« L’histoire humaine n’aurait pu se dérouler comme elle a lieu sans les animaux » dit Eric Baratay, historien et auteur de nombreux livres sur le sujet dont «  Le point de vue animal » en 2012 ou, plus récemment, « Cultures félines ». Jusqu’au XIXe, siècle le travail a été, pour certains animaux, une fonction plus importante que la fourniture de viande ou de matières premières. Les animaux ont aussi nourri l’histoire culturelle.

En ce début de XXIe siècle, il faut remarquer une revalorisation croissante du monde animal. Les articles réunis ici ont été publiés dans l’Histoire depuis 1980. Le livre est organisé en cinq parties introduites chacune par un texte général.

Rencontres au fil du temps

Ce premier thème retrace les modalités de la rencontre entre les hommes et les animaux. Olivier Thomas s’intéresse aux rats dans Paris. Ils seraient entre 3 et 4 millions dans la capitale. La crue de la Seine en 1910 les chasse de leurs cachettes et les rendent visibles. Les rats sont des animaux commensaux et donc, tant qu’il y aura des hommes, il y aura des rats. Le deuxième article parle de la chasse chez les Romains et les auteurs invitent à ne pas limiter le sujet aux seules chasses impériales et aristocratiques. Robert Delort s’occupe des éléphants en montrant leur rôle guerrier dans l’Antiquité. Cependant, cette tactique ne dura pas pour plusieurs raisons dont le fait que l’éléphant se reproduit trop lentement.

Mis au service

L’une des grandes étapes de l’enrôlement des animaux dans l’histoire humaine a été leur mise au service, très souvent au travail. Un article évoque la place du chien. Aucune bête n’a autant marqué le vocabulaire occidental. Le chien a eu un rôle de dévoreur de cadavres et d’ordures. Le grand apport du Moyen Age est la progressive sélection des races en fonction des missions assignées lors des chasses. Daniel Roche explique l’importance du cheval et de sa domestication. Il a mis du temps avant de l’être. A la Renaissance, le cheval occupe une position stratégique. Après la Première Guerre mondiale, il est relégué dans l’économie des courses et des loisirs. Toujours sur le cheval, Philippe Contamine centre son propos sur le triomphe du cheval au Moyen Age. L’article suivant parle du dromadaire, poids lourd du désert. Il peut accomplir 60 kilomètres par jour, il est plus rapide que l’âne et est en mesure d’emporter 200 kilogrammes de bât sur de longues distances. Une difficulté néanmoins est à  souligner : la difficulté de son élevage.

Elever pour produire

Les domestications n’ont pas eu que le travail pour objectif, mais aussi la fourniture de produits animaux. Il est à noter que la part de l’élevage a sans cesse fluctué en intensité et en importance. Marie-Pierre Horard-Herbin aborde la révolution de l’élevage. Le boeuf, le porc et le mouton deviennent rapidement les principaux pourvoyeurs de viande. L’archéozoologie permet aujourd’hui d’en savoir plus par exemple sur les tabous alimentaires. La viande est aussi un marqueur social. Christophe Chandezon se demande si les Grecs aimaient leurs animaux. Les bovins représentaient les offrandes les plus prestigieuses. Au début du XVIIe siècle, le cochon est partout dans les campagnes. Eric Baratay livre plusieurs chiffres sur la présence des animaux à l’époque industrielle. Il note aussi que les animaux se transforment car une vache moyenne pèse 300 kilogrammes au milieu du XIXe et 500 dans l’entre-deux- guerres.

Nichés dans les imaginaires et les politiques

Les animaux peuplent enfin nos imaginaires. Massimo Montanari revient sur les liens entre les chrétiens et la viande. Michel Pastoureau développe le bestiaire symbolique du Moyen Age. Il poursuit sur les procès d’animaux comme avec cet exemple d’une truie jugée à Falaise en 1386. L’historien note la difficulté de travailler sur un tel sujet car les archives sont rares et dispersées. Dans neuf cas sur dix, c’est un porc qui est jugé. Il s’agit à la fois d’un animal nombreux et vagabond. Mais c’est sa parenté avec l’homme, selon les idées de l’époque, qui explique sa présence au tribunal. Philippe Salvadori traite du portrait du roi de France en chasseur et Pierre Serna propose une contribution intitulée «  1793, la république des animaux ».

En conclusion Eric Baratay revient sur la façon dont les historiens ont découvert les animaux. C’est un chantier commencé depuis longtemps mais qui s’est tardivement constitué en champ historique avec ses problématiques et ses méthodes. Il rappelle les travaux pionniers de Robert Delort. Cet ouvrage permet donc à la fois un bilan et un tour d’horizon sur ce sujet.