« Ce n’est plus un événement, c’est une nouvelle ». Ce mot attribué à Talleyrand à l’annonce de la mort de l’Empereur laisse penser que la page de l’épopée napoléonienne est désormais tournée, à l’heure de la Restauration. Une forme d’indifférence s’est installée.
Au terme de six ans de bannissement, Napoléon s’éteint à 17 h 49 le 5 mai 1821, entouré des fidèles compagnons de la dernière heure, Marchand, Bertrand, Montholon, Ali… après une quarantaine de jours passés dans sa chambre. Il avait cinquante et un ans, huit mois et vingt jours.

Avec la publication du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases, en 1823, se déploie la légende. Elle connaît son apothéose avec le Retour des cendres en 1840.
L’exposition et le catalogue qui l’accompagne retracent l’agonie d’un prisonnier exilé, vécue dans son intimité, sur une île lointaine de l’automne austral.
Les brefs essais successifs occupent la moitié de l’ouvrage avant le catalogue des œuvres exposées. Ces articles éclairent sur les liens et les rapports entretenus entre Napoléon, ses compagnons d’exil et les autres. On passe de l’agonie à la mise en scène d’une transfiguration.

Au plus près des sources et s’appuyant sur d’innombrables témoignages contemporains de cette époque, il est question, de vieillesse, de testament, d’agonie par le détail, de médecine, de religion, de Dieu, de postérité et de gloire. Les meilleurs spécialistes du moment sont réunis pour rédiger cet ouvrage.

La gloire d’un sommeil éternel. Napoléon et la mort

Le premier essai apporte des réflexions sur les interrogations, les préoccupations et l’état d’esprit de Napoléon, en quête de sens de l’existence.
Bonaparte est confronté assez tôt au deuil. Il n’avait que seize ans quand son père meurt à l’âge de trente-neuf ans, emporté par une maladie de l’estomac.
Louis-Etienne Saint-Denis (le mamelouk Ali) avait pour mission de sélectionner 400 livres parmi les 588 volumes emmenés à Sainte-Hélène, qui seraient donnés au roi de Rome à ses seize ans. Les ouvrages voyagent dans les bagages de Montholon (1821). Malgré les efforts de Saint-Denis et de Marchand, le legs ne se fera pas. Avec la mort du duc de Reichstadt le 22 juillet 1832, l’héritage passe à Madame Mère. Cette dernière meurt le 2 février 1836. Ses ayants droit sont désormais ses cinq enfants survivants (Caroline, Jérôme, Louis, Joseph, Lucien) et une petite fille.
Le suicide, dans une vision antique, est aussi évoqué.

Napoléon et Dieu

« Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans. »
Napoléon se prépare à une mort chrétienne en se confessant à l’abbé Vignali, un prêtre corse, envoyé par Madame Mère et le cardinal Fesch. Il lui administrera l’extrême-onction. Pourtant l’Empereur déchu a été critique à l’égard de l’enseignement religieux, du clergé et de ses mœurs. Cependant la religion, garante de l’ordre social, est nécessaire pour gouverner les peuples. Il croit en un Dieu créateur mais pas en l’immortalité de l’âme. Détaché des pratiques du catholicisme (la communion par exemple), il ne renonce pas pour autant à l’idée de Dieu.

Le testament de Napoléon Ier. Une déclaration pour la postérité

Sa rédaction s’est concentrée sur deux semaines, entre le 11 et le 29 avril 1821, assis dans son lit, selon la description du valet de chambre Marchand. Le testament compte cinq pages manuscrites et sept codicilles.
Au-delà de l’acte juridique, il comporte une dimension politique, psychologique et intime, avec la double posture : celle d’un particulier et d’un monarque. Les legs politiques s’ajoutent aux dons matériels et financiers. Les compagnons de Sainte-Hélène sont pécuniairement récompensés pour leur fidélité. Les « traîtres » sont nommément cités : Marmont, Augereau, Talleyrand, La Fayette. Les membres de la famille ne reçoivent aucun argent, seulement quelques objets à valeur affective.

Le compte ouvert à la banque Laffitte, dont il ne reste plus que 3 millions de francs (sur les 210 millions initialement prévus) constitue la seule source financière fiable pour l’héritage. Environ 60 % des montants initiaux seront versés aux bénéficiaires du testament.

Napoléon ne possède plus beaucoup de biens matériels. Les vestiges d’une fortune et d’une gloire passées se résument à un ensemble hétéroclite composé de pièces d’argenterie, de vaisselle en porcelaine de Sèvres, de l’épée d’Austerlitz, de linges de corps, d’une lunette de vue, de lits de camp pliables, de livres.
Certains legs ont une portée politique. Lady Holland qui incarne l’opposition au gouvernement conservateur de Londres hérite d’une précieuse tabatière. Cantillon, un obscur sous-officier, reçoit la somme de 10 000 francs pour sa tentative d’assassinat en 1818 de Wellington, le vainqueur de Waterloo. Ces choix permettent de mesurer les rancœurs, l’aigreur de la défaite et la colère face à la déchéance.

Par l’entremise d’Alexandre Walewski, fils naturel de Napoléon et ambassadeur de France à Londres, la reine Victoria accepte de céder le testament à Napoléon III en 1853.

L’agonie

La dernière promenade en calèche de Napoléon sur le plateau de Longwood a lieu le 17 mars 1821. S’ensuit une longue agonie. Son état empire, cloué au lit, fiévreux, crachant du sang, vomissant fréquemment, transpirant sans cesse, respirant difficilement et à bout de forces. Ses hémorragies gastriques s’aggravent. Les pertes de sang ne permettent plus d’irriguer les membres inférieurs. Les valets tentent, en vain, de réchauffer les pieds glacés. Les deux médecins, l’Anglais Arnott et le Français Antommarchi ne recommandent que quelques lavements. Malgré l’opposition d’Antommarchi, le remède prescrit qui concentre du chlorure de mercure (calomel), utilisé habituellement comme laxatif, précipite la mort.

S’appuyant sur les sources historiques, Pierre Branda décrit avec précision les derniers instants.
Philippe Charlier, médecin légiste, revient sur les signes cliniques et les facteurs psychologiques (la dépression) conduisant à une dégradation de l’état de santé de Napoléon, accentuée par l’environnement malsain de l’île (vent humide permanent, en autre). Le rapport d’autopsie, imprécis, fait état d’une perforation de la paroi de l’estomac (ulcère avec fibrose périphérique ou tumeur maligne ?). L’hypothèse du cancer peut être retenue compte tenu de l’état physique et physiologique du « patient Napoléon ». Il a en effet perdu dix kilos les sept derniers mois de sa vie.

Un décès par hémorragie interne massive, et accentué par une tachycardie, peut être avancé.
Cependant les partisans de la thèse de l’empoisonnement sont encore nombreux.
Comme on le sait depuis longtemps, l’analyse toxicologique d’échantillons de cheveux révèle une présence d’arsenic. Les hypothèses sont nombreuses, comme par exemple, la colle (ou les colorants) des papiers peints (changés en 1819) de la propriété de Longwood. Des études ont montré que le taux d’arsenic sur l’île est particulièrement élevé, notamment dans l’eau de boisson. On évoque aussi l’interaction du vin de Constance avec les pichets en étain, riches en arsenic…

Derrière une double page, où est reproduit le tableau la première version de L’île des morts (1880) d’Arnold Böcklin on découvre une longue frise chronologique qui se déplie sur sept pages, comprenant presque soixante-dix temps forts. Intitulée « L’exil, la mort, la gloire », elle débute par le débarquement à Jamestown de Napoléon et de sa suite, le 16 octobre 1815, après deux mois de mer sur le HMS Northumberland, et s’achève par le transfert du corps de l’Empereur dans la crypte du Dôme le 2 avril 1861.
Au revers de ces pages on peut lire des citations de Napoléon et de ses contemporains, témoins de cette période.
A noter qu’on aurait préféré voir une version plus tardive de L’île des morts conservée à l’Alte Nationalgalerie de Berlin, qui nous paraît plus aboutie.

Un travail cartographique présente la diffusion de l’annonce de la mort de Napoléon en Europe. Le navire HMS Heron, parti de Sainte-Hélène le 7 mai 1821 arrive à Plymouth le 3 juillet. La nouvelle parvient à Londres le 4 juillet. Aux États-Unis, un journal de Boston donne l’information le 6 août.
Sur ce sujet, on pourra lire l’ouvrage de Thierry Lentz, Bonaparte n’est plus ! Le monde apprend la mort de Napoléon (Juillet – Septembre 1821) aux éditions Perrin (2019).

Impérissable

L’autopsie a lieu le lendemain de la mort de Napoléon. Face à la ferme opposition de Bertrand et Montholon, le docteur Antommarchi ne touche pas au cerveau. Le cœur et l’estomac sont déposés dans les « vases » et placés dans le cercueil entre les jambes. La tentation de retrouver les coutumes funéraires rituelles des rois de France s’est manifestée, mais ne se réalise pas.

Bertrand, le grand maréchal du palais, décrit la mise en scène de la veillée funèbre :
« On l’a posé sur son manteau de Marengo et sur son lit de guerre, où il avait terminé sa vie ; des rideaux blancs tortillés autour des quatre colonnes, au pied de l’autel. La chambre tendue de noir, plafond et parquet, le lit environné de candélabres et flambeaux, un lustre au milieu, le Grand Maréchal à la tête du lit, Mme Bertrand et ses enfants, derrière elle. M. l’abbé Vignali à genoux, au pied de l’autel. »
On se presse à Longwood pour voir la dépouille du défunt. On comprend que cette veillée dépasse le caractère intime, pour donner une portée plus politique.

Sans tarder, en raison du climat de l’île, on dépose le corps dans un emboîtement de cercueils, en fer-blanc, en bois, en plomb, en acajou.
L’exhumation de 1840 semble avoir été un moment d’émotion et de recueillement partagés. Animé par un esprit de vénération, on n’est pas loin de la résurrection, en raison du bon état de conservation du corps, dix-neuf ans après l’inhumation. A homme extraordinaire, cadavre extraordinaire. On perçoit l’incorruptibilité du corps de l’Empereur dans les témoignages. Le parallèle avec l’exhumation de Turenne ou d’Henri IV est établi.

La prise d’empreinte du visage de Napoléon à travers ses masques mortuaires entretient le caractère « impérissable » du personnage, dans son repos éternel.

Un nouveau messie ?

L’article de Thierry Lentz tend à rappeler que la comparaison avec le Christ eut cours tout au long du XIXe siècle. On procède par analogie. Napoléon est l’archétype du « Sauveur » de la nation. L’empereur à ses judas (Talleyrand, Fouché, Marmont, Murat, Grouchy…), son Ponce Pilate, Hudson Lowe ; sa couronne d’épines, sa captivité ; son Golgotha, la maison de Longwood ; sa Croix, son lit de camp ; son Saint-Sépulcre dans la vallée du Géranium, vide lui aussi après 1840… Napoléon avait quitté son tombeau hélénien pour une glorieuse Ascension !

Sous la plume de Las Cases, les « Evangiles » de Sainte-Hélène diffusent sa Parole. Les sarcasmes du périodique royaliste La Foudre (juillet 1821) n’auront pas d’écho : « Le petit gentilhomme corse n’est pas mort sur la Croix, mais sur un duvet, circonstance, du reste, que nous sommes loin de trouver mauvaise ».
Dans ses écrits de voyage, dès 1826, l’écrivain Heinrich Heine surnomme les mémorialistes de Sainte-Hélène les quatre « évangélistes » : O’Meara, premier médecin jusqu’à son remplacement en 1819 par Antommarchi (1822), Las Cases (1823), Antommarchi (1825), Montholon (1847). La liste s’allonge en prenant la publication des témoignages de Gourgaud, Bertrand, Ali, Marchand, relatant le calvaire de leur maître.

Selon Adam Mickiewicz, poète romantique et professeur au Collège de France, Napoléon doit son rôle d’« envoyé de Dieu » a « ses talents de meneur d’hommes, sa volonté de renverser l’ordre politique et social ».

La tombe de Napoléon à Sainte-Hélène

Au début de sa captivité, l’Empereur avait baptisé la « vallée du géranium » un terrain marqué par la présence d’une source où il aimait s’y désaltérer. Dès la fin de 1816, il n’y retournera plus. Se doutant du refus des Anglais d’être inhumé à Paris, Napoléon confie à Bertrand son désir d’être « enterré près de la fontaine qui l’avait nourri pendant six ans ». C’est chose faite le 9 mai 1821.

Les célèbres vers de Lamartine, « Ici gît… point de nom !… Demandez à la terre ! », font écho à l’Innommé de Sainte-Hélène.

Des aménagements sont réalisés pour que la tombe soit gardée jour et nuit.
Devenant un lieu de pèlerinage, Richard Torbett, principal commerçant de Longwood et propriétaire du site, réclame une compensation financière. Menaçant d’ouvrir une auberge ou une maison de passe, d’imposer un droit de péage sur un sentier menant à la tombe, les directeurs de la Compagnie des Indes cèdent en 1826. On lui verse une indemnité forfaitaire de 1 200 livres (soit 107 000 livres de 2020).

L’imagerie du XIXe siècle donne une portée allégorique et naturaliste à cette tombe. La comparaison avec celle de Rousseau à Ermenonville est fréquente. On cherche ainsi à rapprocher la destinée peu commune de deux illustres hommes.

Le Retour des cendres

Le Premier ministre britannique, lord Palmerston, accepte, en mai 1840, la demande de François Guizot, ambassadeur à Londres.

Pour respecter la volonté de l’Empereur de reposer « sur les bords de la Seine », les Invalides sont choisis. Ainsi il rejoint Turenne et Vauban, dans ce « temple de Mars ».

L’expédition qui part du port de Toulon le 7 juillet 1840 est commandée par le fils du roi, le prince de Joinville. Le comte de Rohan-Chabot, placé à la tête de la mission par le roi, est chargé de la réussite diplomatique. Des instructions sont consignées car on ne sait dans quel état se trouve la dépouille de Napoléon. Il faudra reconnaître le corps. C’est pourquoi des témoins sont du voyage : Gourgaud, Bertrand, les domestiques Marchand et Saint-Denis (dit le mamelouk Ali), le fils de Las Cases. Mais Montholon est écarté. La frégate la Belle-Poule arrive dans la rade de Jamestown le 8 octobre.

Après un passage à la maison de Longwood transformée en étable, on s’attache à l’exhumation du sarcophage dans la nuit du 14 au 15 octobre. Sous la direction du chirurgien Guillard, les quatre cercueils sont ouverts vers 12 h 45. L’état exceptionnel de conservation du corps est raconté par Marchand. De peur d’une dégradation, le cercueil est refermé au bout de deux minutes.

Partie le 18 octobre, la dépouille débarque à Cherbourg le 29 novembre. Puis elle est transférée à bord du bateau à vapeur Normandie qui la conduit au Havre, et enfin à Rouen. Remontant la Seine, sur la Dorade III, le convoi arrive le 14 décembre à Courbevoie.
La cérémonie du Retour des cendres aux Invalides a lieu le lendemain en présence de Louis-Philippe, qui accueille Joinville. On estime à 800 000 personnes rassemblées ce jour-là pour voir passer le char funèbre ?!

De Sainte-Hélène aux Invalides. Tombeaux rêvés, tombeau crée

Quatre-vingts candidats proposant des projets de tombeau sont exposés à l’École des beaux-arts.
Le projet retenu de Louis Visconti s’inscrit dans l’architecture préexistante, en distinguant une partie royale et divine dans les parties hautes, et une autre, impériale et laïque dans les parties souterraines. Visconti écarte l’idée du recours à des figures d’affliction.
Après de longues années de construction et de réflexion, le tombeau est achevé en 1853, mais il s’agir seulement d’un cénotaphe. Il n’est « habité » qu’en 1861. La commémoration du 5 mai s’institue.
Son pouvoir d’attraction s’amplifie au fil du temps. Les combattants de la Première Guerre mondiale viennent y puiser du courage et de l’inspiration.

Retour des cendres, retour du refoulé

On voit apparaître des Napoléon un peu partout, notamment à l’asile. On dénombre treize à quatorze empereurs à Bicêtre… au profil toujours semblable : autoritaire, colérique, capricieux, méprisant, impérial, à la mine grave. Ces épigones délirants ou aliénés se projettent dans cette figure fascinante du héros, au destin hors du commun. Dépassant Jésus, Mahomet ou Louis XIV, Napoléon reste la figure délirée la plus populaire, d’après les registres des asiles de la Seine entre 1789 et 1871.

Le catalogue des œuvres exposées

La deuxième partie de l’ouvrage présente les 202 œuvres exposées, assorties de leurs brèves notices. Les neuf sections de ce corpus correspondent au parcours de l’exposition. Nous indiquons entre parenthèses, lorsqu’il diffère, le titre utilisé dans l’espace de visite au musée de l’Armée :

– Napoléon pour l’éternité. Immortalité, transfiguration, apothéose. (Napoléon l’immortel)
– Mourir.
– Le visage et le corps. (L’autopsie et les masques mortuaires)
– L’adieu. (La veillée funèbre)
– Un testament pour la postérité. (Le testament)
– La tombe et le fantôme. (La tombe de Sainte-Hélène)
– Le retour de l’Empereur. (Le Retour des cendres)
– Napoléon aux Invalides.
– Les visiteurs du tombeau. (Monumental)

On y découvre des tableaux, des gravures, des dessins et croquis, des habits, le testament olographe, différentes versions de masques mortuaires, des textes manuscrits divers des protagonistes (comme les notes de Bertrand), des reliques en tout genre (fragment de cartilage prélevé lors de l’autopsie, taie d’oreiller du lit de l’autopsie, fragment de la barrière métallique de la tombe, une boîte scellée des (5) clés du cercueil…), un écritoire, une longue-vue, un nécessaire dentaire, de la porcelaine de Sèvres, des tabatières, une pendule de table de Longwood arrêté à 5 h 49, le « petit chapeau » (celui porté à la bataille d’Eylau), le glaive de Premier Consul, l’épée d’Austerlitz, des sabres, des médailles de Sainte-Hélène (1857), des légions d’honneur, une édition de 1824 du Mémorial de Sainte-Hélène, un cercueil reliquaire miniature, des projets pour le tombeau…

Certains documents historiques sont assez insolites. C’est notamment le cas d’un banal dos d’une carte à jouer, un valet de trèfle, sur lequel Marchand à noter à la hâte les derniers pensées de Napoléon, où il lègue son patrimoine corse à son fils. Ce texte est considéré comme le neuvième codicille au testament.

La dernière notice du catalogue correspond à une très intéressante lettre de De Gaulle adressée à ses enfants, vers 1936. On pourra lire, dans le catalogue de Napoléon intime, les trésors de la collection Bruno Ledoux, aux éditions du Seuil (2018) une transcription plus complète :
« Comment ne pas parler de Napoléon en évoquant ces hommes au destin hors du commun. Des heures durant, enthousiaste, j’écoutais mon père me raconter Arcole et la campagne d’Égypte, d’une voix pétrie d’admiration et d’émotion. Mon enfance fut bercée par la légende de l’Aigle, alors que ma bonne mère n’avait d’admiration qu’en notre Sainte Mère l’Église et monsieur Pasteur, mon père me fit découvrir avant toutes choses le tombeau de l’Empereur au pied duquel me furent racontés maintes fois ses actes et ses exploits […]
L’Histoire ne retient que les noms de ceux qui savent violenter leur propre destin, c’est ce que l’Empereur et mon père m’ont appris, l’un en me l’expliquant et l’autre en me le démontrant. »

A l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon, la publication de cet ouvrage, très complet, catalogue de l’exposition qui se tient au musée de Armée jusqu’au 19 septembre 2021, permet de bien saisir ces instants d’exil, de mort et de gloire, qui se figent pour la postérité.
Rare personnage historique aura suscité autant d’émotion, de dévotion, d’exaltation, mais aussi de sarcasme. De l’admiration à la détestation, le champ des perceptions demeure très ouvert.

Richement documenté, le récit de la fin de l’Empereur entre dans une proximité et une intimité qui, d’une certaine manière, entretient encore la légende. Certes les apports scientifiques, les sources et la recherche historiques peuvent contribuer à la démystification et à la désacralisation, mais la fascination pour Napoléon semble encore bien vivace malgré ses contempteurs. Sa silhouette s’affiche en bien des occasions et des lieux. Les souvenirs, objets commerciaux ou publicitaires ne manquent pas… Napoléon n’est plus… mais dans la mémoire collective il est partout.