Le transport aérien est par excellence le témoin d’une mondialisation réussie, en tant que « réseau qui structure des relations non pas entre des aéroports, mais entre régions, villes et lieux dans le monde, un réseau sur lequel repose en partie l’architecture de l’archipel mégalopolitain mondial » (Le Goix, p. 62). Décrypter celle-ci par ce biais est particulièrement stimulant et légitime d’avoir consacré un numéro à cette thématique.

L’article d’ouverture de Serge Sur « L’anatomie d’un voyage aérien » est une excellence entrée en matière évoquant les étapes à franchir tout au long d’un voyage (avant, pendant et après), « un modèle de contrôle social » (p. 5). Rien n’est laissé au hasard dans ces grands aéroports internationaux, têtes de pont de la mondialisation, dont Dubaï occupe désormais la première place en termes de trafics internationaux après avoir détrôné Londres Heathrow. Matérialisant l’archipel mégalopolitain mondial, ces plateformes aéroportuaires accompagnent la métropolisation en tant que gateway, « porte d’entrée urbaine » (p. 26), surtout quand une stratégie ferroviaire permet la pratique effective d’une intermodalité.

Le modèle économique du transport aérien, examiné par Paul Chiambaretto et largement repris dans des articles présents dans le numéro, revient sur les très faibles marges dégagées par ce type de transport et sur la situation précaire de nombreuses compagnies, dont le nombre a explosé au cours des vingt dernières années. Le modèle low cost est décrypté en raison de la place que tiennent ces compagnies dans le volume de passagers transportés (24% du total). De même, les compagnies du Golfe et des pays asiatiques ont détrôné les acteurs traditionnels présents sur le marché. Le transport de passagers n’est pas le seul à être examiné dans ce numéro comme en atteste l’article de Pierre Ageron consacré à la Géopolitique du transport aérien ou celui d’Antoine Frémont. Le fret occupe une place stratégique dans le développement des échanges mondiaux et Dubaï comme la Chine y tiennent une place centrale.

L’article de Guillaume Faburel et Lisa Lévy revient sur les enjeux environnementaux du transport aérien que cristallise entre autres la ZAD de Notre-Dame des Landes. Des cartes du bruit autour des aéroports de Heathrow et Orly rendent compte de l’exposition des territoires situés une vingtaine de kilomètres de l’équipement aéroportuaire et montre les limites de la notion airport city. Non seulement, cette insertion de l’aéroport dans la ville se heurte à la question des nuisances que celui-ci génère mais ne doit pas faire oublier que c’est un espace fermé. Jean-Baptiste Frétigny revient sur cet aspect en examinant les enjeux de l’aéroville marchande et ségrégative sans oublier qu’il s’agit d’un espace frontalier très actif avec ses centres de rétention de migrants, par exemple. La course au gigantisme aéroportuaire vise à capter au mieux les flux touristiques, d’affaires et de fret. C’est pourquoi ces espaces sont de mieux en mieux équipés pour faire patienter les passagers titulaires d’un passeport. Vous pourrez ainsi occuper votre temps d’escale à Singapour en allant au cinéma, au sauna à moins que vous n’alliez visiter la reconstitution d’une forêt tropicale.

Élément à part entière de la mondialisation, le transport aérien renforce les liens entre les métropoles et les espaces desservis. C’est ainsi, comme le présente Colette Ranély Vergé-Dèpré, qu’il a œuvré au désenclavement des Antilles permettant le développement d’une industrie touristique mais a paradoxalement participé à un cloisonnement régional. « Loin de gommer les schémas relationnels anciens, il n’a fait que les rendre plus visibles et, sans doute, il les a accentués » (p. 73).

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes