Le débat sur les séries télévisées a été très poussé chez les Clionautes comme le montre cette synthèse réalisée il y a quelques temps qui montrait comment produits télévisuels traduisaient les évolutions de la société américaine.

Frédéric Rapilly a étudié le droit à Rennes avant de fréquenter le prestigieux Institut de journalisme Robert Schuman à Bruxelles. C’est donc solidement doté d’un esprit critique qu’il débuta sa carrière à Ouest France puis France 3. Actuellement rédacteur en chef adjoint de Télé 7 jours (environ six millions de lecteurs), Frédéric Rapilly est également un spécialiste reconnu des séries télévisées mais pas seulement. Le domaine musical fait aussi partie de son terrain de chasse (U2, Depeche Mode, Rolling Stones, etc.). Il a par ailleurs été par deux fois co-animateur des European MTV Awards en 2008 et 2009. Surfeur comme Simon Baker alias Patrick Jane le personnage principal de la série « The Mentalist », il a très souvent voyagé en Australie et aux États-Unis. Il a ainsi pu obtenir un accès direct, grâce au comédien ainsi qu’à Bruno Heller, le créateur de cette série en passe de devenir culte, à de nombreuses connaissances issues du milieu du show biz. On peut, par pure curiosité, consulter son blog sur le web où il nous fait part de l’actualité des séries télévisées ainsi que des médias au fil de ses humeurs. Apparue sur nos petits écrans télévisés en janvier 2010, la série « The Mentalist » a aussitôt suscité l’intérêt de Frédéric Rapilly en raison de son fulgurant succès et ce, dès sa première diffusion. Cette série met en scène l’histoire d’un vrai faux médium, Patrick Jane, qui souhaite venger la mort de sa femme et de sa fille assassinées toutes deux par un tueur en série. Il offre donc ses services au CBI (ou Californian Bureau of Investigation), une agence d’Etat fictive dont le quartier général est basé à Sacramento et qui emploie des officiers de police en civil pour résoudre des enquêtes criminelles complexes pour le compte du gouvernement fédéral américain de l’Etat de Californie. Le véritable CBI, dont s’est inspiré le producteur de la série, a fusionné en 2007 avec une autre agence californienne pour devenir le Bureau of Investigation and Intelligence (BII). Tranchant avec les personnages de nombreuses sériées télévisées, notre vrai faux médium n’use pas de ses muscles. Il n’use pas, non plus, de panoplie d’armement digne d’un Rambo. Et encore moins d’un arsenal technique et scientifique qui ne laisse aucune place au moindre doute. Non, au contraire. Tout se joue en finesse et notre personnage principal passe pour docteur ès qualité en mensonges. Il excelle merveilleusement dans l’art de la provocation qu’il parvient à maîtriser avec brio afin de saper le moral du ou des personnes suspectées. Quitte à excéder son entourage dans le cadre d’interrogatoires. Ses méthodes parfois peu orthodoxes sont une aide précieuse pour ses collaborateurs enquêteurs.

ARTICULATION DE LA SÉRIE

L’ouvrage de Frédéric Rapilly s’adresse en priorité aux fans inconditionnels de la série mais pas seulement. Les téléspectateurs qui suivent de façon plus ou moins erratique cette série télévisée et désireuse d’en savoir un peu plus sur ce succès massif le sont tout autant. L’ouvrage se divise en plusieurs chapitres : interviews du producteur et du personnage principal de la série incarnée par Simon Baker, puis nous poursuivons avec sa biographie suivie d’un abécédaire du Mentalist. Enfin, un guide détaillé des différents épisodes nous permet d’avoir une vue d’ensemble des saisons de la série. La genèse de cet ouvrage débute par l’interview de Bruno Heller, le producteur de la série, britannique d’origine. L’auteur réussit à captiver le lecteur dès les premières lignes. Bruno Heller n’en n’est pas à son premier coup de maître. Il est notamment connu pour avoir co-créer HBO, la fameuse Home Box Office, chaîne de télévision à péage américaine qui fait partie du groupe Time Warner et versée dans les tournages à caractère historique comme « Band of brothers » (Frères d’armes – ou l’histoire d’une compagnie de parachutistes américains depuis le débarquement en Normandie jusqu’à la chute de Hitler) ou bien encore la non moins fameuse série historique « Rome » qui eut un vif succès lors de sa diffusion outre-atlantique mais également en Europe. Le domaine de l’écriture n’est pas totalement inconnu pour Bruno Heller puisque son père, Lukas Heller, était un scénariste allemand, expatrié en Angleterre. Sa sœur, Zoé Heller, est quant à elle journaliste et novelliste anglaise très réputée. Il vit avec son épouse et ses deux fils à Los Angeles. Son épouse Miranda Phillips Cowley, est un des vice-présidentes de la chaîne américaine HBO.
C’est par le truchement d’un interview qu’un coin du voile se lève enfin sur les dessous cachés de la série. Le producteur nous explique de quelle manière il a choisi son personnage principal, le style qu’il lui a imaginé, son caractère, ses relations avec les autres membres de la série. Il nous fait part également des nombreux indices qu’il sème au fil des épisodes, véridiques ou trompeurs, afin que le téléspectateur tente d’élucider l’intrigue. Mais il aurait manqué à l’ouvrage de Frédéric Rapilly la pâte nécessaire sans la conférence de presse que nous propose ce dernier. Un tête-à-tête avec le personnage principal de la série, Simon Baker, alias « Patrick Jane ». Cet acteur, australien d’origine et plutôt beau garçon – n’en déplaise à la gente masculine – s’est fait remarqué lors d’un casting pour une publicité. Il enchaîna par la suite avec des téléfilms à l’eau de rose ou encore des feuilletons, puis rejoint l’équipe de la série culte « Hartley, cœurs à vif » dans le rôle d’un séduisant professeur de collège. Il décida ensuite de tenter sa chance à Hollywood, où il est devenu le héros de la série policière « the Guardian », diffusée en France sous le nom du « Protecteur » durant trois saisons. Son épouse Rebecca Riggs est également comédienne. Ensemble ils ont trois enfants et vivent en Californie. Les fans de la série seront à coup sûr ravis de mieux connaître Simon Baker à travers cette biographie de l’auteur qui a agrémenté l’ouvrage de quelques photos de l’acteur…sans doute pour les lectrices féminines. La partie abécédaire quant à elle, semble moins accrocheuse. L’auteur nous propose un éventail de définitions des différents personnages de la série, mais aussi des lieux ainsi que de mots clés. On a donc affaire à une partie beaucoup plus classique, voire un peu sèche mais néanmoins nécessaire pour mieux appréhender le contexte et situer l’espace géographique. Un peu trop en longueur cependant. On reprend finalement goût à la lecture dans une dernière partie plus charpentée avec le guide des épisodes. On nous livre, saison par saison, un petit résumé de l’ensemble des épisodes de la série avec quelques notes qui nous apportent des éléments intéressants pour une meilleure compréhension.

POURQUOI UN TEL SUCCÈS EN FRANCE EN SI PEU DE TEMPS ?

Depuis le début des années 70, les séries américaines se sont multipliées sur nos petits écrans avec un développement accru ces 15 dernières années avec des séries phare comme « Urgences » (série phare du milieu des années 90) par exemple. Elles attirent un nombre grandissant de téléspectateurs grâce à des méthodes bien huilées. Les scénaristes explorent de plus en plus de nouvelles pistes, de sujets de société auxquels le public peut s’identifier. Si l’on prend l’exemple du Mentalist, on remarque que le personnage féminin incarnée par Robin Tunney alias Teresa Lisbon est aussi indispensable qu’indissociable de celui de Patrick Jane. Cet agent spécial est à la tête de l’unité du CBI et c’est une femme, caractéristique plutôt rare dans les séries américaines actuelles. Ce qui prouve bien l’évolution des mentalités et des mœurs, depuis une trentaine d’années, à travers ce type de séries. Les personnages féminins y sont non seulement plus présents, mais chargés de lourdes responsabilités. Mener de front vie familiale et carrière sont des choses courantes. Même si parfois les personnages féminisés du petit écran rencontrent, eux aussi, le fameux « plafond de verre ». Rappelons nous aussi de la non moins fameuse série « Starsky et Hutch », vieille d’une trentaine d’années et dont le chef de la police était issu de la « minorité visible » ? En résumé, les séries cultes sont le simple reflet de notre société actuelle.

L’impact sociologique sur le public est bien réel, on cherche à rassembler un plus grand nombre de téléspectateurs de manière à développer les réseaux aussi bien dans le milieu familial, amical ou encore professionnel. On en parle et on le fait partager autour de soi. Quitte à s’identifier peu ou prou aux principaux personnages. L’arrivée d’Internet est venu également amplifier de manière notoire le phénomène, les séries ont leur propre sites, blogs, où les fans peuvent échanger ensemble et faire circuler la diffusion d’images sur la toile. L’avantage de ces nouvelles séries contrairement à leurs précédentes réside dans le fait que l’on peut suivre et comprendre le fil de l’histoire même si l’on a raté quelques épisodes. La particularité du Mentalist, sa marque de fabrique, font aussi du personnage principal un homme qui n’est pas issu du sérail policier, ni hospitalier comme bien souvent dans ces séries cultes. Après une rationalité sans faille basée sur la science et qui arrive à bout de toutes les énigmes, on touche ici à son opposé. Un domaine vaporeux et irrationnel car basé sur des suppositions, des sentiments, des déductions et donc aux antipodes de notre monde actuel tant dominé par les techniques. En sorte, Patrick Jane est un monsieur tout le monde, plein de bon sens et observateur aguerri. C’est en ce sens que le succès de cette série trouve de l’écho auprès du public américain en premier lieu. Un homme qui n’hésite pas à transgresser les codes, à bousculer les idées reçues. C’est une personne adepte de la non-violence, mais qui combine néanmoins une personnalité complexe, atypique et fascinante. Parangon du héros américain, il ne cache pas ses qualités et ses défauts, ce n’est pas un personnage lisse mais qui, dans l’esprit de la société américaine, laisse à penser que rien n’est insurmontable à force de travail acharné malgré les obstacles qui se dressent. Il a ce côté excentrique qui n’appartient qu’à lui et refuse de suivre les règles établies. Contourner la loi pour mieux la servir ? Selon Pierre Serisier, journaliste et rédacteur d’un blog sur internet dans « Le Monde des Séries », le personnage de Patrick Jane est bien différent des acteurs de séries américaines traditionnelles tout aussi connues. Il joue sur son charme, sa vivacité d’esprit et son côté imprévisible pour séduire et impressionner ses interlocuteurs. La raison du succès du «Mentalist » serait en réalité dû au fait que cette série s’est inspirée de techniques qui simples mais qui fonctionnent et le fait qu’elle explore d’autres domaines inconnus. Simon Baker, interviewé par TF1, nous livre effectivement quelques secrets de fabrication. La série est un mélange savamment concocté de comédie et de drame. Les acteurs n’hésitent pas à pratiquer l’auto-dérision à travers leurs personnages, exercent leur sens critique et désapprobateur, genre qui tranche par rapport aux policiers ultra-professionnels et passés maîtres en sciences physiques ou mathématiques. Le personnage de Patrick Jane en est par conséquent l’anti-thèse ! En parcourant l’ouvrage et notamment le chapitre sur le guide des épisodes du Mentalist, on apprend que les différentes séquences de la série ne sont pas produites par les mêmes scénaristes et réalisateurs. Tous ces professionnels ont déjà à leur actif la réalisation de séries américaines cultes tel que « Grey’s Anatomy », « NCIS », « Medium » ou encore « Dr House ». Leurs talents réunis apportent dont une force conséquente à la série. Les épisodes se suivent mais ne se ressemblent pas afin de ne pas lasser le téléspectateur. Miroir de notre société, où les séries peuvent être assimilées à des produits de consommation, les scénaristes doivent faire preuve de beaucoup d’imagination pour satisfaire le public et le garder en haleine.

En conclusion, « Le Mentalist de A à Z » de Frédérick Rapilly est un bon ouvrage dans son ensemble qui se lit aisément et s’adresse à tout type de public. Il éclaire le téléspectateur assidu sur certains aspects de la série, ses origines, les différents personnages, et apporte aux fans inconditionnels de «Simon Baker » des informations complémentaires le concernant. L’ouvrage ne dévoile cependant en aucun cas le dénouement de la série mais donne des clés pour une meilleure compréhension des épisodes et tente de décrypter le succès du phénomène. Au-delà de l’attrait purement artistique vulgarisé par le petit écran, il faut noter l’explosion, depuis une vingtaine d’années, d’un raz-de-marée de séries dévolues aux forces de police ainsi qu’à leur pendants : recherche scientifique, cellule anti-terroriste, lutte contre le narco-trafic. Le public est de plus en plus friand de ce type de séries policières et scientifiques qui sont parfois déclinables en plusieurs versions, exemple concret avec « les Expert Miami, les Experts Manhattan, ou encore les Experts Las Vegas ». Acteurs différents, villes différentes mais la trame de fond reste identique. Pourquoi une telle attirance pour ce nouveau genre ? La plupart des séries visibles sur nos petits écrans sont américaines et il est d’ailleurs aisé de remarquer qu’elles diffèrent de nos séries françaises ou européennes en général. Leurs scénarios se rapprochent en vérité totalement du mode de vie outre-atlantique et de leurs moeurs et n’hésitent pas à mettre en exergue, avec beaucoup plus de violence et d’adrénaline, une vérité crue et sans ambage des transformations du mode de vie occidental auquel il est confronté depuis une trentaine d’années : familles éclatées ou recomposées. Difficultés économiques, chômage, menaces terroristes, mondialisation et globalisation, crise financière, drogue…Nos scénarios à la française, même s’ils tendent à devenir également de plus en plus violents afin de coller au plus près de la réalité, semblent plus plausibles. Nos acteurs ne sont pas des supers héros. Leurs jeux de rôle sont plus fins et une manière psychologique différente d’aborder et résoudre les problèmes domine. Le téléspectateur français idéalise finalement les personnages dans ces séries américaines, avec une part d’imaginaire qui fait que tout devient possible même l’impensable. C’est en ce sens que la série de Bruno Heller connaît un tel succès et réussit des scores d’audience impressionnants. Les scènes de violence sont également quasi-inexistantes et on peut donc regarder la série en famille. Autre point notable : l’humour. Arme de la dérision mais qui peut, parfois, sortir le personnage de situations très tendues. Reste à savoir si l’audience sera toujours aussi grande d’ici quelques années, le producteur prévoit six saisons au total. Il faudra donc trouver les rebondissements nécessaires afin de garder en haleine les fans.

© Bertrand Lamon