Jacques LacoursièreHistorien québécois, disparu en 2021 est surtout un vulgarisateur qui a su séduire le grand public. Coauteur avec Denis Vaugeois du manuel d’histoire Canada-Québec, il fut aussi conteur dans Épopée en Amérique, une histoire populaire et l’auteur d’une : Histoire populaire du Québec en cinq tomes propose une « histoire-récit » centrée sur les événements et les grands personnages.

Des débuts plutôt pénibles

L’histoire « officielle » du Québec commence le 24 juillet 1534 quand l’équipage d’un capitaine malouin Jacques Cartier plante une croix sur la pointe de Gaspé. L’auteur rappelle que biens des marins français, anglais, basques, avant lui avaient pris pied sur le sol nord-américain lors de campagnes de pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve.

Lors du second voyage, il remonte le Saint-Laurent jusqu’à Stadaconé, le premier hiver en terre québécoise fut difficile.

Ce n’est que beaucoup plus tard que les Français envisage de s’établir de façon permanente quand Henri IV envoie Pierre Du Gua de Monts pour soutenir le commerce des fourrures. C’est Samuel de Champlain qui construit une habitation fortifiée sur le site de l’actuelle ville de Québec en juillet 1608. C’est à la fois le début de la colonie et des alliances avec les Amérindiens, avec les Montagnais de Tadoussac dans leur guerre contre les Iroquois.

La ville est d’abord un poste de traite. Devant le développement du commerce avec la France, en 1627 est créée la Compagnie de la Nouvelle-France, ou « Compagnie des cent associés » qui s’engageait, contre le monopole du commerce des fourrures, à envoyer 4 000 colons au cours des 15 années suivantes.

Pour fixer ces premiers colons, une première seigneurie est concédée à Robert Giffard à Beauport en 1634 ; elle préfigure le système d’exploitation de la colonie. L’auteur décrit brièvement le régime seigneurial et les premières implantations religieuses (Récollets puis Jésuites) qui devaient favoriser la conversion des Autochtones.

Cette première époque est marquée par des attaques anglaises (1629-1632) puis iroquoises (décennie 1650) et liées au contrôle de la traite des fourrures ? La Compagnie est au bord de la faillite financière.

Une colonie royale

Louis XIV décide en 1663, sur les conseils de Colbert de mettre la colonie sous son autorité directe. Elle est dirigée par un gouverneur pour la guerre, on lui adjoint un intendant pour les finances. La justice est confiée à un conseil souverain. Face à la menace iroquoise, des troupes sont envoyées depuis la France : le régiment de Carignan-Salières, qui compte 1 200 hommes, débarque à Québec durant l’été 1665. La paix signée, l’intendant Jean Talon qui souhaite que les soldats et officiers s’installent dans la colonie, propose de leur concéder des terres. La population de la colonie augmente, pour rompre un sex-ratio déséquilibré, on organise le voyage des « filles à marier » dotée par le RoiSur ce sujet des « filles du roi », il est possible de se reporte aux études minutieuses de la Société d’histoire des Filles du Roy : Les Filles du Roy pionnières de Montréal ( 2017), Les Filles du Roy pionnières de la seigneurie de La Prairie (2019), Les Filles du Roy pionnières de la seigneurie de Repentigny (2021), Les Filles du Roy – pionnières des seigneuries de Varennes et de Verchères (2022), Les filles du Roy pionnières des seigneuries de la Côte-du-Sud(2022) et le récent numéro de la Revue d’histoire de la Nouvelle- France N°1 : Partir en Nouvelle-France, 2022., 850 arrivèrent de 1663 à 1673. Un édit de 1669 entend punir les célibataires et les mariages tardifs. Malgré cette politique, la population de la colonie reste faible, environ 6700 habitants non-autochtones en 1673, face aux 120 000 habitants de la Nouvelle-Angleterre. Malgré les mesures suggérées par Colbert pour franciser les Autochtones, les Algonquins, les Hurons christianisés, on assiste plutôt à un ensauvagement des colons notamment quand ils pratiquent la traite.

À partir de 1671, des expéditions visent à agrandir la Nouvelle-France au nom du roi vers le sud et l’Ouest alors que les Anglais créent la Compagnie de la Baie d’Hudson. Les voyages visent à ouvrir de nouvelles zones d’exploitation de la fourrure, ; mais aussi à trouver une route vers la Chine. L’auteur rappelle les premières explorations de la vallée du Mississippi et les vives tensions avec les Anglais et les Iroquois durant les années 1690-1700 dans le contexte du conflit européen de la guerre de Succession d’Espagne. Par la paix d’Utrecht, la France perd l’Acadie, Terre-Neuve et la baie d’Hudson et reconnaît le protectorat britannique sur les Iroquois.

Un peuple est né

Ce chapitre est consacré à un tableau de la vie au temps de la Nouvelle-France. L’organisation sociale et la place des institutions religieuses montrent un société plus libre qu’en métropole.

Vers une inexorable conquête

Des fortifications de Québec et Montréal sont entreprises après le traité d’Utrecht. Les expéditions de traite et la recherche d’une route vers la Chine se poursuiventComme celles de Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye.

L’auteur montre les tentatives pour diversifier l’économie de la colonie : recherches minières, dont le fer vers Trois-Rivières puis exploitation forestière sans grand succès. Le nouveau conflit en Europe, la guerre de Succession d’Autriche, est de courte durée, mais la paix semble fragile d’autant qu’en 1755 les Britanniques décident de déporter, surtout en Nouvelle-Angleterre, les Acadiens qui refusent de prêter serment d’allégeance à la couronne.

Dès 1754, avant même le début de la guerre de Sept Ans, des combats opposent Français et Anglais dans la vallée de l’Ohio : « French and Indian War ». L’auteur montre les techniques de guerre et rapporte les moments importants de ce conflit et notamment la bataille des Plaines d’Abraham qui voit la victoire anglaise devant Québec en 1759. Le traité de Paris (10 février 1763) entérine la perte de la Nouvelle-France. Les Britanniques créent une nouvelle colonie : la Province de Québec.

Une difficile cohabitation

Les nouveaux maîtres de la colonie instaurent le « régime militaire », les habitants doivent loger les soldats. Le commerce est en principe libre, mais les importations entre les mains des marchands anglais et la circulation entre les trois gouvernements (Québec, Trois-Rivières, Montréal) nécessite une autorisation. La liberté de culte est accordée à partir de 1763. Les colons qui souhaitent retourner en France le peuvent. La couronne britannique, préoccupée par l’agitation qui commence dans les treize colonies américaines reconnait l’usage des lois civiles françaises pour se concilier ses nouveaux sujets francophones par le « Quebec Act ». Ils furent si non fidèles, au moins neutres dans leur majoritéSur ce sujet, voir Un pays rebelle – La Côte-du-Sud et la guerre de l’Indépendance américaine, Gaston Deschênes, Québec, Editions du Septentrion, 2023, lors de la guerre d’indépendance.

À la fin du XVIIIe siècle, les autorités londoniennes créent des institutions parlementaires dans la Province de Québec. Le terme de « Province of Quebec » disparaît, remplacé par deux toponymes : le Bas-Canada, la partie francophone et le Haut-Canada. L’auteur décrit ces institutions et les différents concernant la langue. C’est une démocratie partielle puisque toute décision de la Chambre d’assemblée doit être approuvée par le Conseil législatif dont les membres sont nommés à vie par les autorités anglaises.

La marche vers l’affrontement

Le contexte : en février 1793, la guerre éclate entre la France et la Grande-Bretagne ; la France menace la colonie anglaise, craignant un soulèvement des francophones, les autorités durcissent leur politique, certains réclament l’anglici­sation du Bas-Canada. La tension entre les deux groupes ethniques prend de l’ampleur comme le montre les échos dans la presse : le Quebec Mercury et Le Canadien. Pourtant, la fidélité des Canadiens-français sera réelle lors de la guerre de 1812 entre les États-Unis et la Grande-Bretagne.

En de début de XIXe siècle, on constate un déclin du commerce des fourrures et le développement de l’exploitation forestière. En matière politique le Parti canadien porte les revendications de la population notamment quand il est question de réunir Bas et Haut Canada en une seule entité administrative. Les tensions électorales (1832), le choléra qui provoque au moins 10 000 morts et une vague d’immigration irlandaise contribuent à envenimer les relations entre Londres et la colonie et provoque la crise de 1837 : l’insurrection des « ceintures fléchées », rapportée en détail.

Vers une nouvelle constitution

Querelle sur le lieu où doit siéger la chambre du Canada-Uni, l’auteur explicite les débats, le rôle des principaux leaders tel Louis-Joseph Papineau. Sur un fond de crise économique et sanitaire (épidémie du typhus en 1847), la situation politique se détériore à propos de l’indemnisation des pertes lors des soulèvements de 1837-1838. La place de l’Église catholique s’est trouvé confortée avec l’immigration irlandaise. Elle se charge de l’enseignement et des services sociaux. Elle s’oppose aux libéraux. Petit à petit, l’idée d’une fédération des colonies anglaises nord-américaines (provinces du Nouveau-Brunswick, de Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et Île-du-Prince-Édouard et des territoires de l’Ouest) avec le Canada prend corps dans les années 1850, renforcée dans le contexte de la guerre de Sécession. L’auteur montre l’évolution qui conduit au British North America Act, en 1867, Ottawa devient la capitale fédérale.

Une province pas comme les autres

La nouvelle constitution ne satisfait pas tous les Canadiens, Le Parti libéral craint pour la langue française et la liberté religieuse, tandis que l’épiscopat menace de sanctions les catholiques qui soutiendraient ce parti.

En 1873, une grave crise économique secoue le pays, le mouvement migratoire vers les villes et vers les États-Unis s’accentue. Dans le même temps, un rapprochement se fait avec la France, notamment en matière culturelle.

L’auteur évoque la crise politique et sociale concernant les métis et les querelles politiques de la fin du siècle. Dans le contexte de la querelle linguistique, le nationalisme québécois est très actif, notamment au sein de l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française, fondée en 1904. Dans le même temps, les ouvriers s’organisent en syndicats.

Sur tous les fronts

Ce chapitre est consacré à la participation au premier conflit mondial. Le corps expéditionnaire représenta environ 35 000 volontaires dès 1914. Londres fait pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il décrète la conscription. Les Québécois ne sont pas favorables à la conscription. Le 11 juin 1917, il est décidé que « Tous les sujets britanniques, âgés de 20 à 45 ans, qui résident au Canada ou y ont résidé depuis le 4 août 1914, sont astreints au service militaire actif. »(p. 156) malgré la position des députés québécois, première manifestation de séparatisme. À la fin de la guerre, le Québec compte entre 8 000 et 14 000 victimes.

L’auteur évoque la législation sur les alcools, les effets de la crise de 1929 (décembre 1932, 30,9 % de la main-d’œuvre syndiquée est au chômage). Pour lutter contre le chômage, on encourage le retour à la terre avec la mise en lots dans de nouvelles régions comme l’Abitibi.

Dès le début de la Seconde Guerre, l’idée d’une conscription est de retour. La conscription est imposée par décret le 23 novembre 1944. Durant les années 1940 le Québec connaît des avancées sociales : droit de vote féminin aux élections provinciales, instruction obligatoire malgré l’opposition du clergé, un projet de plan universel d’assurance-maladie est en chantier. Au plan économique, c’est la nationalisation d’Hydro-Québec.

La naissance d’une société nouvelle

L’après-guerre est marqué par une croissance démographique, grâce aux naissances à une forte immigration.

En politique, l’Union nationale de Maurice Duplessis, au pouvoir depuis août 1944 prône l’autonomie de la province. Le 21 janvier 1948, le drapeau officiel du Québec est adopté. Ses quatre fleurs de lys et sa croix blanche rappellent son origine française. Le climat social est tendu comme le montre la grève dans les mines d’amiante en 1949. L’auteur retrace les combats politiques de la période, marqués par le développement de revendications indépendantistes (l’Alliance laurentienne crée en 1957 par Raymond Barbeau).

Dans les années 1960, les changements économiques et sociaux sont qualifiés de « révolution tranquille » : déclin de la pratique religieuse, amélioration de la situation des femmes (reconnaissance du mariage civil en 1968), réforme du système scolaire.

La querelle autonomiste est relancée par la discours du général De Gaulle (24 juillet 1967) et se concrétise sur la question linguistique. Le Front de libération du Québec kidnappe l’attaché commercial du haut commissariat de la Grande-Bretagne, le 5 octobre 1970 provoquant une sévère répression. Au fil du récit, on croise les hommes politiques canadiens : Jean Lesage, René Lévesque, Robert Bourassa, Pierre Elliott Trudeau.

Une ère d’affrontements

En 1976, l’arrivée au pouvoir du Parti québécois suscite l’inquiétude au niveau fédéral et provoque des tensions entre Québec et Ottawa quand une des mesures du nouveau gouvernement provincial concerne la langue française impose le français comme la seule langue officielle (« loi 101 » ou Charte de la langue française).

Lors du référendum sur l’indépendance, le 20 mai 1980, le Québec vote « non » à 58,2 %. Pourtant, en mars 1981, le Parlement britannique approuve le « Canada Bill » et impose une nouvelle constitution. La crise économique (1982-1983) entraîne des tensions politiques. L’acceptation de cette constitution prend du temps, sans réelle solution.

Dans le même temps, les événements d’Oka mettent en lumière la question autochtone.

« Au début du XXIe siècle, la majorité des Québécois et des Québécoises demeurent divisées sur l’avenir du Québec. », telle est la conclusion de Jacques Lacoursière (p. 210).

Pour parfaire cette édition hommage à Jacques Lacoursière, la Postface de Denis Vaugeois, dresse un portrait de l’auteur et un bilan de sa carrière.

 

Une histoire très classique dans sa conception historiographique qui a, cependant, le mérite de proposer une base claire de l’histoire canadienne.