L’année 2013 a vu la sortie de nombreux livres consacrés à la bataille de Leipzig, parmi lesquels ceux de B Colson et S Calvet déjà chroniqués par la Cliothèque. C’est donc avec un certain décalage par rapport au bicentenaire de cette bataille que sort l’ouvrage de Frédéric Naulet. L’auteur est un spécialiste de l’histoire militaire qui a déjà publié chez Economica plusieurs études consacrées aux campagnes napoléoniennes : Eylau, Friedland, Wagram (recensé par la Cliothèque).
Sa nouvelle production se démarque des ouvrages précédemment cités, et à vrai dire, ne correspond qu’imparfaitement au titre donné. En effet, l’étude de la bataille de Leipzig n’occupe qu’un tiers du livre, la majeure partie de celui-ci est consacrée aux évènements du printemps et surtout de l’été et de l’automne 1813 qui précèdent cet affrontement. Sa lecture permet donc d’avoir une étude assez complète de la campagne de 1813 dans son intégralité

Les espoirs déçus du printemps.
La campagne de Russie laisse une Grande Armée exsangue, mais fort heureusement, il en est de même de l’armée russe qui l’a poursuivie. Quant aux Prussiens, ils doivent mobiliser leurs forces alors que les Autrichiens restent encore neutres.
Napoléon lance le rappel des conscrits et de ses alliés, tandis qu’il ramène des troupes expérimentées d’Espagne Il a laissé de nombreuses garnisons dans les places fortes qu’il compte utiliser comme point d’appui tandis qu’il passe à l’offensive pour prendre Berlin et détruire les armées coalisées. Mais s’il arrive à battre Russes et Prussiens à Lützen puis Bautzen, le manque de cavalerie et l’épuisement des hommes empêchent les Français de remporter une victoire vraiment totale. Napoléon décide alors d’accepter l’armistice proposé par les coalisés.
Décision souvent critiquée, mais qui permet à l’Empereur de renforcer son armée avec les contingents de la Confédération du Rhin, les troupes rappelées d’Espagne et surtout avec une vraie cavalerie. La motivation des troupes alliées est cependant très variable, les premières défections ont lieu, tandis que l’approvisionnement en vivres laisse à désirer. Mais du côté des coalisés, on se renforce aussi, et surtout, on voit l’Autriche se décider à entrer en guerre contre la France. Néanmoins, les divergences entre souverains coalisés sur les buts de guerre et les problèmes de commandement liés à une armée multinationale sont autant de faiblesses que Napoléon compte exploiter.

Un été entre victoires et défaites
L’auteur se livre à une étude des plans de chacun. La stratégie des coalisés est simples éviter le combat là où se trouve Napoléon dont on craint les qualités militaires et l’effet moral. Par contre, on choisit d’affronter ses corps lorsqu’il est absent. Avec un objectif opérationnel, arriver à concentrer les troupes divisées entre les armées du Nord, de Silésie et de Bohème en cas de bataille générale.
Pour Napoléon, il faut préserver la Saxe alliée et obtenir une victoire décisive avant l’automne. Il compte sur le fait que les hostilités connaîtront une pause durant l’hiver, et il sous-estime aussi la détermination des Prussiens qu’il considère comme n’ayant pas changé depuis 1806. Berlin est donc pour lui un objectif majeur qui en plus d’affaiblir les Prussiens, obligerait les Suédois de Bernadotte à se replier. Une mission confiée à Oudinot épaulé par Davout dont les forces sont cependant séparées de près de 300 km… L’armée principale reste déployée en Saxe pour y affronter et battre l’armée de Bohème. Tandis que Ney fait écran face aux Prussiens.
Frédéric Naulet montre comment le plan va cependant se heurter à la tactique ennemie et à la difficulté qu’ont les Français à obtenir des renseignements fiables sur la position de leurs adversaires. Dès le 16 août l’armée de Silésie passe à l’offensive, Ney appelle à l’aide Napoléon qui réoriente l’armée pour le secourir. Des combats de faible intensité ont lieu, mais la détermination des Français fait comprendre à Blücher que Napoléon est présent et il replie lentement ses forces pour entraîner Napoléon loin de Dresde. Mais celui-ci a été averti le 22 de l’avance de l’armée de Bohème vers la capitale saxonne. L’armée française se réoriente alors dans une de ses marches rapides, mais qui épuise des soldats qui ne sont plus ceux de 1805. Les 26 et 27 août, à la bataille de Dresde l’armée de Bohème est défaite. Mais sa poursuite se passe mal, la coordination des forces laisse à désirer, et le corps de Vandamme, trop en pointe est sévèrement battu à Kulm ce qui permet aux coalisés de se mettre à l’abri.
Or, dans le même temps, Oudinot est stoppé dans sa marche sur Berlin à Gross Beeren le 23. Tandis que l’armée de Macdonald laissée face à Blücher, essuie une défaite en tentant de passer la Katzbach le 26 août et doit reculer en désordre. Oudinot est alors remplacé par Ney qui persiste à vouloir marcher sur Berlin. Il est sèchement battu à son tour à Dennewitz le 6 septembre. Une série de défaites qui annule les gains de la bataille de Dresde et fragilise encore plus le moral des contingents alliés mais aussi la motivation de certains officiers français las de tant de campagnes.

Vers la bataille décisive.
Napoléon décide alors de marcher sur Blücher, mais celui-ci refuse alors le combat dans la première semaine de septembre. L’empereur doit alors retourner ses forces vers Dresde, à nouveau menacée par l’armée de Bohème. Les austro-russe se retirent alors à nouveau vers le sud tandis que Blücher se remet en marche ses forces au nord. Le gros des forces françaises doit alors à nouveau changer de direction, et Blücher se retire. Marches et contremarches usent les hommes sans véritable résultat. Les conscrits n’ont pas l’endurance de leurs aînés, et leur moral dépend trop de la présence de l’empereur. Tandis que cosaques et corps francs harcèlent les convois et renforts en marche.
L’armée française est surprise par le passage de l’Elbe par les armées de Blücher et Bernadotte qui semblent converger vers Leipzig pour faire leur jonction avec l’armée de Bohème. Après avoir envisagé une attaque sur les arrières de l’ennemi, Napoléon pense tenir sa bataille décisive. Il veut battre ses adversaires avant qu’ils ne soient réunis. Au sud, Murat freine la progression de l’armée de Bohême.
Le 16 octobre, la bataille s’engage. Celle-ci va durer jusqu’au 19, avec une pause le 17. Jamais autant d’hommes ne se sont affrontés (plus de 500 000 combattants), sur une telle durée et un espace tel qu’il donna lieu à trois champs de batailles séparée dans la bataille. Le récit du combat permet de voir comment Napoléon faillit tirer parti de la dispersion de l’armée de Schwarzenberg pour la battre le 16 près de Wachau tandis que Ney freinait Blücher à Möckern. Les combats épuisèrent les deux camps et la bataille ne reprit vraiment que le 18, mais l’armée du Nord de Bernadotte est venue renforcer les coalisés. Sous le poids du nombre, la lutte est trop inégale pour les Français abandonnés par une partie de leurs alliés au milieu de la bataille.
Dès lors, le 19, il ne reste plus qu’à tenter de sauver ce qui est possible, l’engorgement de la ville de Leipzig et du pont de l’Elster complique une retraite mal préparée. Le pont saute trop tôt piégeant une partie de l’armée. Ceux qui le peuvent passent à la nage ou sur des passerelles improvisées, certains y laissent leur vie comme le maréchal Poniatowski. En partie réorganisée, l’armée française s’ouvre la route vers la France et bouscule ses anciens alliés bavarois à Hanau, le 30 octobre.

En conclusion
Un ouvrage documenté qui permet de mieux comprendre les problèmes rencontrés par l’armée française en cette campagne d’Allemagne de 1813 (faiblesse de la cavalerie, conscrits inexpérimentés, défaillances du commandement) et qui oblige l’empereur à accepter un armistice estival. Mais l’étude n’exempte pas pour autant l’Empereur de ses responsabilités dans les erreurs, lors de la campagne ou lors de la bataille elle-même. L’auteur a eu le souci de fournir de nombreuses annexes, en particulier des cartes de la plupart des mouvements et affrontements cités. Cela aurait été parfait si la réalisation de certaines d’entre-elles avaient été améliorée pour les rendre vraiment lisibles.

François Trébosc© Les Clionautes