ÉDITORIAL par Gérard-François DUMONT
UKRAINE : les paramètres démographiques de sa géopolitique, aujourd’hui et demain
Dans les 30 années ayant suivi son indépendance en 1991, des millions d’Ukrainiens sont allés chercher dans les pays de l’Ouest de meilleures conditions économiques. Ces émigrés ukrainiens ont constitué des diasporas, tout particulièrement en Europe et en Amérique du Nord, qui ont exercé un rôle politique et économique important depuis le début de la guerre avec la Russie en février 2022.
Elles se sont notamment grandement mobilisées auprès de leurs pays d’accueil pour que ces derniers soutiennent, en moyens matériels et financiers, l’Ukraine dans la guerre contre la Russie. Elles ont également continué à effectuer des transferts financiers ou à envoyer des biens à leur famille restée au pays. Elles ont aussi apporté un soutien moral à leurs compatriotes en Ukraine. Et, bien entendu, elles ont été au premier rang lorsqu’il a fallu accueillir les millions d’Ukrainiens qui ont quitté le pays pour fuir les nombreux bombardements et des conditions de vie dramatiques.
Malgré le soutien de ses diasporas, la population de l’Ukraine continue de souffrir, ce que la démographie de ce pays traduit bien. Une première interrogation concerne sa population active à cause de l’importance des morts et des nombreux blessés de la guerre. En toute hypothèse, la pyramide des âges de l’Ukraine devrait rester marquée, pendant de nombreux décennies, par la dénatalité liée à la guerre qui aggravera la situation d’intense « hiver démographique » que l’Ukraine connaissait depuis de nombreuses années.
DOSSIER par Alain MIOSSEC
Les littoraux français face aux changements climatiques
En France, sur les littoraux, l’heure n’est plus à l’aménagement mais à la « recomposition spatiale ». Les changements climatiques font évoluer la donne avec les risques d’une accentuation de l’érosion côtière.
Sur la côte la plus affectée par la montée des eaux, la côte landaise, le recul du trait de côte est estimé entre 1,7 et 2,5 cm par an. Avec la prudence qui s’impose, on doit parler d’un lent grignotage pour un littoral dunaire qui recule depuis … des siècles. Mais avec 16 500 bâtiments concernés par le recul et 22 000 km d’infrastructures exposés à échéance plus ou moins rapprochée, on peut comprendre les angoisses de chacun.
En France, il faut souvent des catastrophes pour les choses bougent. Il a donc fallu attendre les victimes de la tempête Xynthia, engendrant missions d’enquête sur le terrain, rapports parlementaires suivis de propositions d’action. En 2012, un rapport préconise ainsi de faciliter l’élaboration de stratégies territoriales de gestion intégrée du trait de côte en insistant sur la nécessité d’intégrer et de spatialiser le risque dans les documents d’urbanisme à moyen et long terme. Il présente différentes solutions : laisser-faire ; intervenir de manière limitée « en accompagnant » les processus naturels ; fixation du trait de côte, avec des enrochements ou des murs, là où l’urgence paraît le justifier ; recul stratégique. En 2013, 5 territoires sont alors placés en expérimentation.
A Vias par exemple, l’érosion constatée est estimée à 1,35m par an avec des taux locaux de l’ordre de 2,5 m. Le projet expérimental porte sur la partie occidentale. Le document produit par la mairie dans les année 2020 propose la « recréation et la mise en valeur du cordon dunaire sur un linéaire de 3,4 km » et la « relocalisation d’activités » concernant 3 campings. Mais ce programme n’a pas débouché sur une mise en œuvre car il se heurte à de « puissants facteurs de blocage ». Ainsi, la recomposition spatiale suppose de la cohérence et des efforts d’explications qui peuvent très vite user les élus, conscients de la nécessité d’agir mais confrontés à des oppositions.
Les textes prolifèrent, toujours plus volumineux et donc plus complexes. L’un des plus récents est la loi « climat et résilience ». Si l’Etat dit le droit, le citoyen dans son cabanon vit le droit, deux échelles qu’il faut tenter de rendre compatibles, avec derrière, toute la question de la « justice climatique ». Sur le papier, l’adaptation est réalisable à partir d’une analyse fine d’une série de scenarii mais, dans la pratique, la résistance des occupants est la première réponse avec pour argument les défenses « dures » face à la mer à renforcer.
Document pédagogique (libre de droits)
Les littoraux en France – Quelles évolutions, en recul ou en avancée, des traits de côte ?
Exercice pédagogique par Alexandre DUCHESNE
France : des espaces ruraux multifonctionnels – l’exemple de l’Ardèche
Cette proposition s’insère dans le thème 3 du programme de première de Géographie intitulé « Les espaces ruraux : multifonctionnalité ou fragmentation ? ». La méthode est inductive partant de l’étude de quelques communes d’Ardèche. L’intérêt du choix de ce département est qu’il offre tout particulièrement une variété d’espaces ruraux.
Dans la 1ère étape, les élèves font un portrait de 4 communes d’Ardèche à l’aide Geoclip, afin de dégager une topologie des espaces ruraux. Puis, dans une deuxième étape, la mise en perspective à l’échelle de la France permet d’affirmer les critères qui permettent de les différencier. Enfin, dans une troisième étape, les élèves réalisent une affiche de marketing territorial valorisant une commune rurale.
Analyse par Éric LE PENVEN
RECENSEMENT : 25 000 agents recenseurs face à de nombreuses difficultés
Tout bon gouvernement a besoin d’une connaissance détaillée de sa population, ce qui suppose notamment des recensements.
Après 2 siècles de pratique de recensement général de la population, l’année 1999 a marqué en France la date du dernier où l’intégralité des habitants du pays a été interrogée en quelques semaines. Depuis, en application d’une loi de 2002, un recensement dit rénové a remplacé ce traditionnel recensement.
La population des communes de moins de 10 000 habitants est recensée de façon exhaustive une fois tous les 5 ans. Pour les communes de 10 000 habitants ou plus, la collecte est devenue annuelle, mais ne porte que sur un échantillon d’adresses. Le témoignage de cet agent recenseur, parmi les 25 000 qui chaque année sillonnent les territoires de communes pendant 4 à 5 semaines pour recenser plus de 5 millions de logements, nous informe sur les facteurs de non-réponses.
En effet, le manque d’implication est assez général dans la population. Le taux de non-réponses ne baisse pas malgré la possibilité, depuis 2015, de répondre par internet et au contraire, continue de croître. Au final, certaines couches de la population sont plus faciles à recenser : les retraités, les cadres, les femmes, les propriétaires, les habitants de pavillons. A l’opposé, certains publics répondent moins facilement : les étrangers, les jeunes adultes, les locataires, les nouveaux résidents, les hommes.
Grèce : une démographie ponctuée de soubresauts politiques et économiques
Parmi de nombreux exemples, le cas de la Grèce est illustratif de la possibilité de variations très importantes dans les dynamiques démographiques.
Jusqu’en 1955, le solde migratoire est positif essentiellement sous l’effet de l’intégration de réfugiés grecs-orthodoxes d’Asie Mineure. Au cours des années 1960, la conjoncture commence à se modifier. Il en résulte de fortes vagues d’émigration. La chute vertigineuse du solde migratoire accentue la présence de diasporas grecques dans des pays plus développés. L’émigration d’actifs, dont nombre de personnes en âge de procréer, vers l’étranger est l’un des facteurs explicatifs de la diminution significative des naissances vivantes. Baisse des naissances et niveau relativement élevé des décès engendrent une diminution du taux d’accroissement naturel des années 1960 à 1972, suivies de quelques années de stagnation.
A partir de 1975 et surtout après 1981, ces évolutions démographiques sont confrontées à d’autres éléments dans un cadre nouveau, celui de l’ancrage européen du pays. Ce retour à un contexte politique attractif a, d’une part, permis le retour des exilés politiques de la période de la dictature et, d’autre part, le retour d’actifs expatriés grâce à l’amélioration économique. En conséquence, l’accroissement migratoire qui était négatif redevient positif après 1974. Mais « l’hiver démographique » perdure avec un fécondité qui passe en-dessous du seuil de simple remplacement de générations en 1983, et nettement en dessous de la moyenne de l’Europe. En dépit de l’augmentation du niveau de vie, le taux d’accroissement naturel s’abaisse presque continûment. Plusieurs facteurs contribuent à l’abaissement de la fécondité, dont les reformes et l’émergence d’une société de consommation, plus individualiste.
A la fin des années 1990, le régime démographique naturel de la Grèce connaît une forte décélération, avec un taux d’accroissement naturel devenu très faible, mais encore légèrement positif. Toutefois, le solde migratoire, positif depuis 1974, a contribué à l’imiter le déclin du solde naturel, et la population de la Grèce continue d’augmenter beaucoup plus grâce au solde migratoire qu’au solde naturel. Ce solde migratoire positif est en partie dû à l’arrivée massive d’immigrants (surtout albanais) depuis la début des années 1990. La croissance démographique se poursuit donc, les deux soldes restant positifs entre 1974 et 2003.
Puis le taux de natalité devient inférieur au taux de mortalité et le taux d’accroissement naturel devient négatif en 2011, et reste négatif depuis. Il résulte notamment d’une difficile conciliation entre vie professionnelle et familiale et d’une modification du calendrier des naissances souhaitées. Ce dernier se voit reporté pour des raison d’instabilité professionnelle ou d’évolution de carrière. Dans un contexte d’instabilité économique et sociopolitique dans les années 2010, la population grecque commence, après 60 ans d’augmentation quasi-constante, à diminuer de manière significative à partir de 2011 additionnant un solde naturel et un solde migratoire négatifs. En effet, le solde migratoire est redevenu négatif à compter de 2004, et plus encore sous l’effet de la forte émigration des Grecs pendant la crise de 2009-2019. Près de 30% de la population est aujourd’hui âgée de 60 ans ou plus, même s’il existe des disparités régionales.
Quant aux perspectives, la Grèce, selon la projection moyenne des Nations unies, restera en situation de décroissance démographique avec un taux d’accroissement naturel toujours négatif et un indice de fécondité (oscillant entre 1,40 et 1,53 enfant par femme) inférieur au seuil de remplacement des générations.