Ce nouvel essai que nous livre le philosophe de l’urbain, comme il se définit lui-même, Thierry Paquot nous replonge « en » enfance, dans la sienne d’abord, un peu dans la nôtre aussi mais également dans celle de nos propres enfants. Depuis plusieurs années, Thierry Paquot réclame un droit à la ville pour les enfants. Ce dernier, depuis peut-être l’industrialisation des villes et l’expansion des aires urbaines, a disparu des rues, est relégué dans les aires de jeu que Paquot appelle des « parking d’enfants ». S’intéresser au pays de l’enfance, c’est s’intéresser aux paysages qui construisent le capital culturel et spatial de l’enfant, c’est s’intéresser au futur des lieux dans lequel ils seront amenés à grandir, à vivre leur vie d’adulte et à élever leurs propres enfants.

            Dans cet ouvrage, le philosophe veut réfléchir aux qualités situationnelle, relationnelle et sensorielle qui caractérisent tout être humain. À la suite de Gaston Bachelard et s’inspirant de la topoanalyse, il conçoit l’enfance comme un lieu, un pays, qui participe à la constitution de notre être le plus profond et le plus sincère. Pour Paquot, l’enfant est à la fois une « chercheur d’hors » et un « faiseur de monde ». Il se construit sa propre expérience dans les différentes frontières proxémiques qu’il franchit en grandissant. Ainsi l’ouvrage est conçu en fonction des différentes « bulles » que l’enfant traverse tout au long de son existence : le ventre de sa mère, sa chambre, sa maison, son école et le monde. Le ou les pays de l’enfance réunissent temporalité et territorialité.

            L’ouvrage de Thierry Paquot est un formidable lieu de synthèse et d’érudition. Le philosophe passe en revue les grandes écoles de la pédagogie nouvelle qui font toutes de l’enfant un auto-apprenant. Plus l’enfant va voir ailleurs, plus il voit s’il y est. Dans une formulation dont il a le secret, il envisageait déjà dans La Ville récréative des « écoles élémentales » et non élémentaires, des écoles dont les connaissances seraient construites sur l’apprentissage autour des quatre éléments fondamentaux : l’eau, la terre, le feu et l’air. Cet enseignement novateur aurait pour méthode de montrer que les quatre éléments sont à la fois complémentaires et dialectiques, chacun apportant sa part de dangerosité et de bienfait.

            La lecture d’un tel ouvrage est rafraichissante et régénérante pour quiconque et peut-être plus particulièrement pour les éducateurs. Sans aucun dogmatisme, l’ouvrage nous rappelle que l’école, la skole au sens grec ancien, est le lieu/le temps pour soi, de la connaissance de soi et des autres. Il rappelle que l’être humain est un être de liaison, qu’il se construit avec et parmi.

            Cet ouvrage inspirant se termine par une balade bibliographique très riche et commentée qui permet au lecteur de butiner encore et encore. Elle tient lieu de dernier chapitre, là où dans nombre d’ouvrages la bibliographie est la partie sacrifiée par le lecteur. Nous invitons donc le lecteur à aller s’y perdre et y trouver de multiples références dignes d’intérêt autant pédagogique, philosophique ou anthropologique.