Le Moyen Orient contemporain fait partie de ces sujets faussement familiers qui, malgré les tensions médiatiques, jouissent toujours d’un fort pouvoir d’intimidation. Or voilà, la question est au programme de l’agrégation et il faudra bien s’y frotter… Rédigé par une équipe de six spécialistes à laquelle s’ajoutent trente-quatre collaborateurs, le manuel des éditions Atlande vient à point pour répondre à une demande qui dépasse le lectorat captif des concours. La question étant inscrite au programme de Terminale et faisant partie des sujets où certains élèves ont des opinions toutes tranchées, le professeur trouvera matière à d’intéressants approfondissements, notamment sur le XIXe siècle finissant.
Organisé selon le plan traditionnel de la collection « Clefs concours », l’ouvrage commence par une introduction et surtout par l’historiographie du sujet, une partie courte mais indispensable. Puis vient la partie « Repères », c’est-à-dire un volumineux parcours chronologique, de 1876 à 1980 (les bornes de la question), sur près de …200 pages. Quatre moments clés sont identifiés : l’offensive des nationalismes et le crépuscule des Empires (1876-1914), la construction des Etats modernes (1914-1948), Israël, le rêve arabe et le jeu des puissances (1948-1967) et le temps des désillusions (1967-1980). Contrairement à ce que certains pouvaient peut-être anticiper, la période postérieure à la Seconde Guerre mondiale ne court que sur une soixantaine de pages. Il ne faut pas cependant en tirer de conclusions hâtives : bien des approfondissements sont en réalité contenus dans la partie suivante, notamment autour de la question de l’Etat. Par ailleurs, cela permet de comprendre la genèse de la quasi-totalité des problématiques du Moyen-Orient.
La facilité aurait commandé de traiter séparément chacune des histoires nationales des pays qui composent la région. On peut donc remercier l’ouvrage de s’être efforcé de privilégier une échelle plus large, sans rien renier de la dimension conflictuelle du sujet. Cela devrait faciliter la problématisation des fiches et les indispensables comparaisons qui agrémenteront les copies.
Assurément, cette partie nécessitera un travail soutenu de la part du candidat, même pour celui qui a des connaissances générales solides sur le sujet. La fréquentation des cartes, à commencer par celles du petit livret liminaire, ainsi qu’une vigilance extrême portée sur l’historiographie sont et seront indispensables.La seconde partie, les « thèmes », permettent un élargissement vers des questions institutionnelles, religieuses, sociales et économiques. Le volet religieux se répartit dans trois parties différentes, dont l’une occupe l’ultime partie du livre, les « Outils ». Là aussi, il faudra au candidat beaucoup de persévérance pour se familiariser avec les institutions, les pratiques et les débats des trois monothéismes mais sans doute trouvera-t-il dans certains passages des contenus stimulants, comme sur la topographie sacrée et sur les lieux de culte partagés. Le volet politique (« Structures, réformes et rouages de l’Etat », « Doctrines et organisations politiques ») complètera utilement la compréhension sur le XXe siècle. Le chapitre « Espaces, frontières et identités », assez inclassable, est à associer avec celui, tout aussi passionnant des « Circulations, exils et mobilités ». Ces deux chapitres confirment la pertinence d’une lecture géographique de la région. Enfin, des chapitres d’histoire sociale et d’histoire économique complètent l’ensemble, sur les mondes ruraux et urbains, les mutations économiques, la démographie, l’éducation et la culture. Quoique traités en fin d’ouvrage, ces éléments ne sont pas secondaires. L’intitulé du programme est suffisamment vague pour ne pas se cantonner à l’habituelle approche politico-religieuse. Beaucoup plus accessibles, ces chapitres seront facilement assimilables par les étudiants.

Ce manuel, comme tous ceux de la collection, se suffit à lui-même. Un candidat qui n’aurait travaillé qu’avec lui, ne saurait en souffrir, notamment à l’écrit. Très précieuses sont les analyses d’ensemble qui permettent de ne pas noyer le sujet sous un fatras de considérations pointillistes, proprement décourageantes pour l’agrégatif. Il faut saluer le bon travail de coordination de l’ensemble qui a limité au strict minimum les répétitions souvent inhérentes aux ouvrages collectifs. C’est d’autant plus remarquable que l’équipe d’auteurs était particulièrement nombreuse. A charge pour le candidat de bien faire les liaisons entre les éléments qui se recoupent et à prendre le recul qui convient. Toutefois, le candidat aura intérêt à fouiller les chapitres qui ne sont pas immédiatement politico-religieux, en exploitant notamment la bibliographie jointe.