Chasseurs d’histoires. Chasseurs de trésors. Archéologie et Bande dessinée est l’ouvrage/catalogue faisant écho aux expositions éponymes qui ont eu lieu à Amiens entre mai et août 2021.

Dans le propos liminaire (p.11), il est indiqué que « les autrices et auteurs de bande dessinée qui s’intéressent au passé ont ceci en commun avec les archéologues et les historiens : à partir de matériaux divers qu’ils malaxent, triturent, soupèsent et analysent, ils tentent de raconter une histoire, des histoires. Ils s’efforcent de donner sens à des traces, d’élaborer des scénarios et, quand ils ont établi quelques certitudes sur la trame de leurs récits, ils produisent alors des images, des plans, des pages dessinées. L’objet laissé derrière soi, l’objet trouvé, l’objet exposé, l’objet rêvé : ce sont bien les chapitres d’une même histoire ».

Fort de ce constat, les concepteurs du livre se proposent de faire entrer en résonance lieu de conservation, artefacts et neuvième art selon un plan en trois parties : « voir des trésors », « rêver des trésors » et « découvrir des trésors ».

« Voir des trésors » débute par un rapide historique du Musée de Picardie, de sa création à sa réfection récente.

Suit une réflexion à travers notamment les œuvres de Marc-Antoine Mathieu (Les Sous-sols du Révolu) et Nicolas de Crécy (Période Glaciaire) sur ce qu’est la conservation dans un musée, une réserve et un artefact (les pages 28-29 sont pour le moins éclairantes et pourront être réutilisées en classe). L’archéologie de l’Orient et de l’Égypte font aussi l’objet d’un beau développement avec un intéressant focus sur la figure de la momie (La fille du professeur d’ Emmanuel Guibert et de Joann Sfar).

« Rêver des trésors » rappelle l’apparente dichotomie pouvant exister entre la rigueur scientifique de la fouille et de l’interprétation archéologique et la propension à rêver le passé des créateurs.

Les auteurs écrivent toutefois « gardons-nous d’opposer science et rêve car nombre de certitudes du passé, comme l’impossibilité de l’existence de l’Homme préhistorique, ont volé en éclats au cours du temps (p.43) ».

Les rapports entre bande dessinée et « histoires » sont ensuite évoqués avec les dinosaures (extraordinaire Winsor McCay), l’antiquité gréco-romaine (avec un développement sur la guerre), la figure de la sphinge, le trésor d’argenterie de Boscoreale, les trésors monétaires (avec un encart « éclairant » sur la notion de trésor en archéologie page 57), la tour de Babel (sur ce thème, voir la très impressionnante Mobile Fortress de Pen So, page 65) et les cathédrales.

« Découvrir des trésors » débute par un rappel de Tahar Ben Redjeb (p.73) : « toute trouvaille, le moindre tesson de céramique, le moindre silex taillé, constituent un trésor ».

Le propos s’étend à la figure de l’archéologue dans le neuvième art avec un premier constat : à l’inverse du cinéma ou du jeu-vidéo, la bande dessinée ne dispose pas d’un « archéologue star ».

Deux récits dessinés, venant en appui de textes relatifs à l’importance de la science préhistorique dans la Somme, rappellent les découvertes de Jacques Boucher de Perthes à Saint-Acheul et de la mise au jour récente de la Dame de Renancourt.

Un focus est fait sur la fascination exercée par la période préhistorique sur les auteurs de bande dessinée, de Rahan à Silex and the City (p.79 à 81).

Le rapport entre dessin et archéologie est également abordé avec notamment la démarche de Sylvain Savoia à propos des esclaves oubliés de l’île de Tromelin (p.91).

Chasseurs d’histoires. Chasseurs de trésors. Archéologie et Bande dessinée est très didactique, mêlant rigueur scientifique et choix d’œuvres opportunément.

Comme déjà mentionné supra, l’ouvrage constitue un excellent support pour qui souhaiterait travailler sur l’Antiquité ou le statut de l’ « objet » en rapport avec la bande dessinée.

Grégoire Masson