L’histoire environnementale s’affirme depuis plusieurs années comme un chantier important, novateur et qui oblige à relire l’histoire des 19ème et 20ème siècles. Les auteurs travaillent depuis un certain temps sur ces questions, Anne-Claude Ambroise-Rendu s’est intéressée à la médiatisation de l’écologie, Steve Hagimont aux controverses liées aux usages de la montagne, Charles-François Mathis à l’histoire environnementale et britannique, enfin, Alexis Vrignon a travaillé sur les mouvements écologistes dans les années 1968.
Les auteurs proposent ici une histoire des luttes environnementales qui, premier intérêt, ne débute pas dans les années 1960-1970 aux États-Unis ou en France, avec Rachel Carson et René Dumont mais plonge ses racines dans les siècles passés. En effet, contrairement à une idée reçue, les inquiétudes ont été précoces et des contestations se sont affirmées face l’industrialisation et à l’urbanisation anarchique dès le début du 19ème siècle. Les combats sont retracés sur la longue durée, trois siècles. Ils ne cèdent pas à une vision téléologique et évoquent les flux et les reflux de la prise de conscience écologique et des luttes pour l’environnement. Ils étudient des espaces très différents même si l’Europe et les États-Unis sont privilégiés, les auteurs nous entrainent aussi au Japon, en Chine, en Afrique, en Amérique latine, en Océanie. Évoquant les circulations transnationales des répertoires d’action, des thèmes mobilisateurs et des inquiétudes face à des défis communs.
L’ouvrage est découpé en quatre parties chronologiques : « Fin du 18ème-19ème. Contester dans le siècle du progrès » ; « 1900-1967. Les luttes environnementales face aux flux et reflux de la modernité » ; « 1967-1979. Le tournant environnemental » ; « 1979-1999. Défendre la planète à l’heure du développement durable ». Il est composé d’une centaine d’entrées, chacune d’entre elles comportant une page de texte clair et dense ainsi que des documents iconographiques de grande qualité. En effet, c’est aussi un « beau livre ». Le lecteur pourra suivre l’ordre chronologique ou picorer en fonction de ses centres d’intérêt et de ses connaissances.
Sont présentés des acteurs, penseurs ou inspirateurs des environnementalistes : Jean-Jacques Rousseau, Thoreau, Ivan Illitch… mais aussi des célébrités : Brigitte Bardot ; ainsi que des militants : Chico Mendes, Petra Kelly, Daniel Cohn-Bendit… Ne sont pas oubliés les courants intellectuels qui ont nié les problèmes environnementaux et ont participé à la fabrication de l’ignorance : Luc Ferry, ceux qui ont signé l’appel de Heidelberg, des physiciens et chimistes américains, mais pas Claude Allègre qui y participa activement un temps. L’émergence d’associations environnementalistes est évoquée de la Société royale contre la maltraitance des animaux aux Amis de la Terre et à Greenpeace. D’autres moins connues le sont aussi, telle la communauté Monte Verità en Suisse. Les débats entre défenseurs de l’environnement et défenseurs de l’industrie ne sont pas oubliés ni ceux qui partagent les précurseurs de l’écologie, tel celui entre John Muir et Gifford Pinchot. De grands combats sont, bien sûr, analysés : contre les pluies acides (dès le 19ème siècle), contre le smog londonien, contre les pollutions minières (Japon, Espagne) ; en défense d’espaces naturels : lac Baïkal, parc de la Vanoise ou Danube ; mais aussi en défense des animaux… Les auteurs portent aussi attention aux acteurs de ces luttes : esthètes d’origine bourgeoise pour la forêt de Fontainebleau, mineurs à Riotinto, pêcheurs à Minamata, paysans sur le causse du Larzac… Les moyens d’action évoluent depuis le 19ème siècle mais la presse joue un rôle important et recourt fréquemment à des caricatures dans le Pêle-mêle, La gueule ouverte… Quant à l’action au Parlement européen, elle suppose patience et art du compromis. Le livre ne fait pas l’impasse sur les difficultés du mouvement écologiste à dialoguer avec les chasseurs ou les éleveurs en Europe. De plus, cet ouvrage permet de comprendre que les luttes pour l’environnement ne sont pas un luxe de « bobos » des pays riches comme voudraient le faire croire une certaine presse en France. Des paysans indiens refusent l’emploi des OGM dans l’agriculture, des victimes dénoncent l’accident de Bhopal, en Inde, Chico Mendes a été assassiné au Brésil pour avoir tenté de lier lutte environnementale en défense de la forêt amazonienne et lutte en défense des petits paysans et des indigènes…
Un ouvrage passionnant et fort utile sur les luttes pour l’environnement pour les enseignants d’HGGSP en lycée. Un livre nécessaire dans tous les CDI de France et de Navarre car clair et très lisible, il peut attirer l’œil du lycéen sensible à ces questions ou servir pour un dossier solide et vivant. Enfin, un beau cadeau pour les fêtes qui porte, en plus, sur un thème aujourd’hui fondamental.