Dans l’actualité du débat sur la réforme territoriale, l’Information Géographique apporte, avec son volume 74, une nouvelle pierre à l’édifice au travers d’une sélection de 6 articles dont une introduction issue d’un plus large séminaire d’étudiants du master Ingénierie de l’Aménagement et du Développement Local de l’Université Paris 7.

Parmi les différentes propositions de la réforme, on note le fort amalgame entre régions et départements, le renforcement du poids des intercommunalité, la réduction de celui des pays. Marie-Vic Ozouf-Marignier met en perspective le débat en notant que ce n’est pas la première fois que la France veut réformer ses structures territoriales mais que la nouveauté est que cette réforme ne semble s’appuyer sur aucun modèle existant. L’occasion de rappeler que la pertinence même des mailles est questionnée et que l’inter-territorialité (Vanier) se présente de plus en plus comme une alternative séduisante.

François Taulelle (Centre Universitaire Champollion de Toulouse) s’interroge en premier lieu sur l’avenir des pays. Symbolisant le développement « par le bas », notamment au plan économique, les pays ont réussi à faire converger les intérêts de l’Etat et des acteurs à l’échelle locale. La couverture quasi totale du territoire national en pays est une preuve de ce succès mais des limites sont à souligner : comment faire vivre un projet évolutif dans un périmètre figé ? Comment redonner de l’élan à la démarche participative des conseils de développement ? Les apports sont cependant nombreux pour l’auteur : le développement d’une ingénierie efficace, la production de documents d’aménagement pertinents, l’articulation avec des programmes européens. Au final, l’échelle du pays reste pertinente mais le canton est toujours prégnant et l’intercommunalité se porte pour le mieux.

Xavier Desjardins (Université de Paris 1) s’intéresse lui au Grand Paris et rappelle qu’une métropole est un échelon tout particulier à gérer. Trois méthodes sont exposées ? La première consiste à modifier les échelons « légitimes » pour participer à la réforme territoriale. Les projets Dallier (fusion des départements de la petite couronne) et Balladur (collectivité spécifique du « Grand Paris ») n’ont pas abouti parce que les élus voyaient leur pouvoir se restreindre et la question a été mal introduite. La seconde méthode est celle du projet fédérateur, à l’image du métro de rocade, ce « grand huit ». Là aussi, l’accueil sceptique s’explique par des problèmes de répartition des compétences, une estimation délicate du trafic potentiel, des déplacements « banlieue-banlieue » échappant au projet ainsi qu’un financement mal éclairci. Enfin, la troisième optique est celle d’une scène, « Paris Métropole », un syndicat mixte d’études. Travaillant sur le logement, les transports et l’intérêt commun, la structure offre une constitution permanente, un budget propre et permet de faire coïncider différentes échelles spatiales. Mais la perte potentielle de pouvoir des élus et les freins de la région ralentissent l’avancée de cette démarche.

Trois contributions internationales permettent de se livrer à la comparaison. Nicolas Douay (Université de Paris 7) explore la piste canadienne. Rappelant trois phases clés dans l’aménagement anglo-saxon (le gouvernement métropolitain à partir des années 1950, le libre choix néolibéral à partir des années 1970 et le régionalisme métropolitain à partir des années 1990), l’auteur détaille les différentes formes de régionalisme à Montréal et montre le fort parallèle existant entre nos intercommunalités françaises et les conseils d’agglomération au Québec, une nouvelle clé du régionalisme. Dans la sphère italienne, Dominique Rivière (Université de Paris 7) précise que le contexte de décentralisation est plus avancé qu’en France et que les tensions entre régions riches et régions pauvres font également partie du débat. Le réseau polynucléaire rendrait-il plus légitime les aires métropolitaines ? La mise en place d’une maille de gestion métropolitaine est pour le moment en suspend en raison de la résistance des échelles en place et de tendances localistes virulentes. Enfin, Olivier Skyes (Université de Liverpool) montre que le Royaume-Uni structure son aménagement territorial entre une « régional Policy » et une « strategic planning » dont l’absence de liens est une limite. La création d’une maille sous-régionale en 2004, les « city-regions » a été essentielle dans la modernisation de la gestion territoriale britannique.