La guerre, la violence et le roi constituent selon Joël Cornette les trois piliers fondamentaux de la souveraineté. Spécialiste du Grand Siècle et directeur de l’Histoire de France de Belin, il analyse l’autorité politique des rois de France à travers l’image du roi de guerre.  Il déplore leur analyse trop souvent séparée et propose une réflexion plus globale. L’analyse de l’Etat royal s’est en effet souvent limitée à une étude de ses institutions et des rituels centrés sur la personne du souverain.

La guerre a trop souvent été étudiée à part, de manière événementielle. La guerre est parfois étudiée indirectement comme le montre la notion de système « fisco-financier », qui se développe dans le contexte de la guerre entre la France et l’Espagne à partir de 1635. Il implique l’ensemble de l’a société dans le financement du conflit, par le biais des impôts ou des prêts. André Corvisier a contribué au renouvellement de l’histoire militaire en étudiant les militaires eux-mêmes. Il a montré l’indépendance de l’armée par rapport à l’Etat et l’ignorance de ce dernier sur le sujet. Michel Le Tellier, intendant des armées, écrivait ainsi en 1650, que l’armée était « une véritable république ».

Joël Cornette considère la guerre comme une part  essentielle de la souveraineté. La guerre repose sur la violence, l’institution et le droit et constitue un facteur d’explication de la construction et du fonctionnement de l’Etat. Deux évolutions notables sont à évoquer : le déplacement des théâtres d’opérations sur des territoires mieux circonscrits et plus limités ainsi qu’une politique de discipline des soldats.

Pour les juristes, le prince est de plus en plus considéré comme le garant nécessaire de l’ordre, préservant un espace pacifié. La guerre justifie le recours à des procédures exceptionnelles, qui tendent à se pérenniser. Elles contribuent ainsi au durcissement de l’autorité royale. Si la guerre est incontestablement un instrument de construction de l’Etat, elle a aussi favorisé, par ses conséquences destructrices, la naissance d’une opinion publique.

Première partie – La violence, la guerre, l’Etat

Siècle de guerre, siècle de fer

Le XVIIe siècle est marqué par la guerre, il ne compte en effet que deux années de paix : 1669 et 1670. Il s’achève par une série de traités : ceux d’Utrecht et de Rastadt en 1713-1714 qui marquent la fin de la guerre de Succession d’Espagne, celui de Passarowitz qui marque le reflux turc hors d’Europe en 1718 et celui de Nystadt qui met fin au conflit entre la Suède et la Russie en 1721.

La pratique de la guerre touche tous les groupes sociaux et reflète la société. Les expériences de la guerre sont naturellement différentes entre les combattants et les négociateurs, entre les nobles et les simples soldats. Joël Cornette évoque également les expériences des civils. Ainsi, l’artisan lillois Pierre-Ignace Chavatte rend compte des pillages et des violences dans les territoires conquis par les troupes françaises. Par exemple, Tongre, dans le pays de Liège est ainsi entièrement brûlée par la garnison française de Maastricht en 1677 : les soldats « ont violets femmes et filles et hommes et enfants bruslées et puis l’ont abandonnés ».

On observe une tendance croissante à une certaine sanctuarisation du territoire, incarnée par les forteresses de Vauban. Inspiré par les fortifications des Provinces-Unies, le réseau défensif du royaume tient compte du site et notamment des éléments naturels pouvant servir d’obstacles. Ainsi, à Briançon, les chemins étagés sur les flancs de la montagne ont été transformés en enceintes fortifiées.

La discipline militaire est également renforcée. Les cris de guerre disparaissent, car il est indispensable d’entendre des ordres de plus en plus complexes. Le soldat doit se maîtriser parfaitement. Le professeur de droit, d’histoire et d’éloquence Juste Lipse met en avant les vertus militaires et héroïques de l’Antiquité. Ses ouvrages inspirent des hommes d’Etat comme Richelieu. Pierre Charron reprend également les idées de Juste Lipse pour forger, dans son Traicté de la sagesse, le portrait d’un soldat idéal. Il énonce dans le 3e chapitre de son livre III une série de recommandations destinées au roi pour recruter les militaires, qui doivent être des jeunes hommes, d’une bonne stature, rustiques. Ces hommes doivent respecter une discipline à la fois physique et morale. Pierre Charron propose ainsi des exercices nécessaires à leur bonne formation.

Dans ces évolutions, les intendants aux armées ont joué un rôle central, notamment dans les années 1630-1660. Auparavant, il n’existait pas d’administration militaire structurée et le taux de désertion atteignait 50 % après quelques mois et 75 % en fin de campagne. Le surintendant des finances Bullion, dans une lettre à Michel Le Tellier à l’automne 1640, pointe la difficulté de connaître les effectifs réels des troupes. Les rapports sont souvent truqués à tel point que Richelieu divisait systématiquement par 2 les évaluation des effectifs qu’il recevait. Les fraudes sont également courantes. L’Etat s’engage dans un programme d’encadrement, de contrôle et de gestion de l’armée grâce notamment à Michel Le Tellier et à son fils Louvois. Les soldats ont désormais des uniformes, 160 casernes sont édifiées sous Louis XIV, les huttes de branchages sont remplacées par des tentes.

La violence et l’Etat

Grotius et Hobbes réfléchissent sur les liens entre violence, guerre et Etat dans un contexte de guerres incessantes. Parmi elles, la guerre de Trente Ans est marquée par le recours à des chefs de guerre, qui connaissent un enrichissement rapide, comme Wallenstein. Ce dernier dispose d’une cour impressionnante : 12 comtes et barons de l’Empire, un grand écuyer, un grand maître, un grand maréchal, 120 gardes de livrée, 6 000 chevaux… Richelieu s’extasie sur les fastes dont il dispose.

L’enrichissement de ces condottieres est permis par un système de « contributions » versées par le territoire contrôlé par le chef de guerre, qui a signé un contrat avec le prince. Cela l’autorise à monnayer sa protection contre un versement en argent ou en nature des populations. Le système se généralise dans les années 1623-1625 et marque un recul de l’Etat. Ces chefs de guerre, quasiment autonomes, se caractérisent par leur violence. Ils pratiquent en effet le chantage à l’incendie et une justice expéditive.

La France évite en grande partie le recours à ces chefs de guerre malgré ses difficultés à gérer administrativement et financièrement ses armées. L’Etat recrute certes des mercenaires. Par exemple, Bernard de Saxe-Weimar signe un contrat avec Louis XIII en octobre 1635. En échange d’1,6 million d’écus, il met à la disposition du roi ses 12 000 fantassins et 6 000 cavaliers. Il participe à la conquête de la Haute-Alsace avec Turenne, qu’il initie à l’art de la guerre. Le mercenaire devait récupérer le landgraviat d’Alsace mais meurt en 1639. Richelieu récupère alors ses troupes au profit de l’Etat.

Hobbes estime que seul un pouvoir puissant pouvait éviter la guerre : « aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est une guerre de chaque homme contre chaque homme ». La guerre est alimentée par trois moteurs de violence : la volonté d’envahir un autre territoire par appât du gain, le désir de sécurité, le besoin de soutenir son honneur et sa réputation. Hobbes synthétise ses idées dans l’allégorie du « dieu mortel », conçue avec le graveur Hollar. Elle figure sur le frontispice de la première édition du Léviathan (Londres, 1651). Le Léviathan tient dans sa main droite le glaive, symbole de l’Etat et dans sa main gauche, la crosse pastorale symbolisant l’Eglise. Son corps est rempli de têtes dont les visages sont dirigés vers lui. Ces dernières représentent le corps social.

Grotius considère que les hommes font la guerre pour conserver leur vie ou celle de leurs proches, pour conserver ou acquérir des biens qui semblent nécessaires. Pour contenir ces instincts naturels, il faut établir, selon lui, des bornes étroites. Ce contrat social donne une légitimité à l’Etat. L’autorité politique doit assurer la tranquillité publique et la préservation de la société. Cardin Le Bret, en 1632, développe cette même idée d’une autorité souveraine qui contrôle la violence. Cependant, ici, le contrat social est imposé par Dieu. Machiavel prend l’exemple de Ferdinand d’Aragon comme archétype du roi de guerre.

La violence incite l’Etat à créer des institutions dédiées à l’accueil des anciens soldats et des blessés. Ainsi, Louis XIV imagine les Invalides au lendemain de la paix des Pyrénées. La réalisation est décidée en 1671. Les anciens militaires doivent suivre une discipline stricte, militaire et religieuse, définie par un règlement. Louvois y installe une manufacture.

Quand une république fait naître un roi de guerre

Joël Cornette évoque ensuite le cas des Provinces-Unies. Les conflits y ont provoqué une concentration des pouvoirs. Le stathouder tire des victoires militaires, un butin et une autorité politique renforcée. Ainsi, Maurice de Nassau (1567-1625), fils de Guillaume Ier d’Orange, devient un quasi-souverain. Il met en place une sorte de gouvernement militaire. La croissance du nombre de militaires et le mode de vie princier se renforcent sous son successeur Frédéric-Henri à partir de 1625. Son fils, Guillaume II, au pouvoir depuis 1647, tente un coup d’Etat en 1650 mais meurt prématurément. Le pouvoir des princes d’Orange décline alors. En 1672, année qualifiée d’ « année catastrophique », le pays subit les attaques de l’Angleterre puis de la France. La Glorieuse Révolution en 1688-1689 marque la victoire du parti orangiste, le stadthouder s’installe en effet sur le trône britannique.

Deuxième partie – La guerre et la souveraineté du roi

La guerre juste

« Décerner la guerre ou traicter la paix est l’un des plus grands points de la majesté » (Jean Bodin).

« La guerre, lorsqu’elle est nécessaire, est une justice, non seulement permise, mais commandée aux rois » (Louis XIV).

Les théoriciens et les légistes de l’époque moderne ont fait de la violence légitime l’un des piliers de la souveraineté royale. Selon Robert Filmer, auteur de Patriarcha (1680), les piliers de l’Etat royal étaient la guerre, la paix et la justice. En France, Charles Loiseau considère que ce sont la puissance législative, l’arbitrage de la paix et de la guerre, l’exercice de la justice ainsi que la frappe de la monnaie qui constituent les axes de la souveraineté.

Selon Saint-Augustin, une guerre est juste si elle répond à une nécessité absolue. Elle doit avoir pour objectif une paix meilleure. Gratien et Thomas d’Aquin ont aussi réfléchi sur cette notion de guerre juste. Elle repose selon ce dernier sur trois principes : l’autorité du prince, une cause juste et une intention droite. Le premier traité sur le droit de la guerre date de 1360. Il s’agit du Tractatus de bello de Jean de Lignano.

Au XVIe siècle, ces idées reprennent vigueur. Le contexte est en effet à la fois à la redécouverte de l’Antiquité et à un retour des conflits, entre guerre d’Italie, danger turc et colonisation en Amérique. Francisco de Vitoria s’interroge sur la légitimité des guerres espagnoles en Amérique. Une « guerre sanction’ peut être légitime si les autochtones restent « intraitables » face aux conquérants. Francisco Suarez explique à la fin du XVIe siècle que les princes sont légitimes à faire la guerre pour défendre des alliés. Grotius synthétise ses apports dans son De jure bello ac pacis (1625) dédié à Louis XIII.

En 1632, dans De la souveraineté du roi, Cardin Le Bret tient compte des conflits européens et de la politique de Richelieu pour associer guerre juste, raison d’Etat et monarchie absolue. Le roi peut défendre son royaume, c’est une forme de légitime défense mise en avant par Thomas d’Aquin. Il peut aussi reprendre des territoires usurpés. Le juriste développe l’idée d’une « guerre solennelle ». Les rois ont une autorité souveraine sur terre, mais ils sont « sujets à la puissance et à la justice de Dieu ». La guerre est ainsi assimilée à un tribunal divin. Elle constitue une épreuve envoyée par Dieu aux souverains. Elle est ainsi la garantie d’une sanction en cas de faute commise dans la gestion des affaires du monde.

D’autre part, cette théorie évacue la possibilité d’une intervention armée du peuple pour punir un mauvais souverain. Le tyrannicide est ainsi condamné. Cardin Le Bret revient sur les événements guerriers de son temps. Il fait paradoxalement de Gustave-Adolphe, roi luthérien, un « guerrier de Dieu » qui accourt pour défendre le roi de France. Malgré des troupes limitées, le roi suédois remporte des victoires décisives car il a été choisi par Dieu.

« Il n’y en peut avoir de guerre heureuse qu’elle ne soit juste, parce que si elle ne l’était pas, quand l’événement en serait bon, selon le monde, il faudrait en rendre compte au tribunal de Dieu. » (Richelieu)

Richelieu œuvre à la justification des guerres. En 1624, il met en place un cabinet de presse pour justifier la politique royale. L’Espagne se livre évidemment à la même propagande.Le cardinal s’appuie sur La Gazette de Théophraste Renaudot, qui s’appuie sur les éléments du cabinet de presse. Richelieu recherche aussi des arguments pouvant prouver une usurpation du roi de France, s’appuyant ainsi sur les théories de Cardin Le Bret. A l’opposé, de multiples pamphlets et libelles dénoncent la politique royale.

La guerre dans l’apprentissage de la souveraineté

L’éducation militaire remplit une place centrale dans la formation du dauphin. Ainsi, le jeune Louis XIII observe avec attention, dans le château de Saint-Germain, les manœuvres militaires des gardes du domaine. Le prince possède de nombreux jeux de guerre. Il s’habille en soldat pour jouer avec son arquebuse, d’après le journal de son médecin. A partir de 1609, il s’exerce au titre avec un maître d’armes. Louis XIV n’a que 8 ans lorsqu’il se rend au rassemblement de l’armée, à Amiens, en 1646. Il joue à la guerre avec son frère Monsieur et des nobles de leur âge. Ils utilisent alors de la vraie poudre.

Il s’agit ensuite pour les princes de combattre. Par exemple, en 1688, au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, Louis XIV demande au dauphin, alors âgé de 26 ans, de commander les troupes au siège de Philippsbourg, sur la rive droite du Rhin. Le roi lui écrit : « Je vous donne occasion de faire connaître votre mérite ; allez le montrer à toute l’Europe, afin que, quand je viendrai à mourir, on ne s’aperçoive pas que le roi est mort ». Vauban a alors le rôle d’initier le dauphin aux techniques de siège. L’ingénieur insiste sur la curiosité du prince, qui demande à visiter une tranchée et lui pose beaucoup de questions. Le roi exige, par lettre urgente, que le dauphin ne retourne pas dans les tranchées.

Les traités d’éducation des princes, nombreux dans les années 1640-1690, développent un programme d’enseignement. L’éducation est d’abord religieuse. Cependant, la guerre tient une part importante de l’éducation des jeunes princes. Dans De l’instruction de Monseigneur le Dauphin, La Mothe Le Bayer dresse le portrait d’un parfait roi de guerre. Le prince doit maîtriser des notions de grammaire, la rhétorique, un peu de logique et d’arithmétique, de la géographie et de la morale. La musique tient une place importante, en raison de son rôle militaire. La géométrie est valorisée car elle est importante pour dresser des fortifications.

L’histoire fournit de nombreux exemples de conflits et des modèles de princes guerriers. Le valet de chambre du jeune Louis XIV lui lisait des extraits de l’Histoire de France de Mézeray. A la demande de la duchesse de Montausier, l’abbé de Brianville conçoit des fiches sur les règnes des rois ressemblant à des cartes à jouer. Le Dauphin, âgé de 4 ans, prend exemple sur Henri IV, Saint Louis, Charlemagne et Clovis. A l’inverse, il rejette les rois fainéants, décrits de manière péjorative.

De plus, le jeune prince doit pratiquer des exercices physiques. Ils sont définis par Furetière dans son Dictionnaire comme « monter à cheval, danser, faire des armes, voltiger, tracer des fortifications ». La chasse est réputée préparer à la guerre. Des ouvrages consacrés aux techniques de combat et aux sièges sont également utilisés. Le futur roi doit également connaître le territoire du royaume, en apprenant sa géographie mais également en pratiquant la chasse. Louvois ordonne, à partir de 1668, la réalisation de plans en relief. Louis XIV s’est montré attentif aux fortifications. Il a effet effectué de nombreux déplacements aux frontières pour en surveiller l’avancée. Il a aussi multiplié les échanges avec Vauban. A la fin du règne, la collection des plans-reliefs est transférée à la grande galerie de Louvre. En 1721, Louis XIV en fait la visite à Méhémet Effendi, ambassadeur du sultan.

En 1697, les 32 intendants ont pour mission de faire un rapport à destination du duc de Bourgogne. L’initiative a été prise par le duc de Beauvilliers et Fénelon, précepteur du petit-fils de Louis XIV afin de participer à sa formation.

Un roi présent à la tête de ses armées ?

Charles VIII, Louis XII, François Ier et Henri II ont été présentés, du temps des guerres d’Italie, comme des souverains à la tête de leurs armées. De même, Henri III s’est illustré lors des guerres de religion, notamment lors de la bataille de Jarnac en 1569. Son cheval a été tué, le roi s’est retrouvé à terre et a dû se défendre avec son épée pour rester en vie. En 1573, il dirige le siège de La Rochelle. Devenu roi en 1574, il cesse de combattre et les pamphlétaires lui reprochent son goût pour la vie de cour.

En 1622, Louis XIII participe à la campagne militaire contre les protestants dans le Poitou, en Guyenne et dans le Languedoc. Les récits, notamment de Jean Héroard, mettent en avant la proximité du roi avec le danger. Dans chaque ville prise, le roi ordonne des exécutions exemplaires. Les corps des pendus sont exposés. Le siège de La Rochelle est abondamment évoqué. Le roi s’y rend à deux reprises, en 1627 et en 1628. Il est décrit comme infatigable, multipliant les visites aux troupes. Charles Bernard décrit l’armée de 20 000 hommes campée devant La Rochelle comme un modèle d’organisation et de discipline. Le camp est ainsi à l’image d’une cité idéale et le roi est comparé à David. L’entrée royale est décrite, avec l’accueil des habitants et le retour à la prospérité. La prise de la ville protestante s’accompagne donc d’une propagande intense.

L’Etat royal est ainsi double, entre roi de guerre et roi-administrateur, à la tête de son conseil. La contradiction entre ces deux images du roi est montrée par Héroard et Richelieu. Louis XIV rompt avec l’image du roi de guerre lorsqu’il rentre prématurément de campagne en 1693. Il ne paraît plus à la tête de ses troupes par la suite.

Troisième partie – Les outils symboliques de la puissance

La guerre et la sacralité du roi

Le sacre conserve de l’importance pour légitimer l’accès au trône. Cependant, aussitôt après l’assassinat d’Henri IV en 1610, sa succession est réglée par le Parlement le jour même et un lit de justice est organisé le lendemain. Louis XIII est alors proclamé roi. Il promet de protéger l’Eglise quatre jours plus tard. Ce serment suivait d’habitude l’entrée dans Paris après le sacre. Ici, le sacre est effectué cinq mois plus tard. La cérémonie du sacre associe religion et guerre, il fortifie le roi pour lutter contre l’hérésie. Le jeune roi reçoit les symboles du pouvoir. Il prend d’abord les éperons et l’épée de Charlemagne, qui symbolise la fonction guerrière du roi. Il l’offre ensuite à Dieu en la déposant à nouveau sur l’autel. Le sacre est associé au pouvoir thaumaturgique. De plus, la cérémonie du Te Deum manifeste dans les églises du royaume une victoire militaire du roi. Elle permet de manifester la force de l’Etat royal simultanément dans l’ensemble du royaume.

Versailles, temple du roi de guerre

La mythologie royale repose sur différents thèmes : le roi en Alexandre, un traité du « bon gouvernement » en images dans le Grand Appartement, la série de victoires représentées dans la galerie des Glaces.

La guerre-spectacle de Louis le Grand

Louis XIV fait représenter sa présence à la guerre pour renforcer sa propre gloire. Le roi prend d’abord la décision de la guerre, il est acteur des combats, notamment lors des sièges. Il fait ensuite représenter ses exploits à Versailles.

De la représentation à la persuasion

Le roi se fait représenter en cavalier, notamment sur les places royales. Il est alors chef de guerre et administrateur à la fois. La statue équestre permet de personnifier la monarchie dans sa globalité en associant ces deux aspects. Ces représentations au coeur des villes remplace le vœux rituel des entrées royales. Elles se substituent donc à la présence physique du roi. L’image royale est contrôlée par un ensemble d’acteurs : Colbert est secondé par Jean Chapelain pour la littérature, Charles Le Brun pour la peinture et la sculpture, Charles et Claude Perrault pour l’architecture. La musique reste le Domain réservé de Lully, qui ne dépend pas de Colbert. Louvois supervise également le programme de statues équestres. Des oeuvres de Le Brun accessibles aux courtisans, du Mercure galant et de la Gazette destinés aux notables et aux officiers, jusqu’aux œuvres de théâtres qui touchent un public plus large, les moyens de communiquer sont variés. Les festivités populaires dans le cadre du Te Deum enfin, touchent l’ensemble de la population.

La guerre, la mort, le sacrifice

La mort à la guerre n’est qu’une cause de mortalité parmi d’autres dans une société où la mort est omniprésente. Cependant, il s’agit d’une mort héroïsée, source de rédemption.

Ces morts à la guerre sont difficiles à quantifier en raison de statistiques lacunaires et du poids des désertions. La situation sanitaires et le peu de connaissances médicales alourdissent les bilans humains. Les mauvaises conditions de vie des soldats les rendent vulnérables aux épidémies. Au XVIIe siècle, le conflit le plus meurtrier, la guerre de Trente Ans, aurait provoqué plus de 2 millions de morts. Le courage au combat est assimilé à un sacrifice, la mort au combat est valorisée si elle a lieu dans le cadre d’un combat juste et légitime. En 1095, les décrets du concile de Clermont accordent aux croisés des indulgences. La sanctification de cette mort au combat se poursuit au XVIIe siècle. La mort guerrière est aussi une mort pour le roi, une offrande de sang pour la défense du royaume.

Joël Cornette conclut sur les liens entre absolutisme et naissance d’une opinion publique. Selon lui, « la guerre fut la manifestation la plus spectaculaire du pouvoir de puissance et de mort de l’Etat ». Elle contribue à régénérer le pouvoir du souverain, mais constitue aussi la justification au recours à l’impôt. Ainsi, la guerre participe au développement de l’Etat. Les violences liées à la guerre entraînent aussi des contestations et des critiques. Les protestants diffusent ainsi l’image d’un roi tyran à la fin du règne de Louis XIV.

Jennifer Ghislain