L’histoire débute en 1940. Tandis que la Seconde Guerre Mondiale fait rage, le Japon est sur le point d’entrer lui aussi dans le conflit. Le pays s’enfonce dans une dictature de plus en plus intolérante et ferme ses frontières. Dans ce contexte troublé, l’entreprise de commerce international Fukuhara peine à maintenir son activité, alors que les contacts avec l’Occident sont de moins en moins tolérés par les autorités, de même que les modes de vie à l’occidentale. Yusaku, le président de cette entreprise, au-delà de ses déboires professionnels, a tout pour être heureux. Sa femme, Satoko, est belle et aimante. Pour continuer ses affaires, Yusaku, décide de chercher de nouveaux canaux d’approvisionnement en Mandchourie, province du nord de la Chine passée sous domination japonaise. Malgré les réticences de Sakoto, sa femme, il se lance dans un mystérieux voyage de plusieurs mois avec son neveu Fumio. À leur retour, Satoko sent un changement et devine un secret. Fumio s’éloigne brusquement, et Yusaku annonce à son épouse qu’il compte arranger leur départ aux États-Unis, ennemi en puissance du Japon.
Ce manga, prévu en deux volumes, est une adaptation du film de Kiyoshi Kurosawa, célébré à la Mostra de Venise 2020 (Lion d’argent de la mise en scène). Le mangaka, Masasumi Kakizaki, est connu par son manga d’horreur Hideout ou son histoire de western Green Blood.
Le premier tome de cette romance historique, très plaisant à lire, plante le décor et les bases de l’intrigue avec efficacité, contextualisant la situation du couple de héros et l’entrée en guerre du Japon. En plus de présenter la société japonaise lors de son entrée en guerre, ainsi que la montée d’une dictature fermée au monde occidental, cette histoire s’interroge sur un thème intemporel : face à la menace de la guerre, de la violence, du fanatisme et de la mort, jusqu’où iriez-vous pour rester fidèle à vos idéaux ?
Le récit se concentre sur l’histoire d’amour de Yusaku et Sakoto, ainsi que sur l’entreprise de Yusaku. En arrière-plan, l’horreur de la guerre, à peine déclenchée à la fin de ce premier tome, par la propagande qui se met en place et un patriotisme intransigeant, se dessine petit-à-petit, laissant planer son ombre sur le couple et son avenir. Le suspense s’installe petit à petit, sans qu’il ne se passe quoi que ce soit, et préparant habilement le second tome qui devrait voir le récit s’accélérer et la descente aux enfers des héros. Le lecteur suit le récit au travers des yeux de Satoko, jeune femme radieuse et profondément gentille. A la fin, sa perception des événements commence à changer, la peur s’insinuant insidieusement en elle. On devine que le second tome la verra brisée par la guerre et la découverte de ce qu’il s’est passé pendant le voyage de son époux, dont on ignore pour l’instant tout.
Avec des graphismes beaux et des personnages très expressifs, l’auteur montre à merveille les tourments de ses personnages. Le choix d’intégrer de véritables morceaux de photographies pour présenter le contexte historique, sans créer de rupture avec le reste des illustrations, est très intéressant et contribue à poser une ambiance grave et oppressante.
Ce manga a, selon moi, toute sa place dans les CDI. Il permet de découvrir la société japonaise en guerre, méconnue des élèves et presque absente des programmes scolaires. Il permet un intéressant prolongement du cours sur la Seconde Guerre mondiale, voir même un parallèle avec la montée des régimes totalitaires en Europe (même si la dictature japonaise ne fonctionne pas de la même manière). Cela va être dur d’attendre le second tome et le dénouement de cette histoire…