L’histoire de et par Madeleine Riffaud : la Résistance se raconte sans détour

Dis donc, Rainer… Tu vas enfin l’ouvrir, ta gueule, oui? (…) On doit raconter la vérité, dire comment ça s’est passé… « 

C’est sur cette apostrophe de Raymond Aubrac en 1994 que s’ouvre l’album. Rainer, c’est le nom de Résistance que s’est choisi Madeleine, en hommage au poète Rainer Maria Rilke. Il faudra encore quelques années avant qu’un film (Bande annonce Les 7 vies de Madeleine Riffaud (2020)) puis un projet de bande dessinée voient le jour et fassent le récit de la vie incroyable d’une femme exceptionnelle (Arte Journal : BD : Madeleine, l’esprit de la Résistance (20/08/2021)).

« Si c’était à refaire, je recommencerais, voilà ! »

Madeleine raconte ses souvenirs et tout de suite, on est happé par l’histoire : celle de la vie familiale au début des années 1930 dans la Somme, puis de la guerre qui commence. On ne lit pas cet album comme tant d’autres : on voit avec les yeux de Madeleine, on a l’impression – comme le raconte Jean-David Morvan à la fin du volume – d’être chez Madeleine, en train de feuilleter l’album-photo de sa vie, pendant qu’elle nous raconte son histoire.

Une Résistante de 16 ans

Du sanatorium de Saint Hilaire du Touvet, où elle est en convalescence pour un début de tuberculose, à Paris occupée, où elle entre activement dans la Résistance – elle n’a alors que 16 ans ! – on suit Madeleine au fil de sa mémoire. Dans ce premier tome, on rencontre ainsi Marcel, son premier amour. Mais la vie de Madeleine est marquée par des drames et certaines scènes sont très dures (Exode, agression sexuelle, torture). Avec le recul, Madeleine rectifie certains souvenirs : le prêtre de son village, qui critiquait ouvertement le marché noir et incitait les habitants à ne pas obéir aux réquisitions de l’armée allemande d’occupation, sera déporté à Mauthausen. Le sanatorium où elle passe quelque mois est en fait un haut lieu de Résistance, le directeur y emploie des médecins juifs et fait tourner une imprimerie clandestine.

« Un bleu comparable à celui de la période bleue de Picasso »

Dans la Vidéo accessible par QR Code dans le fascicule d’accompagnement (et disponible sur Youtube), Madeleine compare les tons de bleu utilisés pour cette bande dessinée avec le travail de Picasso (qu’elle a connu). Le travail de colorisation de Dominique Bertail est en effet remarquable et à chaque changement de lieu, un poème de Madeleine ainsi qu’un portrait de la jeune fille ouvrent une nouvelle page. Pas d’encart explicatif, sinon à la fin, où Madeleine précise certains souvenirs (par exemple les poèmes qu’elle a donnés à Claude Roy et qu’il a publiés dans son journal).

La genèse d’un travail à plusieurs mains

L’album se termine par quelques planches expliquant l’origine du projet et c’est passionnant ! Les hésitations de Jean-David Morvan, son enthousiasme, la rencontre avec Madeleine, le travail avec son équipe, tout concourt à faire de cet album un succès. Dans la vidéo, Madeleine annonce qu’il y aura plusieurs volumes. L’éditeur en veut cinq. Cette grande dame tempère : « un ou deux, ça sera déjà pas mal! ». On a hâte de lire la suite de la vie incroyable de Madeleine !

Enfin, les éditions Dupuis mettent à disposition des Fiches pédagogiques par niveau afin d’exploiter la BD en classe. Cet album s’adresse aux élèves du secondaires (à partir de la 3ème) et à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et aux témoignages d’époque : Madeleine n’est pas seulement une grande Résistante, sa vie de journaliste après 1945 l’entraine sur les théâtres de guerre du monde entier.