Un manuel pour préparer le concours de l’ENS Lyon
Après « l’agriculture et les changements globaux » (2023), puis l’Union européenne pour la session 2024, c’est autour de l’eau d’être à l’honneur du programme d’admission à l’ENS de Lyon en 2025.
Dépassant les 500 pages, ce manuel est dirigé par deux professeurs en CPGE (Laurent Coudrier et Erwan Le Goff) à la tête d’une équipe de 15 auteurs et composée majoritairement d’universitaires ou de professeurs en CPGE littéraire.
Dès l’introduction, les auteurs rappellent que l’eau n’est pas une ressource rare. La première partie de l’ouvrage définit d’abord une série de repères permettant de caractériser la situation de l’eau à l’échelle mondiale : la disponibilité, l’accessibilité, les pressions, son caractère incontournable pour le développement, la gouvernance, le poids de l’agriculture, les paysages, sa faculté à créer des coopérations, des conflits et des risques. Ce premier chapitre se termine par une lecture géographique de l’usage de l’eau nécessaire pour la récupération des métaux et le nettoyage des vêtements d’occasion dans le quartier d’Agbogbloshie au Ghana (page 268). Comme l’air, l’eau est massivement polluée.
Le second chapitre aborde l’eau sous l’angle régional. De l’Amérique du Nord au Rhin, l’eau est une ressource qui révèle des rapports de pouvoir et suscitent des convoitises. Seule l’Océanie, notamment l’Australie, semble absente de ce chapitre particulièrement mobilisable par les candidats dans les sous-parties d’une dissertation.
A l’échelle mondiale, le système agroalimentaire états-unien incarne la logique d’intensification productiviste, tournée vers des cultures à hauts rendements et exportatrices [Gonin, Quéva, 2024]. 1er production mondial de maïs (31% de la production mondiale), 2e producteur de soja (28,4%) ou encore 3e producteur de coton (16,4%) : l’agriculture contribue fortement à la puissance économique des États-unis. L’agriculture états-unienne se distingue par ses rendements très importants qui sont le reflet de la place prépondérante de l’agriculture intensive dans le pays. Le rendement de maïs y est ainsi de 10,5 tonnes/hectares en 2020 alors qu’il est de 9,9 t/ha en France, de 8 t/ha dans l’Union européenne et de 4 t/ha à l’échelle mondiale. Ces hauts rendements reposent sur une industrialisation de l’agriculture avec une forte mécanisation, une irrigation massive et l’utilisation de variétés à hauts rendements, souvent génétiquement modifiés [Gonin, Quéva, 2024]
Selon l’U.S Geological Survey, l’irrigation représente environ 42% du total des prélèvements d’eau douce du pays. L’épuisement des eaux souterraines, c’est à dire la baisse à long terme du niveau de l’eau causée par les pompages soutenus dans les nappes est un problème majeur aux Etats-Unis.
L’eau : étude géographique, Atlande, 2024, page 277
Au delà de sa simple fonction pratique pour les candidats au concours, ce manuel est un recueil précieux pour la conception de cours (collège, lycée) et la préparation de concours (Capes, Cafep-Capes, agrégations internes et externes). Il peut également fournir d’utiles encarts pour la formation continue d’enseignants désirant se mettre à jour sur le plan épistémologique ou statistiques. De nombreuses données, comme celles sur les kibboutz israélien ou le glacier Petito Moreno en Argentine (page 222) sont issues de la période allant de 2022 à 2024.
Les textes présentent l’avantage d’être synthétique et de reposer sur des exemples localisés. Les enseignants préparant le capes externe d’histoire-géographie pourront s’appuyer sur le zoom de Pierre Ageron à propos du Parana considéré comme une « l’autoroute fluviale ou Hidrovia » (pages 297-298). Les candidats à l’ENS pourront enrichir leur exemplier avec des études de cas précises et mobilisables dans le cadre d’un concours, à l’instar de ce passage écrit par Laurent Coudrier sur la gestion des maigres ressources en eau potable au Yémen :
Au sud de la péninsule arabique désertique, le Yémen est l’un des dix pays dans le monde où la pénurie d’eau est la plus menaçante. […] Situé en milieu aride et semi-aride, le Yémen ne dispose quasiment d’aucune eau superficielle. Son accès à l’eau dépend essentiellement des aquifères fossiles accessibles par des forages profonds, et des usines de dessalement dans le golfe d’Aden qui nécessitent d’énormes quantités d’énergie et des transferts de technologie. […]
La pression sur l’eau est renforcée par une double transition démographique et urbaine brutale. […] Cette pression sur l’eau renforce l’injustice tarifaire et spatiale. Dans la capitale Sanaa, remplir une citerne coûte ente 1800 et 3000 riyals (7 à 12 dollars environ) pour un salaire moyen mensuel de 17 500 riyals (70 dollars environ). Dans les espaces ruraux autour d’Amran, l’accès à l’eau dépend du puits central du village. Un maître du puits rationne l’au en fonction de 2 crières : le nombre de personnes par famille et l’apport de la famille pour la communauté (son implication économique et sociale).
L’eau : étude géographique, Atlande, 2024, pages 429-430
Une dizaine de cartes (dont le barrage des Trois Gorges, les inégalités d’accès à Nouakchott en Mauritanie, la salinisation des sols par l’agriculture irriguée sur les berges du Nil) et une vingtaine de photographies (allant de la passe à saumon dans le Morbihan jusqu’à une fontaine à Las Vegas en passant les chutes du Rhin vues depuis la Suisse et la présentation d’un khlong à Bangkok) sont visibles à la fin de l’ouvrage.
En conclusion, ce volumineux manuel deviendra rapidement un compagnon particulièrement utile pour les candidats à l’ENS de Lyon … et aux professeurs de CPGE les accompagnant !
A noter que les candidats pourront également lire et mobiliser les exemples des 3 articles du dernier numéro de l’Information géographique consacré à l’eau : https://www.revues.armand-colin.com/geographie/linformation-geographique/linformation-geographique-42024
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien