Cet ouvrage réunit de grandes signatures, en géopolitique, sociologie, politologie pour de courts articles très lisibles mais parfois un peu superficiels dans la démonstration, tout à fait accessibles pour des lycéens.

Bertrand Badie définit, en introduction, non pas le populisme mais l’ambition de l’ouvrage : trouver le point commun à travers le temps et l’espace des divers mouvements sur un siècle et demi qui ont mobilisés les foules en réaction à des régimes politiques très divers les Narodniki de 1874 à l’AFD actuelle, du général Boulanger au président Trump.

Genèse

Guy Hermet présente  trois populismes fondateurs du XIXe siècle : Narodniki, boulangisme et People’s Party américain. Il en définit les points communs : rejet des politiques russes de modernisation, des innovations technologiques et crise économique et les différences : actions violentes des activistes russes, charisme du chef avec le général Boulanger ou organisation en parti politique pour les petits fermiers des États-Unis fidèles aux institutions.

Le fascisme, mythologie et politique de la haine, Zeev Sternell évoque la captation des valeurs du libéralisme par le nationalisme. Il montre que ce n’est pas un produit de la guerre en recherchant les traces de cette idéologie dans l’Italie avant-guerre. Il explique les victoires de Mussolini et d’Hitler par une démission des élites et une adhésion populaire. Il analyse brièvement les cas de la France de Vichy.

Populisme liquide dans les démocraties occidentales. C’est sous ce titre étrange que Raphaël Liogier traite des populismes actuels qu’il définit comme emprunt d’une angoisse collective face à la globalisation et une peur de perte d’identité. Il montre la diversité des formes et les contradictions internes en prenant l’exemple du mouvement « Cinq étoiles ». Il utilise le mot liquide pour qualifier ces populismes, des mouvements émotionnels : xénophobes, complotistes, refusant les corps intermédiaires. Il montre ce qui les rapproche des mouvements des années 30 et ce qui les en sépare notamment la flexibilité des idées avec l’exemple du trumpisme.

Dominique Plihon analyse les effets délétères de la crise économique et des politiques d’austérité. Il montre les effets de la mondialisation sur les classes populaires et moyennes des pays développés et récuse l’idée d’une perte de pouvoir des états en rappelant les choix financiers de l’UE. Il analyse la politique protectionniste de Trump.

Sociologie du populisme, François Dubet choisit le cas français. Il analyse le mot « peuple » :

– Peuple des travailleurs, ouvriers, paysans, petits patrons à protéger des « gros, de la concurrence étrangère

– Un peuple culturellement homogène et blanc de tradition catholique

– Un peuple souverain trahit par ses élites.

Pour François Dubet c’est le sentiment d’insécurité sociale qui explique le vote FN dont il donne les caractéristiques économique, sociale, géographique, rurale, des inégalités perçues individuellement et donc moins supportables. L’auteur parle du désordre éclaté des inégalités, générant le sentiment de ne pas être écouté, représenté (p. 61).

Pascal Perrineau traite de l’irruption nationale-populiste. Il analyse la percée lors des dernières élections des partis nationalistes en Europe malgré leur diversité. Il en montre les points communs : rôle du leader charismatique, discours xénophobe, refus de l’ouverture culturelle, perte de confiance envers le système politique de représentation, double clientèle : petite bourgeoise et classe ouvrière touchée par la globalisation ce qui génère des discours parfois contradictoires réclamant à la fois une protection sociale et moins d’impôts.

Marc Ferro conclut cette première partie en analysant les tentations radicales du populisme contemporain. Il part des mutations des années 60 et 70 pour expliquer comment on est passé d’un populisme protestataire à un populisme identitaire qu’il met en parallèle avec la révolution iranienne, la guerre du golfe et Daech. Il s’interroge, en 2018, : va-t-on vers un internationalisme populiste chrétien ?

Des Dénominateurs communs ?

Jean-Claude Monod se demande si le culte du chef est une résurgence. Il rappelle les chefs du XXe siècle (Italie, Allemagne, Chine, URSS) et leur vision totalitaire. Il présente un héritage bien vivant : Xi Jinping, Kim Jong-un décrit de nouvelles formes, à la fois autoritaires et formellement démocratiques avec Poutine, Erdogan, Orbàn ou Trump. Il revient sur l’analyse psychosociale des mécanismes d’identification.

Philippe Riutort étudie les techniques de propagande gestion des imaginaires en évoquant la « guerre idéologique » qui vise à cliver l’espace politique, non plus convaincre mais délimiter le bien du mal. Il présente quelques exemples : Soros présenté comme ennemi de la nation hongroise par Orbàn ou le contrôle des médias en Turquie ou en Russie, jusqu’à l’instrumentalisation des nouvelles technologie (élections américaines) et l’usage de la communication directe du chef avec le peuple (Trump et ses twits).

Un nouvel autoritarisme, c’est l’objet de l’article de Philippe Marlière qui analyse le retour du nationalisme en Europe occidentale dans toutes les familles politiques. Il présente le cas français d’un nationalisme de gauche, républicain dans une conception proche de Renan qui permet la naissance d’un populisme de gauche éloigné de la pensée marxiste. Il y voit une confusion entre gauche radicale et extrême droite.

Existe-t-il une politique économique populiste ? Pour l’économiste Thomas Coutrot la construction d’un populisme suppose un chef charismatique et un ennemi fédérateur : l’étranger pour la droite, les élites trans-nationales pour la gauche. Pour l’auteur qui analyse les Etats-Unis de Trump mais aussi la Russie, la Hongrie, la Turquie, le Brésil de Lula et le Venezuela de Chavez, le point commun est le protectionnisme et un recentrage sur la croissance nationale (Russie) avec des nuances : croissance oligarchique et militariste.

Marc Lazan : Populisme de droite, populismes de gauche. Un essor récent présenté en début d’article avant un tour d’Europe des mouvements populistes.

Dans son article, L’international, horizon commun et lieu de différenciation, Delphine Allès traite du discours des leaders populistes sur la scène internationale : critique du multilatéralisme, esclandres à l’ONU, instrumentalisation des relations internationales pour discréditer les élites nationales. Elle montre comment le questionnement sur la nature du peuple renvoie à une perception des valeurs universelles qui s’expriment dans les politiques étrangères quand ces mouvements sont au pouvoir (crainte d’un déclassement du pays, refus de la supranationalité).

René Monzat s’intéresse à la politique sociale des populistes. Il propose un rapide tour d’horizon du XIXe siècle à nos jours partout dans le monde avec un point commun : la préférence nationale.

D’un continent à l’autre

L’islamisme (n’)est-il (qu’) un populisme ? François Burgat reconnaît que c’est une question difficile d’autant qu’aucune définition claire n’existe pour ces deux mots. Il sonne un premier point commun : être rejeté par le « politiquement correct » et deux mouvements à la fois très divers dans leurs expressions face aux forces dirigeantes même si les uns et les autres visent le pouvoir. Pour l’auteur le point de divergence majeur s’inscrit dans la revendication par les islamistes d’une « décolonisation ».

Dominque Bari analyse Mao, ses successeurs et la « ligne de masse ». Il évoque des moments populistes dans la doctrine maoïste comme la révolution culturelle, il définit la voie chinoise de 1921 à l’autoritarisme de Xi Jinping.

Avec Marc Saint-Upéry on part dans l’Amérique latine des péronisme et chavisme : affinité et divergences, une même famille nationale-populiste (sociale, économie libre, politiquement souveraine) mais des rapports contrastés avec les partis de gauche et divergents dans ses formes d’action : sociale-démocratie musclée ou autoritarisme anarchique.

Le trumpisme, incarnation du style paranoïaque, sous ce titre Sylvain Cypel propose sa vision de côté disruptif souvent outrancier du président américain.

Christiane Lequesne s’intéresse au Royaume-Uni : Quitter l’UE n’est plus impossible : les dynamiques du Brexit. Son article semble aujourd’hui dépassé par l’évolution récente de la situation, le rappel de l’histoire des relations du Royaume-uni avec l’Europe, les arguments de la campagne de 2016 et la sociologie du vote demeure utile.

Jean-Yves Camus présente Les droites populistes radicales en Europe occidentale. Rejet du supranational, de l’étranger, souveraineté identitaire caractérisent ces groupes dont le poids dans les instances européennes s’est accru lors des élections de 2014 grâce à un infléchissement du discours pour élargir leur électorat dans les catégories sociales fragilisées par la mondialisation.

Jacques Rupnik s’intéresse aux variations centre-européennes : les pays du groupe de Visegrad et plus particulièrement à la « démocratie illibérale » incarnée par Orbàn et Kaczynski avant de nuancer son propos pour la Slovaquie et la république Tchèque.

Ahmet Insel consacre son article à la politique autoritaire d’Erdogan ou comment petit à petit celui-ci a fait jouer les institutions en sa faveur. L’auteur montre les limites de la laïcité instaurée par Mustaha Kemal et traite de la stratégie d’Erdogan pour exploiter’ les fractures ethniques, confessionnelles.

Le populisme israëlien est analysé par Dominique Vidal quand Jean Radvanyi décrit la mobilisation patriotique sous Poutine.

Amzat Boukari-Yabara montre comment la figure du père de la nation née des indépendances africaines est aujourd’hui contestée par des mouvements « dégagistes ». Il évoque les grandes lignes de ces contestations récentes : rejet du Franc-CFA, attaques contre l’hégémonie occidentale, appel à une « décolonisation » mentale de l’Afrique ? Un paragraphe est consacré à l’Afrique du Sud.

Les Philippines de Dutertre, un cas d’école sont abordées par David Camroux et Jean-Luc Racine traite de l’Inde de Narendra Modi.