Voici le bréviaire du sociologue ! En 128 pages, François de Singly (professeur de sociologie à l’université Paris Descartes) présente de manière lumineuse les tenants et les aboutissants d’une enquête par questionnaire.

Sorte de mode d’emploi de cette méthode de recherche, ce petit livre répond à une multitude de questions que peut se poser l’apprenti sociologue ou le géographe au moment de mettre en œuvre ce support de collecte de renseignements. Cette méthode est relativement récente et a bouleversé notre manière de voir la société. Ainsi, l’éducation nationale ne s’était jamais posée la question des inégalités sociales avant la publication des Héritiers de Bourdieu et Passeron dans les années 1960 ! Pour autant, il faut garder à l’esprit que la passation de questionnaires ou de sondages est une méthode artificielle. « Les sondages imposent aux personnes de répondre à des questions que le plus souvent elles ne se posent pas. L’opinion publique est construite. » (p. 11)

Dans le contexte d’une sociologie explicative, le questionnaire est central pour mettre en évidence les raisons objectives des actions (l’entretien est plus approprié pour aborder des raisons subjectives) sans pour autant s’interdire de poser des questions portant sur des aspects subjectifs. La fabrication des questions est la partie la plus difficile de l’élaboration du questionnaire. Il faut que les questions soient non seulement pertinentes mais qu’elles ne soient pas artificielles. Ainsi, dans une enquête sur les loisirs des jeunes, les enquêtés devaient choisir une activité parmi une liste. Aucune place n’avait été laissée pour le temps à ne rien faire, « à glander ». Pour éviter ces travers, la connaissance de la littérature sur le sujet est indispensable. La rencontre (en amont) avec des acteurs à enquêter permet d’élaborer une problématique qui guide ensuite la trame des questions posées.

Le choix de l’échantillon de personnes à interroger est délicat. Vouloir disposer d’un échantillon représentatif est difficile et ne garantit pas la fiabilité de l’enquête. Ainsi, l’ouvrage de Anne-Marie Green (Les adolescents et la musique, EAP, 1986) montre à ses dépens qu’un échantillon représentatif de la société n’est pas une garantie. Cette enquête porte sur les pratiques musicales des jeunes des lycées d’enseignement professionnel. Sous le prétexte qu’elle dispose d’un échantillon représentatif, l’auteure généralise son propos à l’ensemble des jeunes Français alors que « les jeunes de milieu cadre qui sont dans les LEP ne sont pas « représentatifs » des jeunes de ce milieu ». (p. 97) L’échantillon est ce qu’il est. Il faut en être conscient quelque soit la manière dont on use (effet boule de neige ou échantillon représentatif). Les déterminants sociaux (sexe, âge, position sociale, capital scolaire, capital économique, capital santé, cadre familial et identitaire) servent à croiser les données recueillies et à proposer une interprétation. De Singly revient sur les méthodes qui peuvent être mises en œuvre : indice, typologie. Il présente les tableaux croisés et leur mode de fonctionnement à partir d’exemples lumineux (pratiques cinématographiques des étudiants). Le rôle joué par des variables indépendantes, dépendantes ou test est central pour comprendre les facteurs qui influent sur les comportements. On regrettera toutefois que les exemples de cette troisième édition remaniée ne soient pas rapprochés de l’usage de logiciels tels Excel (et de la fonction tableau dynamique croisé) ni des supports en ligne existant (http://www.mon-enquete-enligne.fr par exemple). Car, c’est avec ces outils que se fait la recherche d’aujourd’hui.

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes