Cette collection «idées reçues» qui est désormais très largement présentée dans ces colonnes présente l’immense intérêt d’être accessible tant par le format que par le prix. Cela permet à des centres de documentation d’établissements scolaires de se constituer à bon compte une collection d’ouvrages de référence accessibles sur une foule de domaines, au delà de l’histoire et de la géographie d’ailleurs.
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Cette étude du Moyen-Orient, dont la délimitation géographique est présentée par une carte dès l’ouverture de l’ouvrage, est rédigée par Philippe Droz-Vincent, maître de conférences à Toulouse en sciences politiques et auteur de plusieurs ouvrages comme: Moyen-Orient : pouvoirs autoritaires, sociétés bloquées, PUF, Paris 2004, et de Vertiges de la puissance : le moment américain au Moyen-Orient, La Découverte, Paris, 2007. Coll. Textes à l’appui. Relations internationales – 27 septembre 2007
Dans la première partie, consacrée à Une histoire pesante dans cette région, comporte un encadré fondamental, consacré au passage de l’Empire ottoman à la Turquie moderne. Les interventions européennes visant à dépecer cet homme malade de l’Europe n’ont pas facilité la transition de cet Empire en une série d’États Nations inachevés, nous y reviendrons.
Le Moyen-Orient n’est pas une aire géographique et culturelle cohérente dit-on, et ce n’est pas forcément faux. Si l’Islam est dominant il est aussi multiple et ce moyen-orient dont la délimitation géographique est présentée dès l’introduction est surtout compliqué par la surimposition des États Nations qui ont favorisé la montée de nationalismes spécifiques. À cela il faut ajouter les minorités religieuses, chrétiennes mais aussi des sectes issues de l’Islam qui peuvent parfois s’imposer à la tête des États, comme les Alawites de Syrie.
Le Moyen-Orient, c’est le pays des Mille et une nuits a fasciné depuis les Croisades qui l’ont rendu plus proche. Les occidentaux devraient méditer ce triptyque qui illuste le destin de ce moyen orient. Si l’on reprend les mots arabes, nous avons: Nahda, le relèvement, qui marque la montée des nationalismes sous l’impact de la Révolution française. Baas, la résurrection et Salafiya qui désigne le retour à l’antécédent. Aux fondements de l’islam des origines ce qui nous renvoie au fondamentalisme. Le Proche-Orent se débat entre ces trois écueils.
Les États du Moyen-Orient sont les produits de l’impérialisme occidental dit-on aussi et ce n’est pas faux. les frontières ont été tracées par les européens à partir du démantèlement de l’Empire ottoman après 1918 mais aussi dans le golfe arabique par les Britanniques au XIXe siècle. En détachant par exemple de Koweït du reste de l’Irak.
Certes il est aussi difficile dans cette région de séparer Religion et politique qui ont toujours été liées au Moyen-Orient.
À ce propos, un très intéressant encadré rappelle la trajectoire particulières des bédouins dans ces ensembles où les États se constituaient souvent en cherchant à les contrôler, à moins que ce ne soit le contraire comme en Arabie Saoudite ou en Jordanie.
Des systèmes politiques autoritaires dans une région troublée
Cette idée reçue, « Les pays du Moyen-Orient ne sont gouvernés que par des dictatures. » repose incontestablement sur un fond de vérité. Les régimes arabes ne semblent pas très perméables à la démocratisation qui a touché d’autres continents, y compris l’Afrique avec les récentes élections au Ghana. L’affirmation par les leaders comme Nasser du Peuple, avec sa mobilisation éventuele autour du leader charismatique a vite laissé la place à des régimes s’appuyant sur une armée pléthorique et des services de sécurité omniprésents. De plus, un système dynastique semble se mettre en place. Après les élections triomphales de présidents à vie, les fils se montrent très empressés à reprendre l’héritage de papa, comme Bachir Al Assad et peut-être bientôt le fils de Moubarak, même s’il serait contesté. Mais on disait aussi cela de Bachir en Syrie. Le pays qui serait le plus actif sur le paln politique serait l’Iran, même si la liberté d’expression n’est garantie qu’aux partisans de l’Iran Islamique. Les courants qui s’affrontent le font dans ce cadre, entre modérés et durs avec l’actuel Président.
L’affirmation selon laquelle « Les pays arabes ont toujours cherché à s’unir. » serait bien plus contestable. Nasser a voulu réaliser l’Umma mais la tentative d’Union avec la Syrie a été un fiasco et les multiples tentatives de Khadafi n’ont pas duré plus longtemps que les festivités de la signature de ces traités avec la Tunisie par exemple.
« Les pays du Moyen-Orient sont les ennemis d’Israël. », n’est forcément une évidence. Malgré les affirmatiosn à propos du rôle de la rue arabe, la volonté de Sadate de signer la paix lui a coûté la vie en 1981 mais le régime n’a pas été menacé. Pourtant, il y avait là, avec une partie de l’armée, une possibilité évidente. Mais la population n’a pas bougé et si l’on peut, à l’occasion de manifestations s’enflammer pour les frères de Palestine, cela ne chage pas grand chose pour Israël.
Économies et sociétés : richesses, modernisation et impasses
Cette partie est là aussi riche de préjugés. Le temps du bédouin fainéant et assis sur un tas de pétro dollars qu’il gaspillait est révolu et l’intégration de Dubaï et des autres petits émirats du Golfe montre que les arabes sont aussi de redoutables commerçants, ayant parfaitement intégré les règles du business. La situation est différente dans d’autres pays avec le népotisme et la corruption qui y règnent et qui sont des freins au développement. De la même façon, un secteur public pléthorique, avec des agents de sécurité mal payés qui sont donc aisément corruptibles handicape la modernisation économique.
Si « Le pétrole est une bénédiction pour le Moyen-Orient », il est aussi un malheur par certains aspects. L’Algérie a dilapidé dans l’expérience de l’industrie industrialisante un potentiel considérable et s’est transformée en pays importateur net de matières premières agricoles. De là à justifier cette idée reçue « Au Moyen-Orient, on ne travaille pas » ce que l’auteur dément aisément. Il est vrai cependant que culturellement le rapport au travail est différent de celui que l’on peut trouver en occident ou dans l’Asie sino-confucéenne. Les solidarités familiales sont davantage prédatrices que productives ce qui explique ce désir de fuite vers la petite bureaucratie
d’état permettant le cumul d’autres emplois. Les régimes arabes continuent à subventionner les produits de première nécessité ce qui évite les explosions sociales et la montée des isamistes.
La conclusion de cet ouvrage est également intéressante car elle montre comment la politique étrangère étasunienne qui partait de l’idée que par un jeu de domino la démocrate allais éclore à l’ombre des baïonnettes des Boy’s s’est révélée comme un fiasco. « Des « idées reçues » au « moment américain » ou le Moyen-Orient entre mutations et déstructuration. » évoque bien ce paradoxe. Rien ne peut se faire avec les États-Unis mais rien ne peut se faire sans eux. La fuite en avant d’Israël comme celle du Hamas conforte des évolutions. La demande qui semble émerger d’après l’auteur, et en ce sens, il rejoint le point de vue de Gilles Kepel, dans son dernier ouvrage traité dans ces colonnes, http://www.clionautes.org/?p=2215 s’exprime en direction de l’Europe. Peut-être que la perception de ce sentiment par l’actuelle direction française pourrait ainsi s’expliquer.
Bruno Modica @ Clionautes