieur des arts (Iesa). Le volume est très marqué par les contingences juridiques inhérentes au sujet et au statut du bien artistique. De même, l’ouvrage est très économique. La première partie est de loin la plus intéressante grâce à la présentation générale du marché de l’art français qui en est faite. Le reste de l’ouvrage est trop technique pour une première approche et surtout pour une exploitation du contenu en classe, y compris dans le cadre d’un cours d’histoire des arts.

Copyright Les Clionautes.