Il s’agit en fait de la réédition d’une série de conférences prononcées en automne 1968 à l’université d’Indiana par l’éminent sumérologue Samuel Noah Kramer, publiée en version originale sous le titre The Sacred Marriage Rite paru en 1969 et traduit en français au début des années 1980 par le célèbre assyriologue Jean Bottéro y ajoutant une introduction et un appendice consacré aux hiérogamies postérieures à l’époque sumérienne (cf. S.N. KRAMER, Le mariage sacré, Berg International, 1983). L’ouvrage, grand classique de la littérature mésopotamienne, étant devenu introuvable, sa réédition était nécessaire.

En revanche, cette nouvelle édition ne se présente pas comme telle, et ce d’une façon pour le moins curieuse : changement de couleur de couverture qui de blanche devient noire, changement de photographie de couverture, changement dans l’indication de l’auteur, changement de titre, et une quatrième de couverture présentant l’ouvrage comme issu de « récentes découvertes archéologiques »à propos d’ « un rite de fécondité » célébré entre le roi et « une prostituée sacrée ». Tout ceci peut apparaitre discutable car le texte est bien celui de la fin des années 1960 complété au début des années 1980. On ne peut cependant le reprocher ni à Samuel Noah Kramer mort en 1990, ni à Jean Bottéro mort en 2007.

Les deux grands assyriologues, ont d’ailleurs continué à travailler ensemble pendant de nombreuses années et sont revenus sur certains points (cf. Jean BOTTÉRO et Samuel Noah KRAMER, Lorsque les dieux faisaient l’homme, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1989). Depuis, la recherche a encore progressé et l’on sait aujourd’hui que la signification du rite n’est pas la même suivant les lieux et les époques (il s’agit de plusieurs millénaires), que les protagonistes différent également et que le rite ne comporte pas forcément d’acte sexuel (cf. à titre non exhaustif : Piotr STEINKELLER, «On Rulers, Priests and Sacred Marriage: Tracing the Evolution of Early Sumerian Kingship», dans Kazuko WATANABE (éd), Priest and Officials in the Ancient Near East, Heidelberg, Universitätsveilag C. Winter, 1999, p. 103-137; Tvi ABUSCH « Ishtar », NIN 1, Journal of Gender Studies in Antiquity, 2000, Martti NISSINEN, «Akkadian Rituals and Poetry of Divine Love» dans Robert M. WHITING (éd), Mythology and Mythologies; Methodological Approaches to intercultural Influences; Mellammu Symposia II, Helsinki, 2001, p. 93-136 ; et pour un accès plus simple mais moins détaillé : Véronique GRANDPIERRE, Histoire de la Mésopotamie, Folio Histoire, Gallimard, 2010 p. 144-154 pour les rapports entre le roi et les dieux et p. 384-399 pour la déesse Inanna/ Ištar).
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3180

C’est sans doute moins torride (et donc moins attractif pour le grand public) qu’une « prostitution sacrée » – chère, certes, à Hérodote – mais combien plus intéressant quant à sa signification (qui n’est pas qu’un simple rite de fertilité) et son influence dans d’autres religions -y compris monothéistes- prenant leurs racines au Proche-Orient. Samuel Noah Kramer, brillant épigraphiste, avait à juste titre, il y a plus de 40 ans, pris soin d’intituler son livre The Sacred Marriage Rite, terme plus neutre et plus adéquat.

Bref un étudiant en assyriologie ou un candidat à l’agrégation externe d’histoire ayant tiré sur le sujet une question de hors programme, s’il doit utiliser cet ouvrage (et il le doit car il y trouvera des textes traduits nulle part ailleurs en français et en cela il faut saluer l’initiative de l’éditeur), ne doit pas se fier à sa date de parution ni à sa présentation faite par l’éditeur car il risquerait alors de compromettre gravement ses chances de réussite à l’examen ou au concours.

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