Jean-Claude-YonJean-Claude Yon est directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études (Université Paris Sciences & Lettres) où il est titulaire de la chaire d’histoire des spectacles à l’époque contemporaine. Historien, ancien directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (UVSQ/Paris-Saclay), il est spécialiste de l’histoire culturelle du XIXe siècle. Il a notamment publié une Histoire culturelle de la France au xixe siècle (2e  édition revue et augmentée, Armand Colin, 2021). et les éditions Armand Colin nous proposent une nouvelle édition, revue et augmentée, de cette magistrale synthèse consacrée au Second Empire.

Afin de compléter les précédentesLa première édition de cet ouvrage a reçu le prix Napoléon  III de la Ville de Boulogne-sur-Mer et le prix Second Empire de la Fondation Napoléon., la présente édition intègre les recherches les plus récentes qui sont citées régulièrement au fil des pages.

L’ouvrage réussit, avec brio, à brosser le portrait d’une époque marquée en profondeur par un régime politique. Les aspects politiques, sociaux, économiques et culturels ainsi que leurs propres évolutions sont décris avec toute la  rigueur de l’historien qui permet de nuancer la légende noire, forgée par ses adversaires du Second Empire puis par la IIIe République.

Un ouvrage de très grande qualité et extrêmement complet qui réussit à rendre compte « de l’ampleur d’une époque riche en contradictions » (p.14) et donc nécessaire pour qui veut comprendre ce Second Empire au travers de la diversité des thèmes abordés et de la multiplicité des approches. A noter, en fin d’ouvrage, une très riche et complète bibliographie !

Un renouvellement historiographique profond

L’évolution historiographique est particulièrement bien soulignée par Jean-Claude Yon. De la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, nombre d’historiens, comme Pierre de la Gorce, ou de manuels scolaires, comme le « petit Lavisse » ou le « Mallet-Isaac », perpétuent la vision négative du Second Empire. Le renouvellement de l’histoire du régime impérial se fait dans la seconde moitié du XXe siècle avec les ouvrages de Marcel Blanchard (1950) ou d’Alain Plessis (1973) qui écrit justement que « longtemps écrite par ses adversaires, et victime de son issue tragique, elle est aujourd’hui l’objet d’une révision quasi totale. Tandis que les mythes qui encombraient sa légende noire sont un à un déchirés, de nouvelles interprétations révèlent une époque étonnamment riche en contraste ». Des études sur les préfets, les chemins de fer, la vie ouvrière ou le colportage permettent de respecter à la fois la richesse et la diversité de cette période. Plus récemment, on fait aussi évoluer notre regard sur le Second Empire des historiens tels que Louis Girard, Eric Anceau, Pierre Milza, Jean Garrigues ou Sylvie Aprile. On ne peut oublier la publication essentielle que constitue la synthèse de Quentin Deluermoz Le Crépuscule des révolutions (1848-1871) dans le cadre de l’Histoire de la France contemporaine aux éditions du Seuil (2012) qui étudie cette période en variant les échelles, du local au transnational.

 

De Louis-Napoléon Bonaparte à Napoléon III

Le portrait de Louis-Napoléon Bonaparte, fils issu du mariage malheureux entre Hortense de Beauharnais (belle-fille et belle-sœur de Napoléon Ier) et Louis Bonaparte (3e frère de Napoléon Ier) est tout d’abord brossé afin de mieux saisir ensuite la conquête du pouvoir. L’auteur note que « l’orgueil de son son nom qui va de pair avec une foi inébranlable dans son destin » va permettre à Louis-Napoléon de dépasser des débuts catastrophiques (coup de force manqué, exil aux Etats-Unis puis en Angleterre, échec du débarquement à Boulogne, emprisonnement au fort de Ham).

Cette période lui permet tout de même « d’inventer une doctrine bonapartiste originale reposant sur l’union quasi mystique entre le peuple et le souverain, et encadrée par des institutions qui doivent évoluer au fil du temps » (p.24). L’ancien prisonnier revient finalement en France en 1848 et à partir de là, son ascension politique est extrêmement rapide et le mènera de la Chambre à la présidence de la République qu’il remporte très facilement contre Cavaignac , Ledru-Rollin, Raspail et Lamartine. C’est entouré notamment de Morny et d’Emile de Maupas, que Louis-Napoléon Bonaparte décide de passer à l’action dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851 « plaçant le coup d’Etat dans la filiation du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d’Austerlitz » (p.31). Les quelques soulèvements parisiens et provinciaux, qui sont présentés comme des actions révolutionnaires, permettent de justifier la répression et le coup d’état qui est approuvé par le plébiscite des 20-21 décembre, véritable « absolution » pour le futur empereur. La constitution, clé de voûte du nouveau régime, est proclamée le 14 janvier 1852. En novembre, le Sénat vote le rétablissement de l’Empire qui est approuvé par un nouveau plébiscite qui apporte une nouvelle fois un soutien massif. Le 2 décembre, l’Empire est rétabli par décret. Cette période associe donc « l’abaissement du parlementarisme au rétablissement de l’Empire » (p.46) basé sur un centrisme autoritaire ainsi qu’un bonapartisme populaire qui séduisent les masses.

 

Le « césarisme démocratique » et ses rouages

La partie sur la philosophie politique du nouveau régime est limpide et passionnante. Le césarisme démocratique (« démocratie illibérale » pour Pierre Rosanvalon » ou « démocratie césarienne » pour Emile Ollivier) :

  • s’inscrit dans la continuité du bonapartisme dont il hérite les valeurs d’ordre et de démocratie.
  • insère « la démocratie plébiscitaire au sein d’une monarchie providentielle » (Juliette Glikmann). Le suffrage universel est bien au cœur du système politique.
  • repose sur une personnalisation du pouvoir qui est nécessaire car, pour Napoléon III, la souveraineté du peuple ne peut s’accomplir qu’en s’incarnant dans un individu responsable.
  • présuppose une unanimité sociale où la masse l’emporte sur l’individu. La propagande et la pratique plébiscitaire doivent démontrer cette unité de la nation.
  • dissocie les libertés individuelles, qui sont reconnues, et les libertés publiques qui sont limitées.

En résumé, le césarisme démocratique est un système permettant « de gouverner despotiquement au nom du peuple » (p.53).

L’auteur s’intéresse ensuite aux institutions issues de la constitution de 1852. Le serment de fidélité des sénateurs, députés, fonctionnaires, officiers et magistrats au chef de l’Etat  souligne le rôle central de Napoléon III. Jean-Claude Yon passe en revue les différents acteurs : les ministres, le Corps législatif, le Sénat, le Conseil d’Etat, les préfets dont le célèbre baron Haussmann (préfet de la Seine de 1853 à 1870) et enfin ces fonctionnaires de l’administration dont « l’efficacité est (…) toute relative, au contraire de sa fidélité à l’empereur » (p.62).

L’auteur n’oublie pas les organes de contrôle de la population que sont l’armée, la gendarmerie et la police ainsi que les mécanismes électoraux permettant de museler l’opposition dans les années 1850 même si celle-ci existe encore (le groupe des Cinq donne une certaine animation aux débats du Corps législatif).

 

Les deux temps d’une libéralisation mal maîtrisée

Dans cette partie, l’auteur détaille les différentes étapes de la libéralisation des années 1860 marquées par la montée des oppositions et les difficultés voire les revers en politique extérieure (Mexique). Les réformes de 1860-1861 (rétablissement de l’adresse des deux chambres en réponse au discours du trône, publicité et reproduction des débats, …) s’accompagnent du renforcement du parlementarisme et de l’opposition. Ce « relâchement » a des conséquences électorales et, pour le régime, les échecs virent parfois à l’humiliation et ce dès 1863 avec l’élection de Thiers à Paris par exemple. Celui-ci utilisera alors l’assemblée afin de réclamer les « libertés nécessaires » (presse, électorale, …). Rouher, qui devient ministre d’Etat en 1865, tente alors d’empêcher toute nouvelle libéralisation du système politique. Pour Jean-Claude Yon, le « complexe de Sadowa » (1866) convainc Napoléon III de la nécessité d’une réforme militaire. Afin de vaincre les résistances, il est alors nécessaire de relancer le processus de libéralisation ce qui explique les concessions libérales de 1867-1868 (droit d’interpellation, suppression de l’autorisation préalable pour la presse, droit de réunion, …).

Mais tous ces textes ont été imposés à des députés qui n’en, voulaient pas véritablement. Les effets de ces lois se font ressentir avec la naissance de nouvelles formes d’opposition ainsi que sa radicalisation. La nouvelle presse (La Lanterne) attaque le régime avec une violence inédite. Une nouvelle fois, les élections de 1869 sont un désaveu pour le régime avec les élections notamment de Gambetta. Les députés poussent Napoléon III a adopter de nouvelles réformes qui instaurent un système qui se rapproche du régime parlementaire en affermissant le rôle et les responsabilités du Corps législatif (ex : partage de l’initiative des lois avec l’empereur).

Finalement, l’expérience de l’empire libéral commence véritablement avec le ministère d’Emile Ollivier qui est constitué le 2 janvier 1852 et qui met en place une nouvelle constitution. Pour François Furet, elle est le « compromis original qui mêle trois principes : le gouvernement représentatif, la démocratie et l’hérédité ». Cette période est celle « d’une dictature qui se libéralise par la volonté du dictateur ». Une nouvelle fois, le 8 mai, un plébiscite vient acter cette réforme … seulement quelques mois avant que le régime soit emporté par la défaite contre la Prusse.

 

La politique étrangère du régime

Napoléon III mène une politique extérieure dynamique visant à effacer les traités de 1815 et à redéfinir les équilibres mais marquée par la confusion et par l’incapacité à maintenir une ligne de conduite uniforme. Les travaux de Pierre Renouvin sont bien sûr mentionnés.

La guerre de Crimée contre l’empire russe d’Alexandre II, qui se termine avec la prise de la tour Malakoff puis de Sébastopol, débouche sur le congrès de Paris. Celui-ci souligne « la place prépondérante regagnée par la France sur la scène internationale » (p.126). Malgré les faiblesses logistiques et militaires, Napoléon III brise ainsi l’ordre européen établi par le congrès de Vienne. L’empereur se positionne en arbitre de l’Europe.

En 1859, à propos de la question italienne, la France intervient contre l’Autriche. Les victoires de Magenta (4 juin) et de Solférino (24 juin) (c’est sur ce champ de bataille que l’homme d’affaires suisse Henri Dunant décide de fonder la Croix-Rouge) débouchent sur l’armistice de Villafranca (11 juillet) puis sur le traité de paix de Zurich (10 novembre). Consciente de ses faiblesses militaires et choquée par la terrible bataille de Solférino, la France préfère mettre fin à cette guerre, perdant ainsi le profit de ses victoires. L’unification de l’Italie au profit du Piémont-Sardaigne est officialisée le 17 mars 1860. Pour Jean-Claude Yon, avec l’intervention dans les affaires italiennes, si Napoléon III s’est aliéné l’opinion catholique, il a achevé le démantèlement des traités de 1815 et affaibli l’Empire qui en avait été le pivot, à savoir l’Autriche (p.131).

Par la suite, l’auteur développe la politique outre-mer. En Méditerranée, l’expansion est marquée par les travaux puis l’ouverture du canal de Suez (1869), l’intervention en Syrie (1860-1861) ou encore le développement de la colonisation en Algérie suite à la soumission de la grande Kabylie. L’expansion coloniale n’est pas oubliée. L’empire colonial français, de 1850 à 1870, passe de 300 000 km² à plus d’1 million ! Les idées saint-simoniennes et la défense du catholicisme sont au cœur de la « nouvelle conception coloniale » (Robert et Marianne Cornervin). Napoléon III accorde alors une grande importance à la marine qui permet notamment l’intervention française en Extrême-Orient (Cochinchine, Cambodge, exploration du Mékong, …). Pour l’auteur, « l’Indochine française est véritablement née sous le Second Empire » (p.138). La Nouvelle-Calédonie et les comptoirs français au Sénégal sont aussi mentionnés.

Des revers et des difficultés dans ce domaine sont soulignés :

  • la malencontreuse expédition du Mexique qui se termine par le retrait des troupes françaises et l’exécution l’empereur Maximilien. Si elle n’est pas « une absurdité géostratégique », elle a été mal menée et a discrédité Napoléon III aux yeux de tous (Etats-Unis, Autriche, opposition, …).
  • la question italienne autour du retrait des troupes françaises de Rome rend Pie IX furieux.
  • le soutien de la cause polonaise a pour conséquence le rapprochement de la Russie avec la Prusse.
  • l’affaire des duchés danois incite Napoléon III a choisir son camp devenant ainsi « le jouet de Bismarck » (p.146).
  • la surprise de Sadowa (1866) pousse la France a accepter les conditions de la Prusse.
  • « L’affaire Hohenzollern » puis la « dépêche d’Ems » emballent et aveuglent l’opinion, ce qui finit par précipiter l’Empire dans la guerre avec la Prusse. La déclaration de guerre de la France est remise le 19 juillet 1870.

 

Le bond en avant économique

Jean-Claude Yon décrit avec précision la politique économique volontariste du Second Empire. Dès le discours de Bordeaux de 1852, Napoléon III avance une vision cohérente et globale sur ces questions qui l’intéressent. Cette ambition est mise en œuvre au travers de la modernisation des structures économiques. Trois révolutions structurelles sont ainsi détaillées :

  • le développement des transports : extension du réseau ferroviaire, fusion entre compagnies, édification de gares, …
  • les nouvelles formes de crédit : modernisation du monde bancaire (banques d’affaires et banque de dépôt avec le Crédit Lyonnais ou la Société Générale)
  • une nouvelle législation économique favorisant le libre-échange

Si des archaïsmes persistent, les mutations et la modernisation de l’industrie française permettent l’achèvement de la première révolution industrielle. Les industries chimiques, sidérurgiques ou textiles sont à l’origine de ce bond en avant économique. Saint-Gobain, les établissements du Creusot dirigés par Eugène Schneider, les usines de Charles de Wendel à Stiring, Hayange et Moyeuvre sont le reflet de cette réussite.

La vie commerciale est elle dynamisée par la libéralisation des échanges de marchandises et de capitaux. Les grands travaux du tunnel du Mont-Cenis et du canal de Suez symbolisent cette émigration des capitaux qui sert également à créer des banques, des mines et des usines. Pour Jean-Claude Yon, « le monde devient le terrain d’affrontement des Rothschild et des Pereire » (p.181).

Enfin, dans le domaine agricole la modernisation est aussi présente : mécanisation, spécialisation, élaboration d’un marché national, … Cette mutation permet l’affirmation de grandes régions viticoles comme la Champagne (les maisons Bollinger, Roederer, Moët&Chandon) ou le Bordelais (les frères Pereire achètent le Château Palmer et James de Rothschild fait l’acquisition de Château Lafite). Ce propos est à nuancer car « la polyculture  et l’autarcie familiale demeurent la norme la plus répandue » (p.185). La relative prospérité agricole assure tout de même la fidélité des campagnes au régime !

 

Une « France nouvelle »

Dans cette partie, Jean-Claude Yon, s’il ne sous-estime pas le poids des permanences, n’en oublie pas que « les Français de 1870 ne sont plus ceux de 1850 » (p.191). Il revient ainsi sur les grands travaux en termes d’urbanisme, ceux d’Haussmann (percement, aménagement, désenclavement, renouvellement du bâti, expropriations et refoulement des populations les plus pauvres vers la périphérie, …) ainsi que ses émules à Lyon ou Marseille.

Le profil des Français ainsi que leurs conditions de vie sont aussi abordés : la France qui devient un pays d’immigration, le niveau de vie qui s’améliore, la quasi-disparition des maladies de carence (goitre, crétinisme), les progrès de la médecine avec de grands noms tels que Louis Pasteur, Claude Bernard et Jean-Martin Charcot.

Cette France est aussi celle des notables. Bourgeois et nobles imposent leurs normes et leurs convenances grâce à leur poids qu’il soit politique, économique ou social.

La modernité spectaculaire du Second Empire est symbolisée par les grands magasins qui annoncent l’entrée dans la société de consommation. Le magasin Au Bon Marché d’Aristide Boucicaut, Le Printemps de Jules Jaluzot ou La Samaritaine d’Ernest Cognacq et de son épouse Marie-Louise Jaÿ sont autant de belles réussites ! Leur système repose sur la rotation rapide des stocks, une gamme de produits très entendue ou encore l’organisation rationnelle du personnel. Les magasins, qui représentent un commerce de masse d’une ampleur inédite, sont des lieux où « consommer devient un plaisir » et où « la société moderne se donne en spectacle » (p.219).

Le régime organise aussi deux Expositions universelles à Paris, en 1855 et en 1867. Elles s’inscrivent dans la continuité des dix expositions des produits de l’industrie française lancée par François de Neufchâteau en 1798 et de l’Exposition de Londres en 1851 dans le Crystal Palace. Elles sont de gigantesques bazars où l’industrie est glorifiée mais aussi une vitrine du régime permettant d’asseoir sa légitimité. En 1855, on peut admirer une tondeuse à gazon anglaise, des machines à coudre de Singer ou les revolvers du colonel Colt. L’Exposition de 1867 est aussi un véritable succès avec 11 à 15 millions de visiteurs !

Ce nouveau visage d’une France moderne et aux multiples réussites est aussi  mis en scène par Napoléon III. On organise des fêtes impériales aux Tuileries, à Saint-Cloud, à Versailles ou à Fontainebleau sous la forme de bals, dîners de gala ou concerts. Les séjours à Plombières, Biarritz ou à Vichy sont aussi l’occasion d’impressionner les hôtes du couple impérial. Les retombées économiques sont importantes pour l’industrie du luxe. Le régime fait appel à de grandes maisons et de grands noms : Louis-François Cartier, Pierre-François Guerlain ou encore Louis Vuitton.

 

La vitalité culturelle

Si longtemps les historiens ont pu donner du Second Empire une image matérialiste en le limitant « à une course aux jouissances triviales » incarnées par les fêtes impériales, Jean-Claude Yon revient, dans une dernière partie, sur la richesse de la vie intellectuelle en détaillant l’identité culturelle au travers de la vie de l’esprit ainsi que de la création littéraire et artistique.

Le catholicisme, s’il connaît son apogée grâce à l’alliance entre l’Eglise et l’Etat afin d’affermir le pouvoir en place (hausse du budget des Cultes, traitements augmentés, essor des congrégations religieuses, …), il est aussi marqué par le combat qui oppose les ultramontains aux gallicans. Les deux camps se divisent notamment « sur l’acceptation ou non de la société moderne » (p.237). Rapidement des tensions apparaissent (la politique italienne de Napoléon III) et l’Empire « se termine (…) sur une radicalisation des oppositions religieuses qui prépare les affrontements entre catholiques et républicains de la IIIe République » (p.247).

Durant cette période, l’enseignement, qu’il soit primaire, secondaire ou supérieur, oscille entre innovations et contrôle. Victor Duruy et son ministère (1863-1869) tentent de moderniser l’enseignement en France. Pour lui, « l’Instruction publique doit (…) devenir une Education nationale ».  Ainsi, la loi sur l’enseignement primaire du 10 avril 1867 ou celle du 21 juin 1865 pour le secondaire sont détaillées.

De grands noms comme Louis Pasteur, les Becquerel père et fils, Léon Foucaut, Hippolyte Taine ou encore Fustel de Coulanges soulignent la richesse de la vie scientifique et intellectuelle sous le Second Empire. Le renouvellement poétique et littéraire est porté par Prosper Mérimée, Charles Baudelaire, Gustave Flaubert ou Victor Hugo et des ouvrages tels que Le Capitaine Fracasse, Les Misérables ou Madame Bovary. C’est vers 1865 que le réalisme tend à évoluer vers le naturalisme. La littérature de divertissement connaît aussi un grand succès avec Alexandre Dumas ou Paul Féval.

Si Napoléon III n’a pas d’intérêt particulier pour l’art, il cherche à encourager les artistes. La réforme de l’Académie des Beaux-Arts de 1863 portée par Mérimée et Viollet-le-Duc, combattue par les académiciens comme Ingres, est audacieuse. Mais la réforme est amoindrie dès 1864 et en 1871 l’Académie retrouve ses prérogatives. Pour Jean-Claude Yon, « le conservatisme l’a emporté sur la modernisation » (p.286). Dans le domaine de la peinture, le Salon souligne aussi une évolution majeure. En effet, « le Second Empire est (…) une période de transition où les critères du marché se substituent peu à peu à ceux du système académique » (p.288). Ce marché est stimulé par les grandes fortunes. Les Schneider, Rothschild ou Pereire deviennent des collectionneurs. Gustave Courbet ou Honoré Daumier reflètent bien cette modernisation.

La période donne aussi naissance à un « style Napoléon III » qui est en réalité éclectique. Les réalisations sont nombreuses. Dans le domaine de l’architecture on pense à l’Opéra Garnier ou aux Halles centrales de Paris, pour l’entretien du patrimoine à Pierrefonds ou Carcassonne et pour la sculpture à Bartholdi. Ce « style Napoléon III » touche bien sûr aussi l’ameublement.

 

La démocratisation de la culture

Le Second Empire « apparaît comme la période où se mettent en place les mécanismes qui conduiront, une vingtaine d’années plus tard, à l’émergence de cette culture de masse » (p.309). L’imprimé et la presse de masse se diffusent ( Le Figaro, L’Illustration, Charivari, Le Temps, Le Siècle, …). L’influence grandissante du pouvoir financier au détriment du politique est l’évolution majeure de cette période. La librairie est  « révolutionnée » avec le principe de la collection qui connaît un franc succès. Louis Hachette, Michel Lévy, les frères Dalloz ou Henri Plon sont autant d’éditeurs innovants. Le théâtre de quartier, les cafés-concerts, le vaudeville sont à la mode avec de grands noms comme Offenbach, Alexandre Dumas fils ou Labiche. Les orphéons, le développement du tourisme et de la pratique du sport soulignent eux aussi cette démocratisation de la culture sous le Second Empire.

 

Une synthèse magistrale forcément indispensable pour les étudiants en histoire ainsi que pour les enseignants !

 

Pour les Clionautes, Armand BRUTHIAUX