Après avoir découvert la collection « Clé pour comprendre » des éditions Quae par le biais des séismes, la Cliothèque s’arrête ici sur le thème de la pollution marine, vaste sujet d’avenir, particulièrement urgent à essayer de solutionner.

Est-ce seulement possible ? C’est dès le titre que les auteurs (François Galgani, chef de projet à l’Ifremer Bastia ; Isabelle Poitou, de l’association Mer Terre et Laurent Colasse de l’association SOS Mal de Seine) posent la question, rejoints par le témoignage pour le moins emblématique de la préfacière Catherine Chabaud, navigatrice confirmant qu’à l’exception, peut-être, des 50èmes hurlants, l’ensemble de la surface marine de la planète est jonchée de ceux qu’on nomme les macro-déchets.

Une très intéressante question, mais seulement posée en 64ème position, relate l’historique de la gestion des déchets par l’homme et permet d’engager le débat : comment en est-on arrivé là et surtout que faire maintenant ?

Définitions et origines

Les macro-déchets peuvent être définis par la négative, en cela ils ne sont ni organiques, si semi-solides. S’ils flottent très souvent, ils peuvent évidemment couler aussi. Ils constituent également une pollution que l’on peut qualifier d’orpheline car le pollueur ne peut pas, ou très difficilement, être identifié.

Si le point de départ de cette pollution massive est à chercher premièrement dans l’augmentation de la masse de déchets en lien avec celle de la population, il faut également regarder du côté de l’une des pires inventions humaines, l’obsolescence programmée, mais aussi des effets de mode et d’un encouragement à la consommation même si la répartition des types de déchets a permis de réduire la part des plastiques et cartons.

D’autres origines humaines, plus indirectes, sont à relater aussi. On peut citer les pertes de chargement : des conteneurs de décharge (seringues, insecticides…) mal arrimés qui polluent d’un seul coup ou, plus généralement, les conteneurs commerciaux, eux aussi mal arrimés car trop légers en vue de minorer la déclaration de poids. Le capitaine peut, lui aussi, décider de jeter des objets par dessus bord en cas de risque de péril du navire.

Paradoxalement, l’origine humaine peut se manifester lors de catastrophes naturelles qui charrient de grandes quantités de déchets (ou allant le devenir), les déplaçant sans le moindre contrôle.

Conséquences et implications spatiales

Les déchets en mer peuvent impacter le milieu (filets « fantômes » qui étranglent plus qu’ils n’étouffent ou qui arrachent la peau des animaux, ingestion de plastiques et même carrément « pêche fantôme » qui génère la mort bien longtemps après la capture involontaire) mais également l’homme lui-même notamment le pêcheur, victime, qui perd du temps à trier les filets, subit des dégâts matériels (collisions, obstructions, enroulement dans les hélices…) tout en souffrant d’un manque à gagner (prises de poissons non faites).

Le géographe pourra raisonner sur ces questions en termes de lieux : le milieu sous-marin augmente la durée de vie du déchet qui n’est pas altéré par la lumière ou l’oxygène, surtout si celui-ci n’est pas, en plus, soumis à des chocs ou à l’abrasion – cas record du verre ; telle mer, davantage fermée, se verra particulièrement touchée par la pollution, les déchets pouvant difficilement s’évacuer vers l’extérieur – cas de la Méditerranée, extrêmement affectée ; tel espace, lui aussi fermé, souffrira de la stagnation des déchets et même de l’usage de produits spécifiques – huiles, peintures, batteries…pour le cas des ports.

Il pourra également réfléchir en termes de mobilités : la fixation d’espèces parasites sur les objets flottants et donc en déplacement entraîne contamination et altération de certains équilibres ; le déplacement sur de longues distances de déchets suite à des désastres naturels pose la question de la responsabilité du fautif : l’exemple du Tsunami du Japon montre qu’après 9 mois, des déchets sont arrivés sur les côtes canadiennes et que les autorités locales ont bien eu du mal à les gérer. Comment savoir d’où ceux-ci proviennent ? En analysant les marques, les langues…le problème apparaît très aigu dans le cas des mers fermées où les courants sont homogènes.

Des solutions

Elles peuvent être nombreuses et se manifester à différentes échelles et surtout à différentes étapes du problème.

La surveillance apparaît difficile du fait de l’aspect mouvant des objets mais des modèles informatiques permettent de suivre, voire d’anticiper la circulation des déchets. Des pistes existent du côté des applications pour smartphone pour signaler la présence de déchets (mais le risque d’informations fausses est à ne pas négliger) ou encore du côté de l’installation de webcams sur les plates-formes pétrolières.

Le travail sur la réduction même du volume de déchets constitue une grosse part du combat et on ne peut qu’apprécier le réel effort ayant été fait au niveau de la baisse importante de la distribution de sachets plastique dans les grandes surfaces.

Ce genre de geste est à accompagner d’un changement dans les pratiques des uns et des autres : acheter des produits contenant moins d’emballages et privilégier les circuits courts, maintenir les espaces propres car les déchets appellent les déchets, adapter la fiscalité (récompenser le dépôt de déchets recyclables au poids par une réduction d’impôt davantage que par une nouvelle taxe qui risquerait de mal passer)…voire même, de manière moins immédiate, imaginer de nouveaux matériaux moins (ou pas!) polluants.

Tout cela doit pouvoir se faire sous l’égide d’acteurs déjà engagés (industriels, associations surtout…) mais pas forcément bien coordonnés entre eux. L’enjeu est donc très politique et comme souvent, le constat de décisions trop tardives et trop frileuses est malheureusement posé.

On appréciera aussi l’analyse des « fausses bonnes idées » à l’image du nettoyage mécanique des plages qui enlève dans la foulée une partie de l’écosystème littoral et donc l’appauvrit.

Conclusion

L’immense majorité de ces 70 questions offre des réponses claires à qui s’interroge sur les tenants et les aboutissants de cette vaste problématique.

On signalera juste que quelques-unes d’entre elles font un peu « doublons » par moments (« Y-a-t-il des déchets mieux acceptés que d’autres ? », « Les déchets font-ils fuir les touristes ? » ou « Pourquoi les déchets sont-ils si peu ragoutants ? » par exemple) et un petit souci de plan (la première partie comptabilise les questions 1 à 16 mais le plan rappelé en fin d’ouvrage inclut la 17ème faisant ainsi perdurer le décalage jusqu’au bout).

Sans être trop nombreux, les documents apparaissent bien sélectionnés et très parlants (photos choc, graphiques et tableaux aux évolutions qui questionnent…) et font bien écho au ton vulgarisateur ici parfaitement employé pour ce genre d’exercice.

Un véritable sujet aux multiples ramifications qui pourra faire l’objet de séquences variées à tous les niveaux d’enseignement et la confirmation, s’il en était besoin, de la grande qualité des écrits proposés par les éditions Quae.